Bonjour,
J’ai l’impression
que vous sautez allégrement une une étape dans votre rejet du
« victimisme » qui se manifeste par des revendications
évidemment déraisonnables : en général avant de prescrire un
crime d’état, on attend que celui-ci ait été abondement
inventorié, reconnu dans ses moindres détails et porté à la
connaissance de tous. Alors peut venir le temps de la clémence et de
l’oubli. Or c’est là que le bât blesse, l’Etat français,
pour ne citer que lui, a longtemps pratiqué le déni, le refus de
déclassification de certaines archives, l’oubli ou le
travestissement. Si l’histoire est selon l’adage toujours écrite
par les vainqueurs, le moins que l’on puisse dire c’est que nos
manuels (mon expérience date un peu, cela dit) comme l’histoire
officielle étaient plutôt lacunaires ou étrangement laxistes sur
bon nombre de sujets dérangeants (des dérives de l’empire
colonial au pourcentage de réels résistants dans la population lors
de la deuxième guerre mondiale).
Il semble manquer un
récit commun, heureusement exploré par les productions artistiques
(romans, films et pièces de théâtre) mais dont on sait qu’elles
ne touchent qu’une fraction très minoritaire de la population.
Adolescent, j’ai vu revenir des conscrits de ce qu’il était
convenu d’appeler des opérations de maintien de l’ordre en
Algérie et qui ont eu les pires difficultés à se réinsérer dans
la société d’alors. Et il est probable qu’il faudra attendre la
disparition de cette génération (comme la stabilisation des
relations avec le régime algérien) pour obtenir une vision
officielle enfin assumée et pacifiée.
Lydie Salvatore dans
bon nombre de ses écrits (majoritairement portés au théâtre) a su
rendre compte de la diaspora des républicains espagnols exilés en
France, apportant cette nécessaire connaissance et réappropriation.
En l’absence de
récit national (on expédie généralement la question par des
déclarations emphatiques, une loi censée trancher définitivement
la question et puis on referme le placard), dans un mouvement
pendulaire qui passe d’un extrême à l’autre, apparaissent les
soubresauts que vous dénoncez. Peut-être sont-ils nécessaires (y
compris dans leur exagération) pour faire émerger une vérité plus
nuancée. Mais j’ai la faiblesse de penser que le Droit ne fait
rien à l’affaire.