Le mythe du bon sauvage n’est pas nouveau. C’est
l’idéalisation des hommes vivant en contact étroit avec la nature. Il répond au débat opposant « nature » et «
culture » et constitue un idéal pour les âmes agitées par un futur incertain :
vivre en d’autres temps, en d’autres lieux où paix et bonheur sont assurés par
une « Nature » bienveillante.
« La nature a fait
l’homme heureux et bon, mais la société le déprave et le rend misérable. » Jean-Jacques
Rousseau
Le développement même de l’intelligence et la recherche du
luxe, de la propriété et du pouvoir, encouragés par les institutions, sociales,
auraient jeté l’homme en dehors d’un paradis possible auprès de la Nature.
Quitte à revenir à Rousseau, il ne faut pas passer sous
silence que, pour lui, c’est la notion de propriété qui est responsable du
malheur de l’homme en conduisant l’être humain à défendre son territoire (au
besoin par la violence) pour protéger ses biens accumulés.
Comme le fait l’auteur, Rousseau propose dans » l’Émile
ou De l’éducation » une pédagogie naturelle qui répondrait aux besoins
réels de l’enfant. Seule une éducation libre, ouverte et naturelle rendra à
l’être humain l’état de bonheur et de bonté qu’il doit regretter avoir perdu en
rêvant du bon sauvage que lui proposent les utopistes de son époque.
Sous des dehors progressistes, ce type d’idéologie maintient
aussi les vieilles associées au péché originel : l’homme aurait connu le
paradis, mais l’aurait perdu après avoir croqué la pomme, symbole de la
connaissance, et la chute, associée au mal, se trouve du coup au cœur même du «
mythe du bon sauvage ». L’homme industrieux, « perverti » par sa culture et par
son goût du luxe, aurait signé sa propre perte.
En fait, la découverte et l’observation d’enfants vraiment sauvages
tels que Victor de l’Aveyron a montré que l’homme, privé de la compagnie des
siens, et donc de la société et sa structure contraignante, ressemble davantage à un animal qu’à l’idéal décrit par les colonisateurs
idéalistes du nouveau monde, les missionnaires et les nouveaux naturalistes que
sont une partie des verts.