Très beau texte et très stimulantes observations et
réflexions sur ce que nous sommes en train de vivre. Aussi difficile que de s’arrêter
de respirer pour mieux entendre les bruits de la vie.
Vous allez jusqu’à écrire notre histoire au futur pour nous
rappeler qu’elle se fait et se fera de toute façon, qu’elle pourrait se faire
sans nous, que d’autres travaillent des scénarios sans nous consulter pour
notre bien qui correspond au leur, que peut-être aussi décidément nous sommes
plutôt bouchons contents de se maintenir à flot au mieux que barreur cherchant
un cap.
Vous évoquez E Todd dont nous sommes tous redevables pour sa
rigueur de démographe et sa réflexion anthropologique sur le lien entre
structure familiale et gouvernance des sociétés, pour aussi me semble-t-il le
décalage socioculturel entre le niveau d’éducation de nos concitoyens et les
modes de gouvernance de nos sociétés qu’il signale avec d’autres. Vous rappelez
l’ambivalence fonctionnelle des médias, dont nous nous méfions mais dont nous
dépendons parce qu’ils apportent une certaine cohérence dans un monde fait de
milliers d’interactions à distance et de
connexions dont de plus en plus de gestes simples et essentiels du
quotidien dépendent. Une forme de sociabilité se construit à travers les
médias. E Todd a me semble-t-il des moments de découragements parce qu’il ne
voit pas les effets de ce qu’il présuppose et espère, une dynamique de
changement. Qui n’en a pas ? Qui peut dire les directions qui seront
prises et quels seront les rythmes ? Que faire ?
Ce n’est pas nouveau, cela était déjà là avant le covid, les
classes dirigeantes et leurs affiliés subissent me semble-t-il une perte de
légitimité sévère tout en ayant des moyens de contrôles et de productions de
réalités fictives encore jamais vus qui enveloppent nos vies. Et visiblement
elles n’ont pas envie de renoncer à cette puissance qui se double d’une
construction continue de normes juridiques qui elles ne sont pas de la fiction.
J’ai l’impression qu’il y a une course de vitesse entre
notre soumission/consentement/aliénation à travers tous les liens d’interdépendances
dans lesquels de plus en plus nos vies sont prises et nos prises de conscience
collectives de notre capacité à mettre en place des solutions économiques et de
gouvernance garantissant sécurité et autonomie. Je pense que cela dépasse en
réalité les affiliations idéologiques immédiates de la plus grande partie de la
population qui nous dispersent mais pas celles des professionnels de la politique
qui eux ont des buts plus concrets et immédiats (se faire élire) et sont munis d’un réel pouvoir
fait de savoirs et savoir-faire qui nous dominent parce que dans nos sociétés nous
sommes entretenus dans une forme d’ignorance et impuissance citoyenne.