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Commentaire de Renaud Bouchard

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Renaud Bouchard Renaud Bouchard 25 octobre 2021 17:31

@ETTORE

Merci pour votre commentaire.Il arrive pourtant que les choses changent...

Voyez ce qui suit :

"Parmi les grandes journées qui ont fait la France, le Dix-huit Brumaire pouvait apparaître à un double titre : conclusion sans grandeur du Directoire ou lever de rideau sur le Consulat. La date est à la fois aboutissement et commencement. C’est la première voie que choisit d’explorer Patrice Gueniffey, qui fait de Brumaire le véritable épilogue de la Révolution française, tout en refusant de ravaler l’épisode au rang de farce tragi-comique. L’auteur fait un sort à la légende tenace de députés du Conseil des Cinq-Cents qui, apeurés, auraient dans leur fuite essaimé les insignes de leur charge à travers les jardins du palais de Saint-Cloud : « La République ne disparut pas avec gloire, c’est certain, mais elle ne finit pas non plus avec le caractère ignominieux que lui conféra l’image - forgée par les vainqueurs – de centaines de députés fuyant à toutes jambes » (p.298).Le récit de ce coup d’État en deux actes mêle intrigue policière et scènes de théâtre. Nous suivons d’abord les pas du citoyen Gohier, président du Directoire exécutif, grand admirateur de Joséphine, et principale victime de cette journée de dupes, qui aboutit au renversement du Directoire. Le premier moment aboutit à la disparition de la République thermidorienne, qui laissa bien peu de regrets. Patrice Gueniffey rappelle les désillusions successives qui frappèrent le régime de désamour : institutions qui contrariaient la culture politique révolutionnaire ; décrets des deux tiers ; refus de respecter le choix électoral. En sapant la logique des institutions, les thermidoriens rendaient impossible l’ancrage d’une légitimité républicaine. Sans céder à l’argument de la fatalité, l’auteur signale néanmoins les germes de changement alors distillés. Par une perception univoque du champ politique, le pluralisme des opinions n’était pas admis : « Un corps politique sain était un corps politique sans divisions » (p.51). Or, le Directoire ouvre l’offre électorale, pose les conditions d’une compétition publique entre des courants identifiés (p.55).
En contrepoint aux occasions manquées et aux déceptions économiques accumulées, se dresse l’ascension de celui qui n’était encore, avant la campagne d’Italie, qu’un « obscur général ». L’ambivalence du regard de Bonaparte sur la Révolution est restituée : mépris des « avocats » qui conduisent la République directoriale, méfiance envers les passions révolutionnaires, opportunisme dans le choix de ses protecteurs, assurance qu’un pouvoir fort était seul capable de finir la Révolution. De retour d’Italie, Bonaparte cultive son image. Le « plus civil des généraux » reçoit les artistes, entreprend la conquête de l’Institut, s’incline avec ostentation devant la puissance de l’esprit et séduit l’opinion par sa modestie affichée. L’expédition d’Egypte lui permet de s’extraire du jeu des partis, tout en assouvissant son rêve d’Orient. Le retour d’Egypte reste un modèle de propagande : conquête supposée aisée, l’Egypte résiste, chaque victoire érodant la force française, sans espoir de renforts. La bataille d’Aboukir, remportée contre les troupes ottomanes le 25 juillet 1799, rend possible le retour de Bonaparte en vainqueur, et lui permet d’esquiver l’accusation de désertion. Le récit en est hallucinant, ponctué par la hardiesse de Murat, la prise de la redoute qui tourne à la boucherie, la panique des Turcs qui se jettent à la mer, alors que leurs propres chaloupes tirent au canon pour les forcer à retourner au combat. Aboukir se fait « bataille d’extermination, en une sorte de Waterloo à l’envers » (p.170).Avant d’embarquer, Bonaparte confie à Menou : « J’arriverai à Paris, je chasserai ce tas d’avocats qui se moquent de nous. » A l’analyse de la place de l’expédition d’Egypte dans l’itinéraire de Bonaparte, succède le tableau de l’agonie du Directoire. A l’extérieur, l’aggravation de la situation militaire entraîne l’effondrement des régimes frères mis en place par les Français. A l’intérieur, les élections de 1799 mobilisent à peine 10% des électeurs. Le tableau des principaux acteurs de ce « chant du cygne » est dressé : Sieyès, nommé au poste de directeur, alors qu’il ne cessait de proclamer son hostilité aux institutions de l’an III ; Bernadotte, chef de fil des Jacobins, dont les manières cordiales n’empêchent nullement une insouciance qui le frappe d’irrésolution aux moments décisifs ; Lucien Bonaparte, promu défenseur du gouvernement après avoir soutenu les Jacobins dans leur campagne de harcèlement contre le pouvoir ; Fouché, appelé au ministère de la police, se fait, sous des manières onctueuses, « l’homme fort d’un gouvernement faible » (p.209). Régime vermoulu, en attente de l’homme providentiel ? Ou institutions capables de sursauts imprévus, présageant l’esquisse d’une stabilité gouvernementale ? Patrice Gueniffey se penche sur ces pistes, tout en soulignant l’érosion de la croyance politique des Français. La Révolution avait « accrédité l’idée que tout peut être défait et refait par la seule volonté » (p.213) ; la fin du Directoire sanctionne le repli sur la sphère privée, l’indifférence pour les luttes politiques. Face à cette torpeur de l’opinion, le retour triomphal de Bonaparte sonne le ralliement des tendances, en un rare moment de communion capable de transcender les clivages anciens. C’est le soubassement de la légende.

Le tout Paris politique, militaire, intellectuel frappe à l’hôtel de la rue de la Victoire. Encore s’agissait-il d’entourer le coup d’Etat de formes légales. Ce paradoxe peut étonner. En fait, les recours à la force avaient, depuis le 10 août 1792, endossé l’apparence d’un retour à la puissance constituante du peuple (p.248). Sans position officielle, Bonaparte peut d’autant moins prendre le risque d’apparaître en général factieux que l’imagerie révolutionnaire tenait l’« usurpation militaire » pour la forme suprême de l’illégitimité. Il ne pouvait se risquer à passer pour un nouveau Dumouriez ou Pichegru. D’où l’attentive préparation des 18 et 19 Brumaire, afin d’obtenir l’agrément d’une partie des dirigeants : « La préparation du coup d’État , certes rapide, ne fut pas aussi désinvolte que l’affirment ceux qui, depuis Tocqueville, brocardent les « civils » et les « intellectuels » qui en prirent l’initiative » (p.262). Ce souci formel de respect des règles parlementaires présentait le danger d’étaler le changement de régime sur deux jours.
Afin d’isoler les Conseils, l’hypothèse d’un complot fut agitée, le Conseil des Anciens décidant le transfert du Corps législatif à Saint-Cloud. A la différence du premier acte, le second faillit mal tourner. Le décor est posé, de la difficile arrivée des députés, au milieu de l’encombrement des voitures, jusqu’à l’improvisation des salles de séances. Les débats multiplient les retournements de situation. Les soutiens de Bonaparte aux Anciens se dérobent, les Cinq-Cents jurent fidélité à la Constitution, que tous prétendaient moribonde la veille. Comment juger de l’intervention personnelle de Bonaparte aux Anciens ? Irruption qualifiée d’intempestive, elle n’en était pas moins nécessaire, afin d’inverser le rapport de force. Sorti sous les huées, il se précipite au Conseil des Cinq-Cents, décidé à brusquer par la force le dénouement. Scène fameuse, qui tourne au « vulgaire pugilat » (p.290). Le recours à l’armée, qui cerne le château de Saint-Cloud, sauve la situation. Menacé d’être déclaré hors la loi, Bonaparte cède à la confusion ; c’est Lucien qui parvient à maintenir un semblant de légalité, en appelant la troupe à intervenir contre les « factieux ». A dix-huit heures, spectateurs et députés sont dispersés. « La farce est jouée », selon le mot de Réal.Un nouveau chapitre de l’histoire nationale s’ouvre alors. Les valeurs dominantes basculent de la vertu à la gloire, de la croyance envers la toute-puissance de la volonté en un certain pessimisme sur les actions humaines.

Lire la suite ci-après.


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