Pour aller directement là où le bât blesse, je dirais que la note attribuée à l’article ainsi que la teneur des commentaires indiquent une communication qui a échoué.
Comme je viens de lire (sur un site concurrent dont je tairai le nom) un article très bien fait sur le caractère positif et fructueux de l’échec, je ne crois pas affaiblir le projet Decidemos en faisant ce constat et je pense au contraire qu’un effort d’analyse de cette situation d’échec pourrait être utile pour la suite.
Afin d’y contribuer à ma mesure (car je trouve le projet de Decidemos idéalement adapté à la situation actuelle), je souhaiterais mettre en avant les points suivants :
1) Un texte qui démarre par « nous démocrates » ne peut qu’inquiéter et susciter la réticence car s’auto-attribuer la qualité de « démocrate » ressemble parfaitement au plus éculé des discours politiciens dont tous les pourris de tous les continents ont abreuvé le bon peuple depuis des décennies voire des siècles.
2) Le b-a ba en communication c’est qu’on ne parle de pas de soi mais de l’autre, afin de montrer que son attention est dirigée vers les besoins d’icelui.
3) Je ne vais pas tenter ici une démonstration en bonne et due forme mais il me semble qu’il serait utile de faire apparaître que le premier besoin du mouvement des gilets jaunes est dorénavant de s’organiser en respectant ses fondamentaux qui sont : (a) pas de récupération par le système, donc pas de représentants, porte-parole, leaders etc. mais, au contraire, (b) une expression directe et permanente de la volonté populaire.
4) Le RIC correspond idéalement à cette aspiration mais il n’est que le but encore lointain d’un mouvement qui doit pouvoir durer jusqu’à son accomplissement tout en maintenant la pression sur le gouvernement pour qu’il consente à opérer les changements législatifs demandés. Bref, il s’agit de se doter d’une organisation durable qui respecte la nature foncièrement collective, « grass-root » ou « bottom-up » d’un mouvement populaire issu de la « France d’en-bas » qui ne veut plus répéter l’acte imbécile consistant à faire confiance à des représentants.
5) Or c’est justement cela la démocratie, la vraie, celle qui se pratiquait dans la Grèce antique et que nous n’avons jamais connue en France étant donné que nos différentes Républiques post-révolutionnaires ont toutes été fondées sur le mensonge absolu consistant à présenter le système de l’« aristocratie élue » comme une démocratie qualifiée de « représentative. »
6) Et, si je ne me trompe, c’est justement ce besoin de démocratie réelle ici et maintenant que l’association Decidemos se propose de satisfaire ici et maintenant, en promouvant des modes d’organisation démocratique basés sur des outils de démocratie directe tels qu’il s’en invente de par le monde, comme la plateforme Decidim de Barcelone.
7) Bref (tout à coup, je vois ce vers quoi j’allais sans savoir que j’y allais), il me semble que ce serait une erreur dramatique pour l’association Decidemos de se présenter comme une entité de nature politique même si c’est sa raison d’être originelle car, dès lors, il est inévitable qu’elle subisse la méfiance et l’ostracisme que le mouvement des gilets jaunes manifeste avec raison à l’égard de toutes les organisations autres que le mouvement lui-même.
8) Inviter les gilets jaunes à rejoindre Decidemos me paraît une tentative vouée à l’échec. Les gilets jaunes n’ont pas accompli ce qu’ils ont accompli pour aller s’encarter chez Decidemos. L’association me paraîtraît beaucoup plus pertinente si elle se présentait comme prestataire de service à titre gracieux afin d’aider les gilets jaunes à se doter de l’organisation démocratique réelle (SANS AUCUN REPRESENTANT) dont ils ont cruellement besoin.
9) Je dirais même plus : comme la graine qui doit mourir pour donner un arbre, il me semble que Decidemos devrait se fondre dans le mouvement gilet jaune afin de disséminer son expertise de l’organisation démocratique véritable au sein de laquelle le collectif conserve le pouvoir à tout moment sans JAMAIS L’ABANDONNER A UN REPRESENTANT OU UN « ELU ».
10) Dans cette perspective je ne saurais trop recommander de ne plus JAMAIS utiliser le terme de « représentant » ou d’« élu » de sinistre mémoire puisqu’on leur doit quand même deux siècles d’un mensonge mortifère pour le peuple. Il est existe des alternatives que LucadeParis connaît bien (puisqu’il me les a déjà pointées, comme par exemple « émissaire ») et elles me paraissent dorénavant de rigueur.
11) Par ailleurs, il me semble que l’expertise de Decidemos ne sera incontestable que si elle ne lâche à aucun moment le double principe du tirage au sort et du mandat impératif. Faire que des membres d’un groupe soit « élus » sur la base de leur qualités personnelles c’est replonger direct dans le principe de l’aristocratie élective. Le tirage au sort permet de couper court à cela, il ne faut jamais le lâcher. Mais il ne suffit pas. Il faut aussi le mandat impératif qui garantit que L’EMISSAIRE NE DISPOSE D’AUCUN POUVOIR, ABSOLUMENT AUCUN. Il est seulement un exécutant parfaitement « transparent » qui se contente de porter la parole du collectif dont il est issu en vertu d’un simple tirage au sort. Il n’est besoin d’aucune compétence particulière pour exécuter cette mission. Tout citoyen normalement constitué et basiquement éduqué fera l’affaire.
12) Si Decidemos s’efface et se laisse vraiment « posséder » par les gilets jaunes, alors, je le crois vraiment, tout devient possible, car LORSQUE LES GILETS JAUNES ENTRERONT EN POLITIQUE, LE MONDE TREMBLERA. Il serait idéal que cela soit mis en œuvre pour les élections européennes. Mais les gilets jaunes accepteront-ils l’idée que les blocages ont déjà donné tous leurs fruits et que, dorénavant, le meilleur moyen d’entretenir le rapport de force avec le gouvernement pour le faire consentir à un RIC véritable (sans domaine réservé, sans garde-fous constitutionnels) c’est d’envahir son espace vital, l’espace du politique ? L’avenir nous le dira.