@San Jose
non mais l’armée et une grande partie de la société de l’époque était très homophobe, aussi taper sur le « p’tit juif » Dreyfus était un moindre mal que d’étaler des choses peu avouables...
Une relecture du « dossier secret » : homosexualité et antisémitisme dans l’Affaire Dreyfus Pierre Gervais, Romain Huret et Pauline Peretz, Dans Revue d’histoire moderne & contemporaine 2008/1 (n° 55-1)
L’Affaire Dreyfus n’est pas née du seul « bordereau » qui fit couler
tant d’encre [2]. Elle est aussi la conséquence de la communication aux
juges du premier Conseil de Guerre de 1894, à l’insu de la défense, d’un « dossier secret » commandé par le général Mercier, ministre de la Guerre. Ce dossier joua un rôle décisif dans la condamnation du capitaine, et c’est aussi son existence qui permit la cassation en 1899
[3].À partir de 1898, les quelques pièces qu’il contenait furent noyées
dans une masse de documents supplémentaires, sans qu’il soit gardé
trace de ce qui avait été utilisé en 1894 [4]. Mais il est certain qu’une
partie des pièces d’origine étaient tirées d’une correspondance
homosexuelle à caractère érotique, adressée à l’attaché militaire
allemand à Paris, le lieutenant colonel Maximilien von Schwartzkoppen,
par l’attaché militaire italien, le major Alessandro Panizzardi, et
dérobées à l’Ambassade d’Allemagne par le service de contre-espionnage
français, baptisé Section de statistiques[5].
[...] Le
contenu du dossier secret aide donc à comprendre la construction de
l’accusation à l’origine de l’Affaire. Un contexte politique et culturel
particulier, caractérisé par une multiplicité de parallèles formels
entre homophobie et antisémitisme, contribua à amalgamer ces deux
idéologies d’exclusion dans le dossier. Certes, Dreyfus était juif et
non homosexuel, alors que ses complices supposés étaient homosexuels et
non juifs, et les attaques antisémites furent ouvertes et innombrables,
tandis que la dénonciation de l’homosexualité fut implicite et
rarissime. L’antisémitisme fut donc bien le ressort essentiel de
l’Affaire. Mais l’homophobie y joua également un rôle non négligeable,
particulièrement à son point de départ ; c’est ce qui ressort de la
reconstitution que nous en proposerons ici.
[......] https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2008-1-page-125.htm