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Commentaire de Analis

sur La légitimité des armes aux Etats-Unis


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Analis 28 mai 2019 10:52

@McGurk

Dans toute discussion sur l’analyse du contexte historique historique et culturel qui a présidé au vote du 2ème amendement, il faut savoir que l’interprétation qui en est faite par André Kaspi, sur laquelle se base largement l’auteur, est en grande partie inexacte. Mais la question est tellement polluée par des considérations idéologiques qu’il est difficile de faire la part des choses. Plusieurs précisions indispensables doivent être apportées :

En effet, le 2ème amendement ne concerne que l’organisation de milices populaires, une sorte de Garde Nationale devant être sous le contrôle d’une autorité. Tant la rédaction de l’amendement que les débats autour de lui ne laissent aucun doute là-dessus. La question de l’autorité en question était cependant laissée en blanc, même s’il est certain que les constituants, y compris les plus centralistes, s’accordaient à ce qu’elle soit située à un niveau infra-fédéral. Mais bien que la plupart des constituants étaient en faveur d’un droit individuel de porter les armes, parce qu’il était dans la mentalité de l’époque, et effectivement plus ou moins justifié par le caractère alors embryonnaire de la police dans de nombreux lieux, il est parfaitement clair que le droit défini dans le texte était collectif et non personnel, tous les rédacteurs le justifiant par la nécessité d’assurer au peuple dans son ensemble le droit de se défendre contre la constitution d’une tyrannie. Alors qu’au contraire, les quelques demandes faites par certaines conventions d’État d’inscrire dans la Constitution ce droit individuel ont été explicitement rejetées. Quoi que puisse claironner de nos jours la NRA.

On notera que cette conception d’une véritable armée populaire s’inscrivait dans une vieille tradition anglaise, qu’on peut considérer comme étant à l’origine de la notion moderne de conscription. Les citoyens anglais étaient en effet requis au Moyen-Âge de conserver des armes, en attendant que le roi les lève en tant qu’armée dans un but de défense, aucune armée permanente n’étant alors autorisée. Une conception qui a plus récemment disparu de la tradition tant britannique qu’anglaise, le recours à la conscription dans les deux guerres mondiales se faisant sur un modèle identique à celui qui s’était entre temps mis en place sur le continent. Il n’y a guère qu’en Suisse qu’une telle structure a survécu. Il est à noter que la création d’une armée permanente en Angleterre au début du XVIIème siècle a été un des principaux motifs qui ont mené à la révolution qui a emporté Charles Ier et mené à sa décapitation, plus d’un siècle avant Louis XVI.

Il est indiscutable que l’idéologie de contrôle des armes à feu, soutenue à tout va par des élites malhonnêtes, est d’obédience autoritaire, comme le montre l’histoire française, par exemple. Mais il est difficile de donner entièrement tort à certains contempteurs du port d’arme : le débat autour de la liberté de possession des armes à feu comme moyen de résistance à l’oppression est dépassé. Déjà parce que de toute façon, de nos jours, vue la disproportion de l’armement, qui n’existait pas il y a deux siècles, il serait impossible pour une milice populaire, permanente ou non, ou à un soulèvement spontané, de résister aux forces armées, dotées d’une puissance particulièrement destructrice ; même si les citoyens armés étaient équipés de fusils automatiques indisponibles en Europe, mais si fréquents aux USA. Ensuite parce qu’en réalité, les rednecks qui se gargarisent de la mystique des armes à feu comme garante de leur liberté ne sont en réalité pas intéressés par la protection des droits individuels, ils sont au contraire très sécuritaires, favorables aux exactions policières, et hostiles aux droits individuels, à la seule exception de leur droit de propriété et de tirer sur quiconque y pénètre. Il est à noter que dès l’époque de la rédaction de la constitution fédérale, l’hostilité au droit de résistance à l’arbitraire était déjà présent chez ceux-là même qui se faisaient fort de beaux discours en sa faveur. Ainsi, les délégués de Pennsylvanie, de ceux favorables à l’inscription d’un droit individuel de port d’armes, avaient inclus parmi les motifs pouvant justifier une restriction, outre les antécédents criminels ordinaires, la participation à une rébellion. Ce qui inclut justement la résistance à des situations d’oppression. Un bel exemple de tartufferie. La question n’était alors aucunement théorique, car il venait juste d’y avoir une révolte armée d’ampleur au Massachussets, menée par Daniel Shays. Une sorte de mouvement des Gilets Jaunes à la puissance dix. Les insurgés, qui se donnaient le nom de Régulateurs, protestaient contre la politique du gouvernement local, qui les acculait à la faillite, les empêchant de régler les dettes contractées durant la guerre, mais favorisait le règlement des siennes. Cet événement, un peu oublié, avait été un des déclencheurs de l’établissement d’un État fédéral. En fait, déjà à l’époque, la tendance dominante chez les législateurs locaux était d’essayer de collecter les armes en circulation, et d’établir des milices disciplinées sous le contrôle direct et exclusif du gouvernement de l’État, pour contrer de tels mouvements armés. On était loin des considérations de la NRA.


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