La dérive psychiatrique n’est pas innocente et révèle une
conception de la société emprunte d’une idéologie qui se retrouve dans d’autres
domaines. Dans le domaine judiciaire, cela se traduit dans plusieurs tendances
lourdes :
- On fait de la délinquance ou de la criminalité des
anomalies de la santé mentale, c’est-à-dire des pathologies, ce qui pourrait
constituer une métaphore pour prendre en compte les dysfonctionnements sociaux,
mais pas chez un individu responsable.
- On considère que la « normalité »
serait une société sans criminalité, ce qui reste à démontrer.
Or, la dangerosité sociale ou criminologique est la plupart
du temps le fait de gens parfaitement « normaux » et, l’excuse
psychiatrique permet de les considérer comme dangereux même quand ils ont purgé
leur peine. On va alors demander d’évaluer une dangerosité qui n’est pas
psychiatrique. On va demander à un « expert » d’évaluer un risque, et
l’intéressé aura probablement recours au principe de précaution pour la société
en ne prenant pas le risque pour lui-même de remettre en cause sa propre crédibilité
en cas de récidive, alors que si le détenu reste en prison, personne ne saura
jamais si c’était justifié.
Ce qui est paradoxal, c’est que les individus concernés par
la rétention de sûreté ont été condamnés par la justice et ne sont donc pas
dans une situation d’irresponsabilité pénale : ils seraient assez normaux
pour être condamnés, mais trop anormaux pour être libérés.
L’origine de tout cela est la même que celle qui se pratique
actuellement en matière sanitaire : la « philosophie de la peur ».
Les délinquants n’ont pas plus de place que les malades dans cette société où
il faut qu’il ne se passe rien. Il faut tuer le crime dans l’œuf comme il faut
supprimer les virus de notre environnement humain. On ne punit plus un
coupable, mais on se protège des individus considérés comme dangereux, comme on
ne soigne plus à l’hôpital : on isole, on confine, on met en quarantaine.