uelques millénaires plus tard
(vers 4000 avant notre ère), sont apparues les premières cité-États. Les
ancêtres de nos États fonctionnaient suivant le même principe
qu’aujourd’hui : une élite autoproclamée, s’appuyant sur une armée et
une administration centralisée, levait des impôts sur une population
composée largement d’esclaves. Cette forme de gouvernement a fini par
envahir toute la planète en consacrant l’asservissement à divers degrés
d’à peu près tous les peuples, à l’exception de quelques habitants
pourchassés d’Amazonie ou des montagnes du nord de la Thaïlande.
Mais pourquoi les hommes ont-ils accepté de troquer leur liberté si
chère pour cette « servitude volontaire » selon l’expression de La
Boétie ? C’est cela le grand mystère...
Il a fallu apparemment une conjonction d’évènements dont certains ne
sont que des hypothèses. Parmi les éléments documentés, la culture
extensive des céréales (blé, orge, millet, riz, maïs) a permis de lever
l’impôt. Les céréales ont tous l’avantage de se voir, de se récolter au
même moment de l’année et en petites graines faciles à comptabiliser,
transporter et stocker à la différence de cultures comme le manioc ou
les pommes de terre. Le second élément qui a permis l’impôt était
l’élevage domestique. Les têtes de moutons, porcs, chèvres, chevaux,
lamas sont aussi faciles à compter. La culture des céréales et l’élevage
ont enchaîné au sol (et à leurs exploiteurs) les populations qui, pour
survivre, devaient se mettre jour et nuit au service de leurs cultures,
de leurs animaux et de leurs rois. Cette vie de servitude et de labeur
n’avait rien d’attirant, et les cités-États étaient fragiles.
Pendant plusieurs millénaires, des cités-États sont apparues et ont
disparues. Elles nécessitaient énormément de main-d’œuvre pour se
maintenir et, malgré l’encouragement à la natalité, l’apport régulier
d’esclaves (prisonniers de guerre, déplacement de populations vaincues,
esclaves de la dette etc.) et la construction de murailles pour empêcher
la fuite des habitants autant que pour les protéger, elles avaient du
mal à se maintenir. D’autant plus que l’entassement, la promiscuité
entre les humains, les animaux domestiques et tous les parasites qu’ils
attiraient engendrait des épidémies terribles qui épargnaient les
chasseurs-cueilleurs qui, eux, vivaient en petits groupes mobiles et
étaient mieux nourris.
Malgré tous ces inconvénients, malgré la résistance des populations,
la forme étatique l’a finalement emporté. Pourquoi ? La meilleure
explication semble être un changement climatique, un brusque
refroidissement de la température qui a rendu trop précaire la vie des
chasseurs-cueilleurs, lui-même suivi d’une telle augmentation de la
natalité qu’il était impossible de revenir en arrière.
Mais à l’époque romaine, les États partageaient encore le continent
avec des peuples libres qu’ils appelaient barbares parce qu’ils ne se
pliaient pas à leurs lois. C’est dire qu’il a fallu des millénaires pour
que la forme étatique devienne la seule forme d’organisation sociale
sur la planète.
Il est d’ailleurs complètement faux de dire que la sédentarisation
des populations basée sur l’agriculture et l’élevage a constitué un
progrès pour l’humanité, comme on veut nous ne faire croire pour nous
faire accepter notre sort. C’est tout le contraire. Comme le dit James
C. Scott, ce fut, en fait, le début de la domestication de l’homme.
Comme des moutons à l’abattoir ?
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https://www.legrandsoir.info/que-peut-on-esperer-d-une-humanite-domestiquee.html