Mr Galy, votre sujet me suggère quelques remarques tant sur la forme que sur le fond. Désolé par avance de jouer un peu à l’éléphant dans le magasin de porcelaine !
Tout d’abord, vous avez un léger problème de calcul, sans incidence il est vrai sur votre raisonnement. Vous écrivez : « Une entreprise crée un produit qu’elle vend 100 euros TTC. Sur ce produit, cette entreprise aujourd’hui paie 20 de TVA (19,6 mais on prendra des chiffres ronds par souci pédagogique). »
C’est faux ! Un produit vendu à 100 euros TTC comprend 16,38 euros de TVA et pas 19,60 ((100/1,196 x 19,6%). Bé oui...
Ensuite, chose qui me dérange beaucoup plus, vous raisonnez comme si une entreprise calculait ses coûts en tenant compte de la TVA. A moins qu’elle se mette la TVA dans la poche, c’est un raisonnement qui ne tient pas. Il me faut donc vous rappeler un principe fiscal de base : une entreprise ne supporte pas le coût de la TVA, laquelle n’est pas une charge pour elle. Elle n’en est que le redevable légal, le client étant toujours le redevable réel.
Ce qui signifie que lorsque la TVA est de 5,5%, l’entreprise la facture à 5,5, et que si la TVA est à 25%, l’entreprise la facture à 25%. Les coûts restent donc les mêmes pour elle, et c’est le client final qui voit son porte monnaie se vider. Si on diminue les cotisations sociales à hauteur de l’augmentation de la TVA (ce qui se produit en Allemagne en ce moment), on ponctionne donc plus dans les poches des ménages que dans celles des entreprises. C’est ce qui a fait descendre tant d’Allemands dans la rue l’année dernière, notamment les retraités.
Rappelez-vous que le niveau de revalorisation des salaires en Allemagne n’a strictement rien à voir avec celui de la France. On tourne à + 3 ou 4% les années de vaches maigres, et à + 5 % en année normale. L’augmentation de la TVA de 3% en Allemagne sera donc absorbée en moins d’un an. Vous voyez la même chose en France, avec nos 1.5 % de revalorisation salariale annuelle ?
Votre raisonnement prend ensuite une orientation que je qualifierais « d’orientée ». Vous écrivez en effet la chose suivante :
« Au lieu de payer 20 de TVA, l’entreprise paie 23 euros de TVA. Le prix de vente reste à 100, l’Etat allouant les 3 euros à une baisse des cotisations sociales. Le prix de vente reste donc à 100 euros.(...) Rien n’a changé, je continue de payer 100 en tant que consommateur et en tant que contribuable, je paie la même quantité d’impôts mais d’une autre manière.. ? »
Mr Galy, rien ne changerait si l’entreprise répercutait intégralement la baisse des cotisations dans une hausse des salaires. Ce qui n’est pas prévu... Dans le monde réel, le salarié voit donc son salaire rester le même, sa TVA augmenter de 3%, et son employeur se mettre 3% de plus dans la poche (= la baisse des cotisations). C’est tout.
Pour ce qui est de la TVA « payée à l’importation », vous êtes dans un raisonnement assez théorique. J’y apporte donc un complément.
L’Etat ne gagne rien sur la perception de la TVA à l’importation. Il gagne sur le fait que la société étrangère ne déduit aucune TVA d’amont (ni française ni étrangère) sur la partie de ses coûts de production non taxée à la TVA, principalement sur le travail salarié. La TVA a l’importation peut donc être très intéressante en terme de compétitivité internationale, dès lors qu’il s’agit d’activité de production de biens manufacturiers, gros consommateurs de main d’oeuvre. Un exemple :
- coûts à l’étranger sans TVA (salaires...) : 40
- coûts à l’étranger avec TVA (HT) : 70
- coût total HT : 110
- TVA à 20% déduite à l’étranger : 70 x 20 % = 14
- prix d’exportation en France (marge 15%= 16.5) : 126.5
- TVA payée à l’importation : 25.3
Dans mon exemple, la « charge » de TVA finale à l’étranger est de 11.3 (soit 25.3 - 14). On taxe donc principalement en France le coût du travail à l’étranger, pour lequel aucune TVA n’a été déduite, soit :
- coûts sans TVA : 40 x 20% = 8.0
- valeur ajoutée sur coûts avec TVA : 16.5 x 20% = 3.3
soit un total de 11.3, qui correspond à la « charge de TVA » pour l’entreprise étrangère.
Pour finir : la TVA sociale peut sembler une solution, en tout cas bien meilleure que la situation actuelle.
De nombreuses autres pistes existent, tout aussi valables, comme par exemple le transfert des cotisations retraites vers la CSG, qui aurait l’avantage de faire participer les revenus du patrimoine au financement des retraites.