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Commentaire de Renaud Bouchard

sur République Benallière : les « Kaïra » de l'Elysée. Dans l'Affaire Benalla, on demande…le Président, empêtré dans les arcanes de la Politique


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Renaud Bouchard Renaud Bouchard 26 février 2019 23:47

@Berkano Othala

Qu’alliez-vous imaginer ?

"Une patrouille de Mirage 2000 français a procédé dimanche dans le nord du Tchad, dans le Tibesti, à des frappes, en appui de l’armée tchadienne, pour arrêter une colonne de 40 pick-up – les chiffres divergent — d’un groupe armé en provenance de Libye. C’est ce qu’a annoncé lundi, le ministère français des armées. Le colonel Azem Bermendoa Agouna, porte-parole de l’armée tchadienne a indiqué, je cite : la « colonne de mercenaires et terroristes » a été « neutralisée et mise hors d’état de nuire par nos forces aériennes appuyées par les forces Barkhane ». Accord d’assistance avec notre allié dans l’opération Barkhane au Mali. Tout est donc parfait…
 
En fait, non. Déjà parce qu’en lieu et place de terroristes, c’est une colonne de l’Union des forces de la résistance, l’UFR, qui a été mise hors d’état de nuire. L’UFR est un mouvement de rébellion interne au Tchad, dirigé par Timane Erdimi, qui n’est autre que le neveu du… chef de l’État tchadien, Idriss Deby, et membre comme lui de l’ethnie des Zaghawa, originaire du nord-est, soudanaise en fait.
La France est donc intervenue dans une affaire de politique intérieure et non dans le cadre d’une opération de défense des frontières, comme on aimerait nous le faire croire.
C’est la même rébellion qui, en 2008, avait atteint les faubourgs de N’Djamena et failli renverser le pouvoir du président Idriss Déby… avant que l’armée française n’intervienne après avoir contraint le Président tchadien à faire preuve de moins d’autonomie qu’il ne le souhaitait… La « Françafric » que nous dénoncions dans notre dernière édition tourne à plein régime, et la lutte contre le terrorisme a toujours le dos large. En Afrique, pour imposer ou maintenir des dirigeants complaisants avec des multinationales apatrides. En France, pour réduire nos libertés tout en nous maintenant dans une insécurité permanente.
 
Mais l’intervention de l’Armée de l’air française, au demeurant fort réussie, est éclairée par une tribune de Libération, en date du 21 janvier dernier.
Sous le tire fort évocateur d’ « Alexandre Benalla, pour tout l’or du Tchad », l’écrivain Thomas Dietrich, qui est aussi un ex-fonctionnaire fin connaisseur du Tchad, lève le voile sur l’excursion d’Alexandre Benalla au Tchad, en compagnie de son nouveau mentor, le sulfureux homme d’affaires israélien Hababou Solomon. Escroc condamné, impliqué dans un trafic de pétrole avec des islamistes, l’homme est aussi un agent du Mossad qui a fait venir des mercenaires israéliens à N’Djamena pour monter, dès 2006, une cellule d’écoutes téléphoniques. Il est aussi à l’origine de la visite d’Idriss Déby à Tel-Aviv, fin novembre, alors que les relations diplomatiques entre les deux états étaient rompues depuis 1972. Visite qui se conclura par une vente d’armes… Moins d’une semaine plus tard, Hababou Solomon vient chercher sa rétribution pour ses bons offices, sa diplomatie de l’ombre en Israël, mais aussi au Quatar. La délégation de dirigeants de la société turque Sur Internationalqui les accompagne et qui vient vendre des uniformes militaires est un leurre, une simple couverture selon Thomas Dietrich et il poursuit : Hababou Solomon et Benalla ont des ambitions de Rockfeller plutôt que de fripiers.
 
Au soir du 3 décembre donc, Hababou Solomon annonce à Idriss Déby que des investisseurs qataris sont prêts à se lancer dans l’extraction de l’or du… Tibesti.
Et oui. Pendant trois ans, de 2015 à 2018, des experts du Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, un organisme public français ont cartographié les ressources minières de l’ensemble du territoire. Dans la région du Tibesti, ils ont découvert des quantités incommensurables d’or. De quoi sauver le pays, puisque le régime tchadien ne tire pratiquement plus aucun bénéfice de l’exploitation de son pétrole, qui se monte pourtant à 170 000 barils par jour. Des banques, des multinationales et le clan Déby pillent tout. Les Panamas Papersont estimé les détournements de fonds du clan Tchadien à plus de 17 milliards d’euros… Le Tchad est actuellement classé 186e sur 189 à l’indice de développement humain des Nations unies. Nous vous le disions dans notre édition du 18 décembre dernier, Macron a fort généreusement prêté, sur 20 ans, trente millions d’euros qui ont servi à payer les salaires de décembre des quelque 90 000 fonctionnaires civils tchadiens et plus de trois mois des retraites. On l’aura compris, l’or du Tibesti est donc la seule chance pour le Clan Déby de se maintenir en place.
 
Mais pour exploiter cette manne, avant que des multinationales ne s’installent dans les zones aurifères et ne puissent exploiter de manière industrielle le précieux métal, il faut chasser les orpailleurs qui s’y sont installés. C’est précisément à ce moment-là, en août, que les bombardements de l’aviation tchadienne commencent. Mais les orpailleurs ne s’en laissent pas conter et prennent les armes, s’alliant avec les rebelles du CCMSR (Conseil de commandement militaire pour le salut de la République), d’origine Toubou, et les membres de l’UFR, que notre aviation vient gentiment d’exploser… dans le Tibesti, justement.
 
Si Hababou Solomon a amené dans ses bagages Alexandre Benalla, c’est pour convaincre Idriss Déby que la France suivra. Car Déby en est persuadé : en s’adressant à Benalla, il parle à l’oreille de Macron. Est-ce réellement le cas ? Macron a-t-il fait de son ancien garde du corps l’instrument d’une diplomatie parallèle ? L’Élysée a toujours affirmé tout ignorer de l’équipée de Benalla en terre tchadienne, passeports diplomatiques en poche. Mais les faits sont têtus. Les 22 et 23 décembre, le président français s’est rendu à N’Djamena et a affiché un soutien indéfectible à Idriss Déby. Et surtout il l’a assuré de l’appui des forces françaises stationnées à N’Djamena, à Abeche et à Fayau-Largeau. Logistique, renseignement, formation, hôpitaux de campagne… Et quand cela ne suffit pas, comme en ce début février ou en 2008, une intervention directe par l’aviation ou les commandos.
 
Évidemment, à Paris, tout va bien. Dans son courrier aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat pour les informer a posterioride l’opération française, conformément à l’article 35 de la Constitution, le Premier ministre, Édouard Philippe, a évoqué je cite : « la demande d’assistance du président de la République du Tchad, Idriss Déby  » sans faire mention bien sûr, de ces problèmes d’or et d’orpailleurs-rebelles.
Alors quand on voit le degré de pourrissement à la tête du pays, où les barbouzes de l’Élysée fricotent avec celles de Matignon, à travers des sociétés anonymes qui vendent protection et renseignements, le peuple français est en droit de se demander, si au Tchad comme trop souvent ailleurs, les intérêts supérieurs de la Nation ne sont pas bradés par des criminels qui privatisent ce qui reste de la puissance publique de notre pays, dans des opérations très lucratives.
Malheureusement, les réponses ne nous viendront pas des sables du Tibesti. Les cadavres des orpailleurs ne parleront plus…"


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