Le rationalisme
Pour que l’homme puisse prendre sa raison pour guide il faut que la raison de l’homme soit droite.
Or, il y autant de degrés dans la justesse de raisonnement des hommes qu’il y a d’individus.
La raison n’est pas une entité, une et absolue, que l’on puisse consulter avec assurance, c’est l’expression d’une somme intellectuelle qui varie suivant l’individu qui parle.
Et les esprits qui voient faux étant les plus nombreux, le nombre ne fait pas l’autorité. C’est au contraire, dans ce cas, la minorité qui l’emporte, les raisons droites étant plus rares.
« Ce n’est pas le nombre qui compte, dit Gandhi, mais la qualité... Je ne conçois pas le nombre, ajoute t-il, comme une force nécessaire dans une cause juste. »
Et René Guénon de confirmer : « L’avis de la majorité ne peut être que l’expression de l’incompétence. »
Il ne faut donc pas invoquer comme une preuve de vérité la vulgarisation d’une idée et le nombre d’adepte qui la défendent, les idées fausses étant les plus faciles à propager, puisque les esprits faux sont les plus nombreux.
Quant aux idées justes, comme elles ne sont accessibles qu’à la minorité dont l’esprit est droit, elles ne peuvent être comprises « à priori » que par un petit nombre de personnes.
Mais comme ce qui est vrai peut être démontré par la science, cette démonstration faite, il faut imposer la vérité démontrée à la raison des masses. Sans une autorité scientifique qui impose une croyance, la vérité serait, presque toujours, niée puisqu’elle ne répond pas à l’état d’esprit de la multitude des hommes.
Prenez le rationaliste le mieux doué, mais étranger à la science et dites-lui, par exemple, que l’eau est formée de deux gaz, que l’air n’est pas un tout homogène mais un mélange de divers éléments, que l’être humain a été formé la tête en bas et les pieds en haut, cet homme vous répondra que tout cela « est absurde », attendu que sa raison lui fait voir l’eau sous un autre état que les gaz, que sa raison lui montre l’air comme un milieu transparent dans lequel il n’aperçoit aucun élément, que, habitué à voir marcher l’homme sur ses pieds, il ne peut pas concevoir qu’il ait occupé une autre station dans laquelle la marche est impossible.
Et cependant, il est bien vrai que l’eau est un composé de deux gaz, que l’air n’est pas un tout homogène, que pendant toute l’évolution humaine le fœtus a la tête en bas et les pieds en haut. Et vous qui êtes « savant », qui avez acquis la connaissance de ces choses et les propagez avec conviction, vous mettrez, certainement, dans la discussion avec ceux qui nieront ce que vous affirmez, l’obstination de celui qui est arrivé à la certitude, vous mettrez, dans votre désir de les convaincre, l’ardeur du prosélytisme.
Mais, supposez qu’il arrive, dans l’avenir, un moment où la science obscurcie, perdue, n’explique plus aux nouvelles générations le comment et le pourquoi des phénomènes, supposez qu’on leur donne à croire des conclusions sans préliminaires, des faits non démontrés, quoique vrais, il se trouvera, certainement, parmi nos descendants, des esprits forts, des « rationalistes », qui diront : Je ne crois pas tout cela, parce que « c’est absurde », je ne veux pas de mystère et je n’admets que ce que ma raison explique.
Et cet homme semblera avoir raison, et, cependant, celui qui enseignera tous ces faits, démontrés aujourd’hui, n’aura pas tort, puisqu’il propagera la vérité. Et la lutte naîtra entre ces deux hommes remplis de bonne volonté l’un et l’autre.
Nous nous trompons quand nous disons que le missionnaire de ces vérités n’aura pas tort ; il aura, au contraire, un immense tort, c’est d’avoir perdu « la science », d’être tombé lui-même, dans l’ignorance des choses qu’il enseigne et de ne pouvoir plus les appliquer, d’être obligé de les présenter sous la forme de vérités acquises à une époque reculée, mais devenue « mystères » par l’ignorance des générations dégénérées.
Il aura le tort de baser son enseignement, non plus sur la science, mais sur la tradition. Ce qui arriverait en pareil cas c’est ce qui arrive aux prêtres actuels de tous les cultes. Ils propagent des vérités fondamentales, devenues des mystères pour eux, des idées qu’ils sont incapables d’expliquer scientifiquement et qu’ils veulent imposer en vertu de leur propre autorité, et le rationalisme des masses ignorantes leur jette à la tête une négation qu’ils ne peuvent plus combattre.
C’est ainsi qu’ils imposent la croyance en Dieu, sans connaître, eux-mêmes, l’essence de ce Dieu qu’ils ordonnent au peuple d’adorer, sans penser que leur affirmation ne suffit pas et que, pour que la foi soit inébranlable il faut qu’elle soit basée sur l’évidence des faits.
C’est cette foi là que la science vient rétablir, c’est elle qui vient mettre dans les esprits des choses compréhensibles là où la tradition mettait des choses qui semblaient absurdes parce qu’elles étaient incompréhensibles.
Donc, avant de dire : Je ne crois pas cela parce que « c’est absurde », dites-vous : la tradition me donne telle idée à croire, examinons, « par la science », la valeur de cette idée, mais ne faites pas appel à la raison pour croire ou nier, attendu que la raison n’explique rien et ne juge que les apparences qui sont, presque toujours trompeuses. La raison ne nous dit pas que la terre tourne, ni que les premières formes traversées par l’homme pendant son développement à la surface terrestre, ou pendant sa vie embryonnaire, ne ressemblaient en rien à sa forme actuelle, c’est la « science » qui nous dit cela.
Donc, la vérité ne peut pas être trouvée par les hommes qui n’ont d’autre guide que leur raison. Elle est le privilège de ceux qui sont en possession de connaissances acquises.
Et ceux-là ont pour mission l’enseignement. Ce sont des ministres chargés de propager les vérités démontrées en les faisant connaitre à ceux qui ont les moyens intellectuels nécessaires pour les comprendre, en « les imposant » aux autres.
Car, « la science ne se propose pas, elle s’impose. »
Vous n’allez pas proposer à un enfant d’examiner si la terre tourne, vous lui enseignerez cette vérité comme un fait acquis, vous lui en imposerez la croyance.
Proposer l’examen des vérités aux ignorants, c’est livrer la science à ses ennemis, c’est retourner à la barbarie, au chaos intellectuel, c’est perdre tout le bénéfice acquis par les hommes de génie qui nous ont précédé.
Donc, le libre examen, que nous avons cru si longtemps être le dernier mot du progrès, est, au contraire, une cause de désordre et de discorde si on le donne à ceux qui ne savent pas s’en servir.
Il faut une autorité dogmatique, et la « Science » porte en elle ses droits à cette autorité.
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14/10 18:26 - amiaplacidus
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