@Pierre
Mes impressions, quand j’ai
visionné la vidéo pour la
première fois : frustration, l’impression d’avoir perdu mon
temps, l’impression de n’avoir rien appris. Tu m’as obligé à
la regarder une
deuxième fois, pour vérifier ce que
j’avais ressenti, pour confirmer ou
infirmer ma première impression. L’impression reste la même :
Frédéric Taddéi est excellent mais,
malgré tous ses efforts, il ne parvient pas à pousser Badiou à
sortir ce qu’il a dans les tripes ; Badiou
est dans une
modération un peu veule,
dans une dissidence modérée, tiède,
molle, superficielle (comme s’il ne
voulait heurter personne et arrondir les angles), une dissidence que
d’aucuns pourraient qualifier de « contrôlée »
tellement il reste à la surface des choses, tellement il ne se
mouille pas. D’où l’impression que tu as eue qu’il était
assez complaisant dans sa critique du capitalisme. Je sais bien que
le sujet de son livre c’est Trump et non le capitalisme, mais quand
même… Il effleure les problématiques sans y pénétrer. Est-ce
par peur de faire des prédictions
fausses ou parce qu’il n’a pas poussé sa réflexion assez loin ? Quand il dit que le capitalisme nous a
« désanimalisés », c’est une idée contestable. Le
capitalisme prédateur n’est-il pas plus animal que les
sociétés dites primitives ? Ne
s’apparente-t-il pas, sur un plan écologique, à une invasion de
sauterelles ? La technologie nous
désanimalise-t-elle ou nous déshumanise-t-elle ?
Et quand, à la fin, il nous demande de méditer
sur la question de la démocratie électorale, laissant
entendre que c’est là le fond du problème mais que personne ne l’a
remarqué à part lui, il me semble qu’il
a un train de retard sur la réflexion des gilets jaunes et sur les
travaux d’Étienne Chouard. Bien sûr il
a raison quand il dit que _« la
politique commence quand on sait ce qu’on veut, et pas seulement ce
qu’on ne veut pas. »_ Mais justement, il me semble que le
mouvement des gilets jaunes se caractérise par une évolution qui
est partie de ce qu’on ne veut pas pour aller vers ce qu’on
veut : RIC, réappropriation populaire
et réécriture de la constitution. Bref,
il a totalement occulté cet aspect des revendications citoyennes des
gilets jaunes qui vont dans le sens d’une
contestation profonde du système, et qui sont apolitiques au sens
noble du terme, c’est-à-dire au sens où elles sont
transpartisanes et non présentes dans les programmes des différents
partis.
La vidéo qui m’a marquée, ces derniers temps,
et qui m’a beaucoup plus appris que Badiou, c’est celle-ci :
https://www.youtube.com/watch?v=ghljaJr0Hdk&t=3866s
Grégoire Chamayou ne nous propose pas, du
moins pas encore, de modèle alternatif, mais au moins il nous permet de
comprendre le monde dans lequel nous vivons.