@colibri : Vous avez raison quand vous dites que le pervers n’est pas une brute. Entre Gabriel Matzneff et Marc Dutroux, il y a quand même une différence considérable. Mais il me semble que vous avez une idée du pervers un peu trop essentialisée. Qui est pervers, qui est normal ? C’est assez flou. Parce que ces catégories se définissent par rapport à une norme. Pour moi, le pervers est d’abord quelqu’un qui a un rapport transgressif à la loi.
C’est aussi, vous en conviendrez j’espère, en rapport avec le seuil de tolérance défini par une époque, plus haut ou plus bas comme en ce moment. A l’extrême, ce sont les rapports de séduction dans leur ensemble qui seront condamnés, puisqu’ils supposent toujours qu’un des deux cherche à influencer l’autre à des fins de profit personnel.
Ainsi, de la même façon que la société fabrique ses fous (selon le courant anti-psychiatrique), je crois que la société actuelle fabrique ses pervers et leurs victimes — l’un ne va pas sans l’autre — par un excès de surveillance et de discours médical. Les mots, ici, produisent des maux. Est-ce que toute relation entre un adulte et un adolescent doit générer forcément du traumatisme pour le plus jeune ? Ce n’est pas aussi certain qu’on veut nous le faire croire. Seulement si on ne cesse de traquer les supposés pervers, si on cherche un viol derrière le moindre symptôme dépressif, alors, bien sûr, on va créer une sorte de traumatisme rétroactif. Et surtout, on clôt ainsi toute recherche plus approfondie de soi, puisqu’on tient la preuve et la cause du mal-être. Comprenez-vous l’importance de la parole — la parole officielle — dans tout cela ?
A ce stade de la discussion, je tiens quand même à préciser que je ne suis pas amateur de « fruits verts » et que je ne suis pas, non plus, l’avocat de monsieur Matzneff — je ne suis même pas un de ses lecteurs. Mais, au sens propre comme au sens figuré, je n’aime pas qu’on s’acharne sur un homme à terre.Je ne vous cacherai pas non plus que j’ai un peu de nostalgie pour les années 70, plus permissives, plus bariolées que les années 2010. Et c’est normal puisque j’ai eu 20 ans au cours de cette fameuse décennie des Seventies. J L