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Commentaire de vesjem

sur Juin 1940 : Ar Zenith, premier bateau civil de la France Libre


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vesjem vesjem 17 juin 2020 22:31

@Fergus
voici un article de « la dépêche de brest » (qui est en consultation libre), daté du 30/03/1939, qui décrit les bateaux de pêche de cette période

" La Dépêche de Brest

BATEAUX DE PÊCHE BRETONS par Auguste Dupouy

Uniformité, commodité... L’amateur de gréements et de gabarits qui fait aujourd’hui son tour de Bretagne non par les villes épiscopales, mais par les ports, peut constater que la chaudière et le moteur ont entraîné une simplification générale de nos flottilles de pêche.

Commençons par la grande pêche. Saint-Malo, pour l’annuel pardon des Terre-neuvas, rassemble encore bien une douzaine de ces trois-mâts magnifiques qui furent l’honneur de son armement morutier. Ils ont gardé le gréement traditionnel du trois-mâts goélette ou du trois-mâts barque. Mais la vogue est aux chalutiers de fer, qui ont plus de facilités pour aller des parages de Terre-Neuve à la mer de Baffin. Et, avec Roger Vercel, les voilà entrés dans la littérature, après leurs poétiques devanciers : En dérive pour les voiliers, Au large de l’Eden pour les vapeurs. Quant aux
goélettes de Paimpol, qui n’étaient pas chères seulement à Loti, on sait qu’il n’y en a plus. Le sait-on vraiment ? Il est si naturel que les belles réalités défuntes se survivent en de belles légendes ! Mais c’est un fait — regrettable sans doute — que ces islandaises ne sont plus, et qu’aucun vapeur
n’a remplacé à Paimpol leurs coques de bois et leurs élégantes voilures : du point de vue de l’inscription maritime, Pêcheurs d’Islande, La Paimpolaise, La chanson paimpolaise, de
Le Goffic et le A Paimpol, de Le Braz, n’ont plus qu’un intérêt rétrospectif.

Si nous regardons du côté de la pêche hauturière, qui dans certains cas ressemble bien à la grande pêche, que voyons-nous ? Voici les thoniers, et voici les dragueurs. Les thoniers, sous leur ancien nom de grésillons (bien que tous ne fussent pas de Groix, il s’en fallait), étaient de grosses chaloupes à deux mâts inclinés vers l’arrière et à tape-cul. On les appelait aussi chasse-marées. Ils
sont devenus ensuite ces élégants et robustes dundees qu’ils sont encore pour la plupart. Peu de changements apparents depuis la période d’avant-guerre. On discute dans les chantiers de construction sur la forme à donner à l’arrière des coques : sera-t-il carré ou arrondi ? Mince détail. Mais on discute aussi la question de savoir s’il faut doubler la voilure d’un moteur à gas-oil, ou plus radicalement supprimer la voilure ou du moins la réduire au simple rôle d’annexe. « Pleurez, nos yeux ! » peuvent se dire les peintres. Ce qu’on appelle le Progrès est inexorable et la flottille thonière se motorise à cadence accélérée depuis un an ou deux.

Quant à la drague, après avoir été longtemps une pêche surtout côtière, c’est elle qui, avec les chalutiers à vapeur de Lorient, a marqué en Bretagne, dès le début de ce siècle, les premiers points à l’actif de la modernisation des flottilles. Il y a toujours de petits dragueurs côtiers, à voile ou à moteur, ou aux deux. Mais, pour aller jusqu’aux bancs de la Chapelle ou de la Grande Sole, il est plus indiqué d’avoir une bonne coque de tôles bien rivées et une bonne chaudière. Seulement, en ces toutes dernières années, il arrive ceci, qu’entre la flottille côtière et la flottille hauturière, vient s’insérer une flottille de moyen tonnage, à coque de bois et moteur, qui exploite de préférence la
zone intermédiaire. Il y a de ces bateaux, pas très jolis à l’œil, mais très pratiques, à Concarneau ; il y en a surtout à Lorient-Kéroman, où il semble qu’ils aient actuellement la grande vogue, en raison d’un rendement meilleur par rapport au prix de revient et aux frais d’entretien.

Sur la côte de la Manche, la bisquine cancalaise, qui pratique la drague et d’autres pêches concurremment avec la granvillaise, est une superbe barque d’environ 14 mètres de bout en bout, à double voile aurique, doubles huniers, foc et tape-cul. Là donc, quoique le moteur ait fait plus qu’une apparition, la tradition voilière se maintient. Elle se maintient également dans les cotres langoustiers de Loguivy, de Primel, de Roscoff, comme elle se maintient dans ceux de Camaret,
d’Audierne et de l’île de Sein. Quant aux « mauritaniens » de Tréboul, sauf l’aménagement à bord,
près de 1’emplanture du grand mât, d’un vivier comme sur les camarétois et les loguivyens, on sait qu’ils sont les frères germains des thoniers, et qu’il leur arrive de pécher le thon. Mais, dans l’ensemble, leur tonnage est un peu supérieur.

Chose étrange à première vue, en dehors du grand chalutage, c’est surtout la flottille côtière qui s’est modernisée. Il y a bien des petits ports actifs, comme Saint-Jacut sur la Manche, Port-Navalo, Larmor-Baden, l’île d’Ars dans le golfe du Morbihan, où la voile est encore reine. Les alertes canots de la côte du nord, à misaine, foc et tape-cul, les sinagots morbihannais, héritiers d’une longue et pittoresque tradition, réjouissent encore l’œil de l’amateur ou du spécialiste, ainsi que les cotres de l’estuaire de l’Aulne et les différents canots de pèche de la rade de Brest. Mais la chaloupe sardinière, qui fut l’une des fiertés les plus légitimes des ports cornouaillais et vannetais, a partout cédé le pas à la pinasse à moteur, dont l’exemple est d’Arcachon, soit directement, soit par l’intermédiaire des Sables-d’Olonne. Avec ou sans canot annexe, on peut dire que cette chaloupe à double voile — misaine et taille vent — ou la grande barque à tableau d’arrière qui s’y était peu à peu substituée dans presque tous les ports sardiniers, était une parfaite réussite, et le dernier mot d’une évolution dont on se serait rendu compte en examinant dans les dessins des frères Ozanne son ancêtre du XVIII ; siècle. Le moteur a longtemps essayé de s y adapter : mais il le fallait puissant et coûteux pour des coques où le chêne et l’orme n’étaient pas ménagés, et pour des quilles profondes, pour des formes étudiées en vue de la résistance aux lames non moins que de l’agilité. Les gabarits nouveaux visent davantage à la légèreté et à la finesse, et ils seraient dignes de tout éloge, si d’une part la pinasse avait sur nos mers agitées la belle tenue de l’ancienne chaloupe, si d’autre part son arrière n’était pas coupe aussi droit, et d’une façon qui donne l’impression de l’inachevé. Quand, sans compromettre sa vitesse, on lui aura donné, avec des
varangues moins fuyantes, une meilleure défense contre le roulis et, avec un tableau d arrière moins brusqué, une ligne plus satisfaisante à l’œil, elle sera encore — mâture à part — une très jolie barque, et qui méritera à son tour la contemplation passionnée de l’artiste."



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