@nono le simplet
Je suis arrivé aux indes par la route sans faire exprès. Parti pour la Grèce en passant par la suisse, moi qui n’était jamais allé à l’étranger, j’ai voulu monter le col du saint Bernard à pied comme Arthur Rimbaud mon grand modèle avait fait 100 ans auparavant. Je faisais d’une boite de sardines une fête. De la soif, un plaisir. Revenu presque une année plus tard. Un voyage à 20 ans n’est pas le même que celui qu’on fait plus tard.<br /> Je crois que le fond de l’air de l’époque était très jeune à l’époque, avec des idéaux de boys scouts en cheveux longs qui feraient rire maintenant les cyniques. Quelques années plus tard j’ai voulu repartir après avoir travaillé tout l’été dans le sud de la France pour me faire de l’argent. Descendu au guidon d’une vieille moto. Un été solaire, où nous avons habité quelques mois dans une grotte, en rêvant de mettre les bouts l’hiver...<br />Enfin parti, le bout du monde m’est paru tout à coup triste, faux, avec des rapports impossibles avec les autochtones. Alors j’ai regrette l’été passé, la Provence, et même le boulot, source de rencontres et de contacts vrais.
C’est là que je me suis rangé des années de bohème, me rappelant qu’Arthur était revenu d’Afrique bien trop tard, avec une gangrène à la jambe, et n’avait jamais plus écrit. Ce qui est bien dommage. Les rêves il faut les tenir parfois en respect, sinon ils prennent le dessus sur toi, et finissent par avoir ta peau. Le naufrage, je l’avais entrevu dans les yeux de ces vieux babas, tentant de ramer à l’envers du temps , comme des courtisanes éculées.
A l’époque, je me souviens d’avoir lu un bouquin d’Herman Hesse, « l’ornière », qui m’avait marqué. Il racontait les années de bohème d’un jeune musicien, toujours accueilli chaleureusement, de ferme en ferme, lors des moissons.
Et puis l’âge aidant, les filles se font moins amoureuses. Il perd la grâce, la légèreté qui le servait sans qu’il s’en rende compte ; encore dix ans, et le voilà un matin, mort de froid dans la neige