@jacques
le régime de crise est devenu le régime normal
et ce depuis longtemps
L’état d’exception dont vous avez lié à la notion de souveraineté semble prendre aujourd’hui le caractère d’une situation normale, mais les citoyens sont toujours perdant face à l’incertitude de leur vie quotidienne : est-il possible d’atténuer ce sentiment ?
« Nous avons vécu pendant des décennies dans un état d’exception, qui est devenu la règle, comme dans le cas de l’économie, dont la crise est l’état normal. L’état d’exception qui devait être limité dans le temps a pris la place du modèle normal de la gouvernance aujourd’hui et cela est vrai même dans les Etats qui se disent démocratiques. Peu de gens sont conscients du fait que les règlements de sécurité introduites après le 11 Septembre (ils avaient été mis en place en Italie depuis les années de plomb ) sont pires que ceux qui étaient imposés sur les livres sous le fascisme. Et les crimes contre l’humanité commis sous le nazisme ont été rendus possible par le fait que Hitler ayant pris le pouvoir et avait alors proclamé un état d’exception qui n’avait jamais été abrogé. Hitler, cependant, n’a pas eu les mêmes possibilités de contrôle (données biométriques, caméras de surveillance, les téléphones cellulaires, cartes de crédit) qui sont à la disposition de nos Etats contemporains. On pourrait très bien dire aujourd’hui que l’Etat considère chaque citoyen comme étant un terroriste virtuel. Cela peut avoir comme conséquence de diminuer et rendre impossible la participation à la vie politique qui est censée définir la »démocratie « . Une ville dont les places et les rues sont contrôlées par des caméras de surveillance ne peut pas être un lieu public : c’est une prison. »
Une entrevue 2012 avec le philosophe italien Giorgio Agamben