@Yann Esteveny
Vous
avez peut-être raison pour le Beau, bien que ce soit plus grec que
biblique (« Nous ne considérons point les choses visibles,
mais les choses invisibles » (2 Cor, 4, 18).
Mais
votre article concerne le cinéma. Vous parlez d’édification. Vous
employez deux fois le terme. C’est là tout le problème.
Sincèrement, qui va au cinéma pour être édifié ? Vous avez
perdu d’avance sur ce terrain-là. Vous êtes sur le terrain de
l’adversaire : les émotions, les images, la musique,
l’esthétisme. Aucun des films que vous citez ne me tente. Je
préfère voir Dracula de Coppola ou Orange mécanique de Kubrick. Et
je ne suis pas le seul. Faire du cinéma un outil de prosélytisme,
c’est pousser les gens dans la direction opposée. L’essence du
christianisme est irreprésentable. Le cinéma est un envoûtement,
or le christianisme est justement la libération à l’égard de
tous les envoûtements. C’est parfaitement antinomique.
Quels
sont les chefs-d’œuvre du cinéma religieux ? Ben-Hur ?
Mais justement on ne voit jamais le Christ, et l’auteur de la pièce
originale, Lew Wallace, a formellement spécifié que le Christ ne
devait pas être représenté sur scène. Les Dix Commandements ?
Mais ce n’est pas un film chrétien, c’est l’Ancien Testament,
et c’est avant tout l’histoire de l’émancipation d’un
peuple, ce qui entrait en résonance avec l’histoire américaine.
Il
y a des centaines de documents sur les liens entre Hollywood et le
satanisme. Il y a des centaines de films ouvertement anti-religieux.
Ce n’est pas pour rien. Ce sont deux ordres antinomiques. On ne
peut pas servir à la fois le Prince de ce monde et le Prince de la
Vie.
Vous
voulez que je vous cite un film chrétien ? Certains films de
Scorcese. Scorcese a reçu une solide formation catholique, vous ne
l’ignorez pas, il paraît qu’il a même voulu rentrer dans les
ordres à un certain moment. Eh bien Taxi driver, ou À
Tombeaux ouverts, sont une représentation frappante d’un monde
sans Dieu, avec la prostitution, le crime, le désespoir, et parfois
quelques trouées sur l’innocence et la rédemption d’une
créature déchue. C’est un cinéma chrétien en creux en quelque
sorte. Mais voir un homme barbu en toge qui fait marcher des
impotents, c’est l’écorce la plus extérieure, et souvent la
plus ridicule.
Bien
à vous.