Suite (3)
L’opération Khashoggi
Il suffisait d’attendre. Le 2 octobre 2018, MBS fit assassiner au
consulat saoudien d’Istanbul un des hommes de main du prince al-Waleed
Ben Talal, le journaliste Jamal Khashoggi, en violation de l’article 55
de la Convention de Vienne sur les relations consulaire [4].
Jamal Khashoggi était le petit-fils du médecin personnel du roi Abdul
Aziz. Il était le neveu du marchand d’armes Adnan Khashoggi qui équipa
l’armée de l’air saoudienne, puis approvisionna pour le compte du
Pentagone l’Iran chiite contre l’Iraq sunnite. Samira Khashoggi, sa
tante, est la mère du marchand d’armes Dodi Al-Fayed (éliminé avec sa
compagne, la princesse britannique Lady Diana [5]).
Jamal avait été associé au coup de Palais que le vieux prince
al-Waleed préparait contre MBS. Des spadassins lui coupèrent les doigts
et le démembrèrent avant de présenter sa tête à leur maître, MBS.
L’opération avait été soigneusement enregistrée par les services secrets
turcs et US.
À Washington, la presse et des parlementaires US demandent au président Trump de prendre des sanctions contre Riyad [6].
Un conseiller de MBS, Turki Al-Dakhil, réplique que si les États-Unis
prennent des sanctions contre le royaume, celui-ci est prêt à
chambouler l’ordre mondial [7]. Car dans la tradition des bédouins du désert, toute insulte doit être vengée quel qu’en soit le prix.
Selon lui, le royaume prépare une trentaine de mesures dont les plus marquantes sont :
Descendre
la production de pétrole à 7,5 millions de barils/jour, provoquant une
hausse des prix aux environs de 200 dollars le baril. Le royaume exigera
d’être payé en d’autres monnaies que le dollar, provoquant la fin de
son hégémonie ;
S’écarter de Washington et se rapprocher de Téhéran ;
Acheter
des armes en Russie et en Chine. Le royaume offrira une base militaire à
la Russie à Tabuk, au nord-ouest du pays, c’est-à-dire à proximité de
la Syrie, d’Israël, du Liban et de l’Iraq ;
Soutenir du jour au lendemain le Hamas et le Hezbollah.
Consciente des dégâts que le fauve peut provoquer, la Maison-Blanche
sonne la curée. Se souvenant tardivement de leur beau discours sur les
« Droits de l’homme », les Occidentaux déclarent en chœur qu’ils ne
supportent plus ce tyran médiéval [8].
Tous leurs leaders économiques, un à un, se conforment aux instructions
de Washington et annulent leur participation au Forum de Riyad.
Rappelant que Khashoggi était « résident états-unien », le président
Trump et son conseiller Kushner évoquent la confiscation de ses biens au
profit des États-Unis pour apaiser leur courroux.
À Tel-Aviv, c’est la panique. MBS était le meilleur partenaire de Benjamin Netanyahu [9].
Il lui avait demandé de constituer un état-major commun au Somaliland
pour écraser les Yéménites. Lui-même s’était secrètement rendu en
Israël, fin 2017. L’ancien ambassadeur US à Tel-Aviv, Daniel B. Shapiro,
prévient ses coreligionnaires israéliens : avec un tel allié, Netanyahu
met le pays en danger [10].
Le Pacte du Quincy ne protège que le roi, pas les prétendants à son trône.