Mon grain de sel.
Au fil de l’exploitation de nouveaux territoires, l’esclavage est la naissance d’une nouvelle forme de
capitalisme de rente. Dans l’ordre, nous trouvons d’abord les Portugais, puis les
Espagnols, ensuite les Hollandais, suivent de près les Anglais, enfin, plus
tard les François, bons derniers parce très occupés auparavant à s’étriper sur des
thèmes majeurs, à savoir : Marie – la maman de Jésus – était-elle vierge, mais
aussi sur un point de vocabulaire fondamental à éclaircir entre transsubstantiation
et consubstantiation. Débats endormis mais toujours ouverts.
Des Africains,
solides et résistants, devaient remplacer les Autochtones, survivants de
massacres, trop peu nombreux et assez nonchalants devant le labeur obligatoire, mais aussi les premiers travailleurs blancs européens[1]
importés par rafles mais si fragiles sous les tropiques.
Les rendement
financiers, comparés à d’autres activités de ces époques, n’étaient pas très
élevés[2].
Un capitaine de navire négrier ne pouvait tolérer trop de pertes dans sa
marchandise[3] sinon à
risquer d’écorner capital et bénéfice ; il était attentif à un minimum de
soins pendant la traversée. L’équipage parfois était encore plus mal traité[4].
Le moteur
de l’esclavage c’était donc la cupidité, lié au ratio de l’efficacité et du moindre
coût ; rien de nouveau sous le soleil.
Pour
rester dans l’esprit de Madame Angot, j’ai le récit de ma belle-mère.
Début 1943,
petite paysanne âgée de 17 ans, elle allait vendre régulièrement ses œufs sur
la place du marché de Tarnow (Pologne). Un jour, alors que bien installée, inopinément, tous
les accès de la place sont bloqués ; vigoureusement aidée par quelques coups
de crosse assénés par de solides gaillards de son âge, elle dut grimper dans un des nombreux
camions en partance pour l’Allemagne en compagnie de quelques personnes juives.
Oświęcim
étant sur le parcours, un arrêt obligatoire permit à ces personnes de descendre
du véhicule.
Ma belle-maman, gratuitement, cultiva donc le jardin et
entretint le bétail du IIIe Reich chez un couple de propriétaires vieillissants
plutôt charitables[6] ;
elle y rencontra mon beau-père, prisonnier de guerre.
Surprise ! Dans les années 1980, elle reçut de la RFA
une petite indemnité, solde de tout compte, pour activité non-salariée de la
période 1943-1945. Mon beau-père n’a rien reçu.
Elle n’a jamais eu de nouvelles
des personnes rencontrées dans le camion.
[1] Un écueil important : les jésuites
accompagnateurs n’appréciaient pas l’exploitation des chrétiens.
[2] Actuellement, le taux versé aux
actionnaires dans certaines activités – maison de retraite, autoroute,… se situe
entre 14 et 17 % ; pour la traite négrière, activité à hauts risques –
piratages, maladies, tempêtes,… le taux n’aurait jamais dépassé dans le rare
et meilleur des cas 6 % .
[3] Veuillez m’excuser de cette
apparente brutalité, mais c’est pour rester froid comme un plan comptable.
[4] Il m’est d’ailleurs difficile
de comprendre pourquoi Jean-Marie Arouet, esprit lucide de son temps et que j’apprécie,
investit dans cette entreprise antillaise gonflée d’aléas.
[5] Désagréable à écrire, mais étaient-ils autre chose que du bétail
pour leur propriétaire ?
[6] Leur fils effectuait une forme de tourisme
en Union soviétique.