Leconte de Lisle, great poet :
Quand le Nazaréen, en croix, les mains clouées,
Sentit venir son heure et but le vin amer,
Plein d’angoisse, il cria vers les sourdes nuées,
Et la sueur de sang ruissela de sa chair.
Mais dans le ciel muet de l’infâme colline
Nul n’ayant entendu ce lamentable cri,
Comme un dernier sanglot soulevait sa poitrine,
L’homme désespéré courba son front meurtri.
Toi qui mourais ainsi dans ces jours implacables,
Plus tremblant mille fois et plus épouvanté,
Ô vivante Vertu ! que les deux misérables
Qui, sans penser à rien, râlaient à ton côté ;
Que pleurais-tu, grande âme, avec tant d’agonie ?
Ce n’était pas ton corps sur la croix desséché,
La jeunesse et l’amour, ta force et ton génie,
Ni l’empire du siècle à tes mains arraché.
Non ! Une voix parlait dans ton rêve, ô Victime !
La voix d’un monde entier, immense désaveu,
Qui te disait : — Descends de ton gibet sublime,
Pâle crucifié, tu n’étais pas un Dieu !
Tu n’étais ni le pain céleste, ni l’eau vive !
Inhabile pasteur, ton joug est délié !
Dans nos cœurs épuisés, sans que rien lui survive,
Le Dieu s’est refait homme, et l’homme est oublié !
Cadavre suspendu vingt siècles sur nos têtes,
Dans ton sépulcre vide il faut enfin rentrer.
Ta tristesse et ton sang assombrissent nos fêtes ;
L’humanité virile est lasse de pleurer. —