À propos de l’obligation du port du masque
« Le port du masque constitue, avec le respect des gestes dits barrières, une mesure de prévention et de protection efficace. J’ai donc proposé de rendre son port obligatoire dans tous les lieux publics clos, en particulier les commerces. Cela nécessite un décret. Pour ce qui est des locaux professionnels, cela suppose une évolution des protocoles sanitaires. Nous envisagions une entrée en vigueur au 1er août, car nous agissons dans une logique préventive, non sous l’empire de l’urgence. Mais j’ai compris que cette échéance pouvait paraître tardive et suscitait des interrogations. Le décret entrera donc en vigueur la semaine prochaine. » (Jean Castex, le 16 juillet 2020 au Sénat).
Tout le monde (ou presque) connaît l’histoire de Sissa, ou une variante. Un roi, en Inde, qui s’ennuyait à en mourir, a voulu qu’on lui inventât un jeu pour le divertir. Sissa lui proposa alors un jeu d’échecs. Retrouvant goût à la vie par ce jeu, le roi, pour le récompenser, a annoncé à Sissa qu’il lui donnerait ce qu’il voudrait. Après quelques secondes de réflexion, Sissa, aussi sage que bon mathématicien, lui demanda alors seulement des grains de riz, ceux qui se trouveraient sur l’échiquier, avec la méthode suivante : un sur la première case, deux à la deuxième case, quatre à la troisième, huit, et ainsi de suite, chaque fois doublé. Le roi fut surpris par la grande modestie de Sissa et accepta… sans se rendre compte qu’il ne pourrait jamais honorer son engagement. En effet, avec la méthode préconisée, il fallait lui donner plus de 18 milliards de milliards de grains de riz, soit près de 300 milliards de tonnes de blé (2 000 fois la production annuelle mondiale !).
Pourquoi cette petite histoire ? Parce que l’exponentielle est une méchante fonction mathématique qui combat le bon sens et l’intuition. Dès qu’on met à une puissance positive un nombre supérieur à un, on obtient rapidement un nombre gigantesque. Or, une épidémie suit toujours une loi exponentielle : la puissance, c’est le nombre de relations entre les personnes ou plus simplement, le temps, et le nombre à mettre sous la puissance, c’est le fameux R0, ce nombre qui permet de voir si une épidémie progresse ou au contraire, s’épuise. Lorsque le R0 est supérieur à 1, cela signifie qu’au cours du temps, le nombre de personnes contaminées augmente, et ce nombre augmente toujours de façon exponentielle. C’est pour cela qu’en février 2020, on ne pouvait pas imaginer les dizaines de milliers de morts des mois suivants. Les Chinois, par exemple, ont bien appris de cette méchante loi exponentielle appliquée aux épidémies, pour quelques centaines de cas dépistés, ils ont par exemple reconfiné la ville de Pékin. C’est plus facile d’arrêter une épidémie ou un rebond à son départ, qu’après, car après, c’est trop tard.
Or, la France de la mi-juillet 2020 s’est réveillée ainsi, avec de nombreuses régions où le R0 a franchi le seuil de 1, un seuil d’alerte. Les régions touchées sont surtout celles des villégiatures estivales, ce qui n’est pas étonnant. C’est seulement l’augmentation mécanique du nombre de relations interpersonnelles qui a fait ainsi rebondir l’épidémie en France comme dans d’autres pays européens. La situation est encore sous contrôle dans les hôpitaux, mais ne rien faire équivaut à répéter le macabre scénario de la mi-mars 2020. Il fallait donc agir, ou plutôt, réagir.
Depuis le lundi 20 juillet 2020, le port du masque est devenu obligatoire dans les lieux clos recevant du public. Coïncidence, je me suis rendu ce jour-là à Argenteuil, la quatrième commune la plus peuplée de la région parisienne, connue notamment (pas seulement, heureusement !) pour quelques incivilités dans la circulation automobile (où certains panneaux demeurent des indications inconnues pour certains)… et à ma grande surprise, j’ai vu une très grande majorité de piétons porter le masque, même dans la rue, entre deux boutiques, et même, porter "bien" le masque, c‘est-à-dire recouvrant à la fois le nez et la bouche, même des enfants très jeunes le portaient. Cette observation peut évidemment se faire dans la plupart des villes de France.
Ce n’est pas une surprise : en France, la recommandation ne vaut rien et l’obligation est très efficace. C’est dommage mais comme cela que cela fonctionne. Il fallait cette obligation parce que les commerçants, qui avaient le droit, depuis le début du déconfinement le 11 mai 2020, d’interdire l’entrée de leurs clients non masqués, n’étaient pas des policiers et pouvaient se retrouver avec des difficultés récurrentes et ce dilemme : le chiffre d’affaires ou la sécurité sanitaire ?
En rendant obligatoire le port du masque, le gouvernement a fait de l’État le régulateur neutre des comportements, et les commerçants ne sont plus, ainsi, les rabat-joie ou les "flics" de service. Cela résout le problème d’autorité des commerçants (au même titre qu’après quinze ans de polémiques, la loi contre le port du voile à l’école, en 2005, a retiré du pied une épine aux directeurs des établissements scolaires qui devaient négocier avec les élèves chaque qu’un cas se présentait : la loi étant la même pour tous, il n’y avait plus à discuter et le problème a été réglé).
La différence entre recommandation et obligation est ténue : elle se limite au fait que si l’on ne suit pas la recommandation, on peut se faire verbaliser par la maréchaussée, à savoir, une amende de 135 euros. Comme à l’époque du confinement, insistons sur le fait que les amendes en France sont "faibles" par rapport à la plupart des pays étrangers, nos voisins, par exemple, en Italie du Sud, l’amende pour non port du masque est de 1 000 euros. Le bâton est souvent très efficace. C’est la différence entre le management participatif (le boss cherche à convaincre) et le management directif (c’est comme ça et c’est tout !).
Répétons aussi l’utilité du masque jetable ou lavable : il ne sert pas à se protéger, car il n’empêche pas la contamination au coronavirus du porteur de masque (seuls, les FFP2 peuvent protéger leur porteur), il sert surtout à éviter (à 98%, plus ou moins, selon la qualité du masque) de contaminer les autres, et cela parce qu’on peut être porteur asymptomatique et donc, ne pas savoir qu’on peut contaminer les autres (sans masque). Donc, on comprend très bien que porter le masque n’a de sens que si tout le monde porte le masque, pour protéger les autres. Un seul n’a pas de masque et l’épidémie peut continuer à se propager.
D’où l’importance d’une obligation et pas seulement d’une volonté individuelle qui, ici, entraîne des conséquences collectives parfois dramatiques. Chez les individualistes, il est difficile de penser que l’intérêt d’un groupe nécessite des contraintes à la liberté individuelle. C’est valable aussi pour le code de la route, on ne roule jamais seul et rouler au-delà de la vitesse maximale autorisée, par exemple, n’est pas seulement la pratique d’une liberté individuelle, cela impacte sur les autres, tant individuellement (les morts et les blessés sur la route qui n’ont eu aucune responsabilité dans l’accident) que collectivement (coût de la sécurité sociale, des assurances, des équipements routiers, des réparations automobiles, etc.).
Avant de rappeler pourquoi cette mesure et pourquoi si tardivement, évoquons rapidement deux sujets.
Le premier est une forme de pirouette dans un pays dont la propension aux passions est assez élevée. Pour empêcher une certaine "islamisation des rues françaises" ou, si l’on prend le phénomène par un autre bout, pour "protéger les femmes dans leur intégrité vestimentaire", les parlementaires ont légiféré il y a dix ans pour interdire le port de la burqa dans les espaces publics. Évidemment, la motivation officielle n’a pas pu être formulée de manière si crue, si bien qu’il a fallu trouver des termes législatifs pour ne pas stigmatiser une religion.
En effet, la loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010 "interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public" a su trouver les termes neutres pour empêcher le port de la burqa : la dissimulation du visage. Et il faut vraiment ne pas avoir l’esprit perspicace pour ne pas penser aujourd’hui au port obligatoire du masque.
Heureusement, le législateur est sage et astucieux, et a pensé à (quasiment) tous les cas de figure. La loi n’interdisait déjà pas le port du casque de moto ou mobylette qui dissimule aussi le visage, ni non plus le port de masque de carnaval quand il s’agit d’une fête de même nom (j’imagine qu’à Halloween aussi, on a le droit de se déguiser en grosse citrouille !).
En effet, si l’article 1er est très court et très clair : « Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage. », il est suivi d’autres articles pour en limiter la portée. Mais déjà dans la formulation même (très judicieuse) de cette phrase, il y a beaucoup de finesse : "une tenue destinée à dissimuler le visage" n’est pas "une tenue dissimulant le visage", et le masque chirurgical peut donc déjà être autorisé puisqu’il ne vise pas à dissimuler le visage mais à protéger les autres de la pandémie de covid-19.
Dès le second alinéa de l’article 2 de la loi du 11 octobre 2010 (dans le premier aliéna, on définit ce qu’est un "espace public"), le cas d’une pandémie est imaginé : « L’interdiction prévu à l’article 1er ne s’applique pas si la tenue est prescrite ou autorisée par des dispositions législatives ou réglementaires, si elle est justifiée par des raisons de santé ou des motifs professionnels, ou si elle s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives, de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles. ». On sent que le législateur a tenu à imaginer tous les cas, le masque à souder en pleine rue, le masque des escrimeurs dans une compétition publique, le carnaval, etc.
Du reste, aujourd’hui, c’est moins coûteux de porter la burqa qui est interdite que de ne pas porter un masque là où c’est obligatoire, vu que l’amende prévue est seulement celle d’une contravention de deuxième classe (au lieu de quatrième classe). Mais il faut donc bien insister sur le fait qu’il n’y a aucune incohérence, ni incompatibilité ni opposition entre la mesure du port du masque obligatoire et cette loi de 2010 contre la dissimulation du visage dans l’espace public.
Le second point que je veux évoquer sera probablement ce que les commissions d’enquête parlementaires sur la gestion de la crise du covid-19 ont pris comme principale question : pourquoi la "doctrine" sur les masques a-t-elle été si changeante, si confuse, si contradictoire dans leur apparence ? En effet, au début de la crise sanitaire, les autorités publiques expliquaient que le grand public n’avait pas à porter le masque, et même, que c’était presque de l’incivisme car il fallait les réserver aux personnels soignants, aux malades et tous ceux qui devaient travailler dans un contexte à risque (livreurs, etc.).
D’un côté, les autorités encore aujourd’hui se retranchent derrière les consignes de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), martèlent qu’à l’époque, on disait que cela ne servait à rien (malgré l’expérience des pays asiatiques avec le SARS). De l’autre côté, beaucoup de personnes, j’ai été tenté d’en faire partie, imaginaient que le gouvernement avait adapté la "doctrine" au champ du possible, et à cause de la pénurie de masques, le gouvernement aurait donc dit que ce n’était pas nécessaire.
C’est Claude Weill, éditorialiste de "Nice-Matin" qui m’a convaincu qu’il fallait voir le problème à l’envers. Il pense que c’est parce que c’est au contraire la doxa française qui voulait que le masque était inutile pour le grand public qui a entraîné cette pénurie de masques, parce que l’État n’a pris en compte que les personnels soignants et les malades et pas toute la population dans ses stockages, commandes, etc. On laissera les commissions d’enquête parlementaires conclure à ce sujet qui est aussi délicat qu’épineux, mais cette hypothèse paraît la plus vraisemblable.
L’un des signes de cette doxa française, c’est que pendant plusieurs semaines, elle n’a pas été défendue seulement par le gouvernement, mais aussi, indépendamment, par de nombreux médecins chefs de service qui sont rarement des personnes qui cèdent facilement aux influences de l’État (au même titre que les mandarins d’autres corps de métier, journalistes, enseignants, etc.), l’indépendance intellectuelle de cette profession n’est pas discutable. Et si elle a été ainsi défendue par eux, c’est parce qu’ils n’ont jamais appris que cela. En d’autres termes, en mars, le gouvernement ne leur a pas dit : "dites que cela ne sert à rien car sinon, il n’y en aurait pas assez" (avec le nombre de médecins, on l’aurait su), mais c’est plutôt eux qui auraient dit au gouvernement cette doxa car ils l’avaient toujours appris comme cela.
Pour autant, je ne vois pas une contradiction entre l’absence d’obligation de port du masque en période de confinement (en pleine épidémie) et cette obligation en période de déconfinement : au contraire, le risque de circulation du virus est bien plus élevé en période de déconfinement que de confinement, le masque se justifie donc beaucoup plus car les occasions de contamination sont nettement plus nombreuses.
Venons-en maintenant au sujet du port du masque. Pourquoi si tardivement ? C’est probablement l’erreur du gouvernement. Cette erreur est probablement excusable car le gouvernement, et l’opposition, quelle qu’elle soit, aurait été au pouvoir que cela aurait été la même chose, est toujours sur une ligne de crête entre les priorités sanitaires (sauvegarder la vie de toute la population) et les priorités économiques et sociales (sauvegarder l’activité économique, et donc, l’emploi de toute la population active). Il aurait sûrement fallu mettre l’obligation en même temps que la dernière phase du déconfinement le 22 juin 2020. Le gouvernement a préféré réagir à agir, c’était peut-être mieux pour l’acceptabilité de la mesure : ne réagir que si nécessaire. Après tout, la date même du déconfinement, le 11 mai 2020, a paru (m’a paru) beaucoup trop tôt mais Emmanuel Macron a eu raison de prendre ce risque, il fallait bien un jour commencer à déconfiner et le plus tôt était le mieux dès lors que les services de réanimation dans les hôpitaux n’étaient plus saturés.
Or, il y a de nombreux signes qui montrent que la pandémie est loin d’être terminée.
Le premier signe est extérieur à la France, jamais elle n’a été aussi vive que maintenant. Ce mercredi 29 juillet 2020, il y a eu près de 300 000 cas nouveaux de personnes contaminées dans le monde (en tout, plus de 17 millions de cas), et plus de 7 000 décès dus au covid-19, 7 000 en un seul jour ! faisant monter le nombre de décès ce même jour à 670 000. Le million s’approche et sera forcément atteint, surtout que ces statistiques nationales sous-estiment généralement les dégâts humains (par exemple, en Espagne, certains "experts" tablent plus sur 45 000 décès que sur 28 000).
Aux États-Unis, la situation est tellement désastreuse que le Président Donald Trump a enfin mis son masque et le montre pour donner l’exemple. Il était temps ! Ce 29 juillet 2020, les États-Unis ont franchi le seuil des 150 000 décès, 154 000 exactement, dépassant désormais la France si l’on rapporte ce nombre au nombre d’habitants (465 décès par million d’habitants). En une seule journée, les États-Unis ont enregistré 67 000 nouveaux cas de contamination et environ 1 500 décès. Le Brésil est à peu près dans la même situation, près de 1 600 décès pour la seule journée du 29 juillet 2020 et 71 000 nouveaux cas de contamination, dépassant les 90 000 décès. L’Inde aussi est en situation très tendue, avec plus de 35 000 décès, près de 800 de plus en une journée et plus de 52 000 cas en une journée.
En France comme dans beaucoup de pays européens, probablement en raison des transhumances estivales, de nombreux foyers (plusieurs centaines) de contamination ont été détectés, parfois plusieurs centaines de cas, parfois plus encore. Le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a d’ailleurs recommandé les Français, le 29 juillet 2020, de porter le masque aussi à l’extérieur si on doit traverser des zones avec beaucoup de monde, recommandation qui se transforme déjà en obligation pour le mois d’août dans le centre-ville de nombreuses villes de vacances (comme Saint-Malo). De son côté, le Premier Ministre Jean Castex a été sans doute maladroit lorsqu’il a voulu signer une convention et qu’on lui a dit de mettre un masque, il a répondu : pas de problème, je suis "pro-masque", ce qui ne signifie pas grand-chose (comme si le masque était une affaire d’idéologie), tout en le mettant …mal (en touchant avec ses mains l’ensemble du masque).
Comment expliquer autrement que par une opposition systématique ceux qui, aujourd’hui, râlent contre l’obligation du port du masque dans les lieux clos et qui, il y a quatre mois, râlaient pour la raison contraire, parce qu’on ne mettait pas assez de masques ? Tous les arguments sont bons pour s’opposer. Certes, il y a eu des carences (un désert industriel par exemple), des hésitations et des contradictions (plus le faits des "experts" médicaux que des politiques), mais il faut vraiment se rappeler que le virus était inconnu en décembre 2019 et que la réactivité a été finalement assez élevée en France si l’on compare avec des puissances comme le Royaume-Uni et les États-Unis.
Le pire est qu’aucun pays n’est épargné par cette pandémie, et ceux qui fanfaronnaient en se comparant aux premiers touchés (la France par rapport à l’Italie, les États-Unis par rapport à l’Europe, la Russie par rapport à l’Europe et aux États-Unis, etc.) se rendent compte aujourd’hui qu’ils doivent faire face, eux aussi, à cette crise sanitaire, et souvent dans des conditions moins bonnes. Même Madagascar, dont le Président se vantait de n’avoir aucun décès dû au covid-19 il y a deux mois et demi (et prônant une tisane miracle aussi efficace que l’hydroxychloroquine), vient de dépasser 10 000 personnes contaminées (10 748 cas au 30 juillet 2020) et a franchi le cap des 100 décès (105 au 30 juillet 2020), une augmentation répondant à l’insupportable loi exponentielle.
Mais revenons aux masques et terminons par deux réflexions rapides.
La première sur la gratuité du masque. Olivier Véran a annoncé que, dans les deux semaines, des masques gratuits seront distribués à 8 millions de foyers considérés comme les plus précaires. C’est mieux que rien mais on peut se poser la question du délai (pendant deux semaines, plus, puisque l’obligation a commencé le 20 juillet, ces familles ne devaient-elles donc pas se masquer ?), plus généralement du retard de réflexion sur la gratuité, pourquoi ne pas y avoir pensé en même temps que l’obligation (dont on a dû accélérer la préparation) ?
Et surtout, pourquoi pas la gratuité pour tout le monde, remboursé par la Sécurité sociale au même titre que les tests de dépistage (là aussi, cette gratuité a eu beaucoup de retard), puisqu’il s’agit de mesure de santé publique ? Pour les masques, j’ai lu dans un média que le coût, pour l’État, de la gratuité des masques pour tous serait de 300 millions d’euros. Je ne sais pas si cette estimation est pertinente ou pas, mais si elle l’est, voire si c’est le double, ce n’est rien par rapport aux 420 milliards d’euros que l’État va consacrer à l’accompagnement social et économique de la récession. La gratuité pour tous, si elle peut poser un problème d’équité (les plus riches n’ont pas besoin de cette aide, mais on pourrait aussi le dire pour le remboursement du paracétamol, des vaccins, etc.), ne pose pas de problème financier à l’État qui, chaque jour, jongle avec les milliards d’euros. À moins que ce ne soit qu’un simple problème de logistique : comment distribuer les masques gratuits ?…
Pour avoir une petite réponse, rappelons ce qu’avait déclaré Olivier Véran le 21 juillet 2020 à l’Assemblée Nationale : « L’État a très tôt fait distribuer gratuitement cinq millions de masques par semaine via les centres communaux d’action sociale et les communes et il va reprendre cette distribution de masques gratuits pour le public précaire, notamment pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire. Par ailleurs, les deux millions de Français présentant une fragilité peuvent obtenir le remboursement des masques chirurgicaux achetés sur prescription en pharmacie. Les masques, nous les avons en quantité, et nous invitons les Français à les porter massivement. ». Il faut noter qu’en proposant des masques gratuits aux personnes fragiles, le ministre laisse donc entendre que les masques chirurgicaux les protégeraient, ce qui est faux, ils protègent leur entourage, ce serait donc plutôt à ceux qui côtoient les personnes fragiles que la gratuité devrait s’appliquer.
La dernière réflexion que je propose ici est cette idée que les jeunes ne se sentent pas concernés par la crise du covid-19 car généralement, ils ne développent pas de forme sévère, d’où leur imprudence, leur insouciance, leur "indiscipline". Bon, la première chose à ne pas faire, c’est d’avoir avec eux un discours moralisateur : "ce n’est pas bien de s’embrasser entre copains et copines dans une fête nombreuse la nuit". C’est un discours typiquement "adulte" qui ne peut avoir que l’effet inverse et renforcer le sentiment que décidément, les "vieux", ce n’est pas le même monde que les "jeunes".
Alors, certes, on peut tenter l’approche pédagogique : même si les jeunes ne risquent rien, en se contaminant (il semblerait qu’aux États-Unis, il y a même chez certains jeunes des "soirées covid" pour tenter de choper le coronavirus !), ils ne risquent peut-être pas grand-chose pour eux (même si régulièrement, on apprend que des adolescents et même des enfants en meurent, c’est quand même ultrarare), mais ils font circuler le virus qui peut atteindre ainsi leurs parents et grands-parents qui, eux, peuvent en mourir. Ce n’est pas l’égoïsme mais plutôt l’égocentrisme, ce n’est pas le manque de solidarité mais plutôt le manque d’imagination qui conduit les jeunes à l’insouciance, avec ce qu’il ne faut cesser de répéter : le masque ne protège pas son porteur mais ceux qui sont autour de lui.
Que vaut l’approche pédagogique face à trois bières voire plus ? J’exagère, et pourtant, il y aurait un argument beaucoup plus porteur, à mon avis : plus les comportements sont insouciants, plus le risque d’un nouveau confinement comme au printemps est élevé. Or, qui sont les principales victimes du confinement ? Pas les retraités, mais les jeunes, justement. Le coronavirus, c’est une partie perdant perdant : les plus âgés parce qu’ils risquent d’y perdre la vie, les plus jeunes, parce qu’ils risquent le chômage et la précarité. Cela signifie qu’il y a pas de fossé entre les générations dans cet enjeu, tout le monde est dans la même galère et c’est pour cette raison que les comportements covid (gestes barrières, masque, hygiène des mains, etc.) doivent être appréhendés comme un nouvel aspect de la solidarité nationale.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (30 juillet 2020)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
À propos de l’obligation du port du masque.
Covid-19 : seconde vague ? La prudence s’impose …par le masque.
Karine Lacombe.
Claude Huriet.
Didier Raoult.
La Charte de déontologie des métiers de la recherche (à télécharger).
Hydroxychloroquine : l’affaire est entendue…
Madagascar : la potion amère du docteur Andry Rajoelina contre le covid-19.
Rapport de Jean Castex sur le plan de déconfinement le 6 mai 2020 (à télécharger).
Protection rapprochée.
Discours de Claude Malhuret le 4 mai 2020 au Sénat (texte intégral).
Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.
11 mai 2020 : Stop au covid-19 ! (et traçage ?).
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le jeudi 7 mai 2020 à Matignon sur le déconfinement (texte intégral).
Professeur mégalo (vidéo).
Covid-19 : où est l’Europe de la Santé ?
Michel Houellebecq écrit à France Inter sur le virus sans qualités.
Unitaid.
Déconfinement : les départements verts et les départements rouges, la confusion des médias…
Didier Raoult, médecin ou gourou ?
Le déconfinement selon Édouard Philippe.
Covid-19 : le confinement a sauvé plus de 60 000 vies en France.
Du coronavirus dans les eaux usées ?
Le covid-19 n’est pas une "simple grippe"…
84 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON