« L’inefficacité
croissante de la fonction publique en France »
Rappelons ces
paroles de René Guénon qui, dans son ouvrage « La crise du monde moderne »,
faisait référence dès 1927 à ces fausses élites issues de la démocratie :
« il nous
faut encore insister sur une conséquence immédiate de l’idée « démocratique »
qui est la négation de l’élite entendue dans sa seule acception légitime ; ce
n’est pas pour rien que « démocratie » s’oppose à « aristocratie », ce dernier
mot désignant précisément, du moins lorsqu’il est pris dans son sens
étymologique, le pouvoir de l’élite. Celle-ci, par définition en quelque sorte,
ne peut être que le petit nombre, et son pouvoir, son autorité plutôt, qui ne
vient que de sa supériorité intellectuelle, n’a rien de commun avec la force
numérique sur laquelle repose la « démocratie », dont le caractère essentiel
est de sacrifier la minorité à la majorité, et aussi, par là même, comme nous
le disions plus haut, la qualité à la quantité, donc l’élite à la masse. Ainsi,
le rôle directeur d’une véritable élite et son existence même, car elle joue
forcément ce rôle dès lors qu’elle existe, sont radicalement incompatibles avec
la « démocratie », qui est intimement liée à la conception « égalitaire »,
c’est-à-dire à la négation de toute hiérarchie : le fond même de l’idée «
démocratique » c’est qu’un individu quelconque en vaut un autre, parce qu’ils
sont égaux numériquement, et bien qu’ils ne puissent jamais l’être que
numériquement. Une élite véritable, nous l’avons déjà dit, ne peut être
qu’intellectuelle ; c’est pourquoi la « démocratie » ne peut s’instaurer que là
où la pure intellectualité n’existe plus, ce qui est effectivement le cas du
monde moderne. Seulement, comme l’égalité est impossible en fait, et comme on
ne peut supprimer pratiquement toute différence entre les hommes, en dépit de
tous les efforts de nivellement, on en arrive, par un curieux illogisme, à
inventer de fausses élites, d’ailleurs multiples, qui prétendent se substituer
à la seule élite réelle ; et ces fausses élites sont basées sur la considération
de supériorités quelconques, éminemment relatives et contingentes, et toujours
d’ordre purement matériel. On peut s’en apercevoir aisément en remarquant que
la distinction sociale qui compte le plus, dans le présent état de choses, est
celle qui se fonde sur la fortune, c’est-à-dire sur une supériorité tout
extérieure et d’ordre exclusivement quantitatif, la seule en somme qui soit
conciliable avec la « démocratie », parce qu’elle procède du même point de vue.
»
Le Bien et
le mal