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Vous parlez d’une « économie du bonheur », en opposition à une économie qui apporte insatisfaction et mal-être. Quelles sont les caractéristiques de cette « unhappiness economy » ?
La cause réelle de l’insatisfaction est la séparation entre les gens, la distance, la déconnexion. C’est un problème systémique qui se traduit de façons multiples. La croissance économique a été accompagnée par l’urbanisation. Vous pouvez témoigner de la manière étrange dont nous sommes empilés les uns au-dessus des autres dans les centres urbains sans être interdépendants, sans même nous connaître. Cela crée de l’aliénation. Nous avons été poussés à aller toujours plus vite et, de plus en plus, nous avons été rattrapés par la nécessité de gagner assez d’argent pour payer notre logement, notre nourriture, etc. Nous avons moins de temps pour entretenir des contacts profonds et sensés, d’une part, et des choses superficielles – paraître, porter des vêtements chic, posséder une voiture de luxe – prennent de plus en plus de place, d’autre part. Quand des gens ont des relations plus lentes, ils se connaissent, ils ne font pas attention aux vêtements ou à la voiture ; ce qui importe, c’est la gentillesse, le sens de l’humour, l’intelligence. Aujourd’hui, le must, entretenu par la publicité, les médias, les réseaux sociaux, est d’appartenir à la culture urbaine de consommation.
La modernisation joue, aussi, un rôle dans la destruction des cultures locales. L’élément additionnel, qui est très important, est que, en tant que part de la modernité et de la croissance, nous sommes non seulement déconnectés de la communauté intergénérationnelle mais aussi de la nature, des animaux, des plantes, de la vie à laquelle nous étions profondément reliés. L’enfant moyen en Inde peut nommer, identifier et parfois utiliser de manière appropriée quelque 200 plantes. En Amérique, l’enfant moyen peut nommer une ou deux plantes, mais une centaine de logos d’entreprises. Cette distanciation du vivant est une grande perte spirituelle.
Le développement induit dès lors aussi un appauvrissement à différents niveaux... De quelle manière ?
Les hommes avaient développé des connaissances sur leur écosystème et des structures sociales pour gérer ensemble les communs, comme les forêts notamment. Avec la croissance économique et l’urbanisation, l’autonomie est vue comme une ennemie, la subsistance est décrite comme quelque chose d’éreintant à fuir. Dans beaucoup de villages du tiers-monde, les gens qui avaient un bout de terre ou quelques animaux ont été encouragés à les abandonner. On nous dit aujourd’hui que l’Inde et la Chine ont énormément bénéficié de l’urbanisation mais, en réalité, ce n’est pas le cas pour la majorité. Le fossé entre les riches et les pauvres s’élargit de façon assez obscène. Je le vois partout, même en Suède, mon pays d’origine. Le développement doit être analysé en termes d’amélioration de la santé humaine et de bonheur. Or, il faut aussi reconnaître une autre pauvreté profonde : psychologique, spirituelle, sociale. Ce système nous vole notre temps. Les gens n’ont le temps que pour le court terme et cette guerre contre le temps pourrait bien être la raison pour laquelle nous nous détruisons nous-mêmes. Ce que nous voyons, partout, c’est plus d’anxiété, de dépressions et d’addictions. C’est un indicateur très clair que quelque chose ne marche pas. Nous n’arrivons pas à fonctionner de manière plus méditative. La manière d’être archétypique masculine domine, elle est plus concentrée sur l’action, la réalisation, le faire, et éclipse les caractéristiques féminines de pensée plus nourrissantes, réceptives et holistiques, dont on a aussi besoin.
En même temps, énormément de gens veulent goûter à la culture urbaine de consommation. On ne peut pas les en empêcher, quitte à ce qu’ils en reviennent...
Je ne pense pas qu’ils veuillent naturellement y goûter. Au Ladakh, les gens se satisfaisaient de qui ils étaient et de ce qu’ils faisaient. Mais la pression, économique et psychologique, est telle qu’ils ne veulent pas être marginalisés. Le désir d’être aimé, que nous avons profondément à l’intérieur de nous tous a été perverti en un désir d’appartenir à cette culture mainstream de la consommation urbaine. Quand j’étais au Ladakh, au début, je racontais qu’en Occident, les gens étaient parfois tellement malheureux qu’ils consultaient un médecin spécialisé pour les aider. Mes interlocuteurs ne pouvaient y croire. On comptait un suicide sur une génération au Ladakh à l’époque ; maintenant, c’est un par an. Cela devrait faire la Une ! On n’en parle pas, les gens se blâment eux-mêmes et personne n’appréhende cela comme un problème global, alors que ça l’est.
30/04 10:25 - Parrhesia
@In Bruges Bonjour In Bruges, Je vous cite : >>> version sanitaire du « laisser faire, (...)
14/04 21:32 - Roubachoff
@babelouest Promis, je vous réponds dès que j’aurai compris votre discours abscons.
13/04 20:57 - Julot_Fr
A l’auteur, vous soulevez de points interessants : les francais sont des moutons passif (...)
13/04 14:40 - Mélusine ou la Robe de Saphir.
A Y. François partie à 80 ans le 24 janvier 2014. Que ce message te parvienne là-haut : Dans (...)
13/04 14:26 - Mélusine ou la Robe de Saphir.
@devphil30 Avez-vous déjà entendu parler des annales akashiques ? https://fr.wikipedia.org/wiki/Anna
13/04 14:18 - devphil30
@Mélusine ou la Robe de Saphir. Si censure alors il sera très rapide de supprimer vos (...)
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