Parlons de guérison. Ce trauma, on ne le guérit pas simplement en le décrétant…
Beaucoup de victimes ne consultent pas expressément pour se libérer d’un trauma, mais parce qu’elles sont stressées, elles ont des addictions, elles sont déprimées. Il faut d’abord améliorer leur qualité de vie, leur autonomie psychologique et relationnelle. C’est une véritable reconquête de son autonomie. Ensuite, la personne est prête pour se libérer de l’emprise.
Les personnes victimes de pervers narcissiques ne sont pas des personnes faibles…
Pas du tout. Contrairement aux pervers narcissiques, il n’y a pas de profils type chez les victimes, il y a des failles. Ce sont des personnes avec des antécédents traumatiques. Quand on est victime d’un pervers narcissique, on est déjà en état de choc. Dû à des traumatismes périnataux, un abandon, des violences psychologiques de l’enfance.
La perversion narcissique s’observe-elle dans le milieu du travail ?
Les pervers narcissiques sont présents là où il y a des enjeux de pouvoir. Dans la famille, dans le travail aussi. Au travail, ils exercent un harcèlement moral sur les personnes qui les gênent parce qu’elles sont consciencieuses, impliquées… Ils cherchent alors à les mettre à bout, à les isoler. Cela passe par de micros violences verbales, le dénigrement, la culpabilisation. Les victimes tentent le dialogue – impossible, car le pervers narcissique ne se remet jamais en question. Souvent, le management essaie la médiation, ce qui ne marche pas. J’en vois, des gens qui vivent la perversion narcissique en entreprise…
Quand on a été victime d’un pervers narcissique, comment s’en sortir ?
On peut apprendre à gérer cela soi-même l’épuisement, la perte de confiance en soi. Mais il y a un travail de réhumanisation à opérer, pour de nouveau faire confiance. Cela passe par une reconstruction avec quelqu’un de compatissant, sans jugement, qui aide à analyser ce qui s’est passé. C’est le rôle du thérapeute. On ne peut pas simplement demander l’aide de son entourage ou de son conjoint. C’est l’échec assuré – le nouveau conjoint ne va supporter longtemps le stress, les angoisses ou colères inappropriées…
Quand on a été sous emprise d’un pervers narcissique, bien qu’on ait fui la situation, on n’est pas tout à fait sauvé, donc ?
Le boulot commence. Beaucoup de victimes se disent libérées et donc sauvées. Mais elles répètent constamment le même schéma, car les séquelles psychologiques sont toujours là.
Comment convaincre la victime de l’utilité d’un accompagnement thérapeutique ?
Si elle demande à travailler sur l’apaisement dont elle a besoin, elles reparleront des violences. Il est important que le thérapeute soit empathique, qu’il sache verbaliser l’expérience difficile. La victime ne pourra plus banaliser ou minimiser ce qu’elle a vécu. Il faut choisir des thérapeutes formés aux traitements des traumatismes. Le grand public pense souvent que tout psychologue convient. Il n’est pas seulement question de redormir ou retrouver l’estime de soi. Il faut traiter le trauma.
—