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Commentaire de DACH

sur Artsakh : La diplomatie de la honte


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DACH 18 octobre 2020 12:53

3/ Un “Etat azerbaidjanais qui veut récupérer ses territoires occupés”. Cette autre formulation répétée en boucle dans de nombreux médias participe d’une propagande qui néglige insidieusement que ce territoire historique arménien a juste été donné par Staline à la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan en juillet 1921 dans le cadre d’accords visant à satisfaire les Turcs entourant la République d’Arménie. Or les églises arméniennes de la région datent de plus de mille ans et attestent d’une terre arménienne bien avant l’avènement de la République soviétique d’Azerbaïdjan puis de la République d’Azerbaïdjan en 1991. Le retour à “l’intégrité territoriale” à laquelle les dirigeants Azéris font allusion pour justifier cette guerre ne date que de cent ans alors que les Arméniens du Haut-Karabakh ont vécu chez eux sans discontinuer depuis de nombreux siècles et ont plusieurs fois été autonomes –autonomie même confirmée en 1923 (Oblast autonome du Haut-Karabakh). Ces simples faits invitent à faire prévaloir le “droit à l’autodétermination” sur une “intégrité territoriale” sans grands fondements historiques. Évoquer cette dernière comme légitime puisque l’ONU a reconnu le territoire total de la République soviétique d’Azerbaïdjan suite à son indépendance, c’est poser le curseur de l’Histoire dans une époque tardive et prolonger l’injustice qui commença avec la division de l’Arménie et l’intégration d’une de ses parties à l’Azerbaïdjan, ce qui affaiblit de facto la petite République d’Arménie dont les ancêtres avaient pourtant tant souffert.

4/ “Des séparatistes soutenus par l’Arménie”. Au vu de ce qui précède, l’usage de cette expression à propos des Arméniens du Haut-Karabakh est clairement inappropriée car elle soutient une représentation tronquée de l’Histoire. D’autres formulations médiatiques du même registre –comme “Le Haut-Karabakhplacéen étau entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan” ou “Les deux pays convoitent ce territoire” –sont également coupables d’une incroyable simplification de la réalité en plaçant dans le même sac l’Arménie qui défend ses compatriotes au Haut-Karabakh et l’Azerbaïdjan qui voudrait “récupérer ses territoires”. Résidant sur leur terre ancestrale et déjà objets de nombreux massacres y compris de la part des Azéris, les Arméniens qui réclament la reconnaissance de leur petite “République Autonomie de l’Artsakh” (Haut-Karabakh en Arménien) ne sont pas des “séparatistes”, ni ne sont coincés entre deux forces antagonistes : soutenus par leurs compatriotes en Arménie, ils sont chez eux et veulent y rester et y vivre dans leurs termes culturels et religieux.

Mentionnons encore depuis quelques jours, à propos du cessez-le-feu non respecté, des récits médiatiques du type : “Les deux parties s’accusent mutuellement de violer la trêve”. Une formulation distanciée qui néglige le fait que les populations civiles du Haut-Karabakh ont fait l’objet de bombardements azéris quelques instants après la promesse du cessez-le-feu, des attaques – avec notamment des bombes à sous-munitions pourtant interdites– qui continuent à ce jour à être lancées de façon indiscriminée et font vivre les derniers résidents Arméniens de la région dans la terreur. La formulation omet par ailleurs que l’Arménie, où le nombre de réfugiés augmente jour après jour, ne cesse de réclamer la fin des hostilités et le retour à la table des négociations. La réalité est que si l’armée arménienne est toujours engagée dans le combat, c’est en réponse aux attaques continues de la part de l’Azerbaïdjan, moins intéressée par un compromis diplomatique que par l’idée de clore militairement la question de la présence arménienne dans le Haut-Karabakh.

Mis à l’épreuve des faits (qui par manque d’espace ne sont reportés que partiellement ici), il est évident que les récits médiatiques de ce type pour rendre compte de ce qui se passe actuellement dans le Caucase sont non seulement malheureux mais induisent en erreur le public qu’ils sont censés informer. Et l’on sait combien les incidences de représentations erronées peuvent être lourdes… Le sociologue William Thomas a posé il y a près de 100 ans l’idée que le comportement des individus s’expliquait plus par leur perception de la réalité que par la réalité elle-même. Or cette perception est façonnée par les mots. Ne pas tromper l’opinion publique en employant des mauvaises formulations relève de la responsabilité des journalistes dont certains manquent d’exigence intellectuelle lorsqu’ils évoquent cette guerre terrible et inégale. Une règle élémentaire, certes idéaliste, est pourtant de rester prudent, de se documenter et de contextualiser les faits avant d’offrir un propos explicatif sur ceux-ci. » » Christian Ghasarian Professeur d’ethnologie à l’Université de Neuchâtel, chercheur associé au LAIOS (CNRS), analyse les comportements sociaux et les médias Le HuffPost


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