Vers -1350. Akhénaton défie les prêtres d’Amon
Au regard de l’époque contemporaine, le pharaon Amenhotep IV, qui changea son nom en Akhénaton, passe pour le fondateur du premier monothéisme de l’histoire de l’humanité. C’est en effet à ce titre qu’il est célébré et médiatisé depuis le début du XXe siècle par de nombreux intellectuels, tels Sigmund Freud, Philip Glass, Agatha Christie, Thomas Mann, Naguib Mahfouz, Albert Jacquard, et bien d’autres. Ainsi érigé en héros de notre culture moderne, le royal zélateur du dieu Aton s’est vu attribuer la paternité de presque tous les grands mouvements idéologiques de notre temps, et, en particulier, bien sûr, celle des religions du Livre. Ce phénomène, que l’on n’a pas hésité à qualifier d’« hallucination culturelle (1) », relève avant tout, on l’aura compris, d’une projection de nos valeurs occidentales et contemporaines sur un personnage qui vécut voici près de trente-cinq siècles.
Mais en dépit de ces innombrables réinterprétations modernes, Akhénaton est, à la différence de nombre d’autres fondateurs de religion, un personnage de l’histoire et non de la mémoire, pour reprendre l’heureuse expression de Jan Assmann (2). En effet, contrairement à ce que l’on observe pour Moïse, Jésus ou Mohammed, notre seule et unique source de connaissance de sa véritable histoire n’est pas ce que la mémoire collective a voulu en retenir – d’autant qu’il fut jeté dans les oubliettes de l’histoire officielle par ses successeurs –, mais bien les documents contemporains de son existence, qui nous permettent d’aborder les intentions authentiques de ce réformateur religieux.
Une autre particularité de la nouvelle religion prônée par Akhénaton est qu’elle émane d’un roi, à la tête d’un véritable empire : celui de l’Égypte au sommet de sa puissance. Il avait donc – déjà – le pouvoir et les moyens de ses ambitions. En outre, la dimension politique de sa réforme est inévitable et ne saurait être négligée.