L’esclave tient une épée nue
Semblable aux sources et aux fleuves
Et chaque fois qu’elle s’abaisse
Un univers est éventré
Dont il sort des mondes nouveaux
Le chauffeur se tient au volant
Et chaque fois que sur la route
Il corne en passant le tournant
Il paraît à perte de vue
Un univers encore vierge
Et le tiers nombre c’est la dame
Elle monte dans l’ascenseur
Elle monte monte toujours
Et la lumière se déploie
Et ces clartés la transfigurent
Mais ce sont de petits secrets
Il en est d’autres plus profonds
Qui se dévoileront bientôt
Et feront de vous cent morceaux
À la pensée toujours unique
Mais pleure pleure et repleurons
Et soit que la lune soit pleine
Ou soit qu’elle n’ait qu’un croissant
Ah ! pleure pleure et repleurons
Nous avons tant ri au soleil
Des bras d’or supportent la vie
Pénétrez le secret doré
Tout n’est qu’une flamme rapide
Que fleurit la rose adorable
Et d’où monte un parfum exquis
Guillaume Apollinaire, Ondes, Calligrammes 1918