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Commentaire de Orélien Péréol

sur La technique est tissée de nature


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Orélien Péréol Orélien Péréol 3 juin 2020 23:44

J’avais écrit un article avec ce titre sur le journal Le Monde. Malheureusement, Le Monde a changé sa politique éditoriale et a jeté tout ce qui relevait de l’ancienne politique éditoriale ! Merci à eux. Quelle intelligence ! Voici l’adresse détruite par le journal Le Monde : 

http://www.lemonde.fr/idees/chronique/2011/03/16/la-technique-est-tissee-de-nature_1493546_3232.html

Voici l’article :

La technique par laquelle nous, les humains, croyons dominer la nature est tissée de nature.

Il en a toujours été ainsi, depuis la pierre taillée, puisque, c’est par là, en gros, que ça a commencé. Dany Cohn-Bendit (http://elysee.blog.lemonde.fr/2011/03/13/cohn-bendit-demande-un-referendum-sur-la-sortie-du-nucleaire/) nous dit que ce qui se passe au Japon montre qu’il n’est pas possible que l’homme maîtrise complètement la nature. Il n’y avait pas attendre cet « accident » pour savoir que la technique est tissée de nature, qu’elle ne réduit pas la nature au silence. Nous avons sans arrêt des catastrophes, que nous appelons « naturelles » et que nous interprétons toujours comme des exceptions, des raretés, qui ne mettent pas en cause cette idée insensée que nous dominerions la nature. Comme en grammaire, c’est « l’exception qui confirme la règle ». Pensée magique.

Selon Cohn-Bendit, « l’accident » en cours ne serait pas un équivalent de Tchernobyl ; Tchernobyl serait peut-être un problème interne à la technique, dont la solution est dans la technique, considérée comme isolée de la nature, dépendant de la pensée, et seulement de la pensée humaine, indépendant de toute autre contrainte, et du coup, ne pouvant par conséquent trouver de solutions qua dans la pensée. Là, selon Dany Cohn-Bendit, c’est la nature qui sans le faire exprès, attaque, de l’extérieur, des centrales nucléaires. Par des mouvements terrestres et des vagues.

Il serait temps de voir comment les choses se passent vraiment, de quoi elles sont faites, d’où elles viennent… et de décloisonner le regard, de pratiquer des discours analytiques et synthétiques, l’un complétant et contredisant l’autre. Le travail de la pensée et de l’action politique doit se bâtir sur une pensée complexe et non pas sur les divisions instituées des discours. Ces divisions portent en elles l’autonomie théorique des parties divisées. Ainsi, un « accident » dans la production de l’énergie nucléaire serait interne ou externe, et pas un peu les deux. Interne il serait soluble en interne et externe il y a un secteur, un système « clos » dans lequel ce qui est arrivé serait arrangeable, prévisible, évitable, diminuable…

L’analyse qui tient compte de la complexité du monde est (nécessairement) dialectique. Il n’y a pas si longtemps, la dialectique était associée au marxisme. Pour dire ce qu’il se passe vraiment, il faut pouvoir intégrer à son discours tous les éléments qu’on voit en action. Tous, vraiment tous. Si on en écarte un, il faudrait fournir l’analyse (antérieure) qui autorise de façon certaine à s’en séparer. C’est-à-dire, cela revient à pré-analyser, sans le dire, en général, et même souvent en le dissimulant discrètement.

L’analyse qui tient compte de la complexité du monde est (peut-être) systémique. On peut analyser un système comme étant fermé (vision Tchernobyl, dans le cas qui nous occupe) et l’analyser ensuite dans ses interactions avec d’autres systèmes (plaques tectoniques, dynamique des fluides…). Le système a une clôture, mais cette clôture n’est pas étanche : le système vit, il respire, se nourrit, rejette des déchets… Dans cette idée systémique du monde, les systèmes ne sont que notre manière de voir, de diviser le réel pour le simplifier, en attraper de petits morceaux à la fois, que nous pouvons appréhender… ce sont comme les petits bouts du steak que nous coupons pour pouvoir avaler la viande et la digérer… Il ne faut pas oublier que le steak est lui-même un petit bout de la bête, et qu’à un moment donné, il n’était pas séparé de l’ensemble de la bête et que la bête, malgré cela, n’est pas un assemblage de steaks. Dans l’idée systémique du monde, les interactions entre les systèmes ne sont pas toujours prévisibles. Certaines interactions sont courantes, ordinaires, d’autres plus rares… mais il y a toujours la possibilité de voir arriver des interférences dans un système de systèmes qui n’avaient jamais interféré jusque là.

Dans notre affaire, il semble que les tremblements de terre étaient bien prévus et anticipés convenablement mais pas le tsunami...

Plutôt que de réclamer un référendum, dans lequel Dany Cohn-Bendit semble être sûr de donner la caution populaire à ses idées, (comment est-il aussi sûr et que fera-t-il si le peuple valide le nucléaire pour produire son électricité), il serait mieux, selon moi, d’œuvrer à promouvoir cette idée que la technique, de tout temps, est tissée de nature, que la technique n’est pas destruction de la nature et remplacement de la nature détruite par la technique, que les hommes n’ont pas le pouvoir de faire cela, qu’ils ont l’orgueil de se faire croire à eux-mêmes que c’est ce qu’ils font… et que la catastrophe actuelle qui se déroule au Japon n’en est qu’un exemple parmi des millions depuis les siècles des siècles.


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