@ETTORE
Merci pour votre commentaire.Il arrive pourtant que les choses changent...
Voyez ce qui suit :
"Parmi les grandes journées qui ont fait la France, le Dix-huit Brumaire
pouvait apparaître à un double titre : conclusion sans grandeur du
Directoire ou lever de rideau sur le Consulat. La date est à la fois
aboutissement et commencement. C’est la première voie que choisit
d’explorer Patrice Gueniffey, qui fait de Brumaire le véritable épilogue
de la Révolution française, tout en refusant de ravaler l’épisode au
rang de farce tragi-comique. L’auteur fait un sort à la légende tenace
de députés du Conseil des Cinq-Cents qui, apeurés, auraient dans leur
fuite essaimé les insignes de leur charge à travers les jardins du
palais de Saint-Cloud : « La République ne disparut pas avec gloire,
c’est certain, mais elle ne finit pas non plus avec le caractère
ignominieux que lui conféra l’image - forgée par les vainqueurs – de
centaines de députés fuyant à toutes jambes »
(p.298).Le récit de ce coup d’État en deux actes mêle intrigue
policière et scènes de théâtre. Nous suivons d’abord les pas du citoyen
Gohier, président du Directoire exécutif, grand admirateur de Joséphine,
et principale victime de cette journée de dupes, qui aboutit au
renversement du Directoire. Le premier moment aboutit à la disparition
de la République thermidorienne, qui laissa bien peu de regrets. Patrice
Gueniffey rappelle les désillusions successives qui frappèrent le
régime de désamour : institutions qui contrariaient la culture politique
révolutionnaire ; décrets des deux tiers ; refus de respecter le choix
électoral. En sapant la logique des institutions, les thermidoriens
rendaient impossible l’ancrage d’une légitimité républicaine. Sans céder
à l’argument de la fatalité, l’auteur signale néanmoins les germes de
changement alors distillés. Par une perception univoque du champ
politique, le pluralisme des opinions n’était pas admis : « Un corps
politique sain était un corps politique sans divisions » (p.51). Or, le
Directoire ouvre l’offre électorale, pose les conditions d’une
compétition publique entre des courants identifiés (p.55).
En
contrepoint aux occasions manquées et aux déceptions économiques
accumulées, se dresse l’ascension de celui qui n’était encore, avant la
campagne d’Italie, qu’un « obscur général ». L’ambivalence du regard de
Bonaparte sur la Révolution est restituée : mépris des « avocats » qui
conduisent la République directoriale, méfiance envers les passions
révolutionnaires, opportunisme dans le choix de ses protecteurs,
assurance qu’un pouvoir fort était seul capable de finir la Révolution.
De retour d’Italie, Bonaparte cultive son image. Le « plus civil des
généraux » reçoit les artistes, entreprend la conquête de l’Institut,
s’incline avec ostentation devant la puissance de l’esprit et séduit
l’opinion par sa modestie affichée. L’expédition d’Egypte lui permet de
s’extraire du jeu des partis, tout en assouvissant son rêve d’Orient. Le
retour d’Egypte reste un modèle de propagande : conquête supposée
aisée, l’Egypte résiste, chaque victoire érodant la force française,
sans espoir de renforts. La bataille d’Aboukir, remportée contre les
troupes ottomanes le 25 juillet 1799, rend possible le retour de
Bonaparte en vainqueur, et lui permet d’esquiver l’accusation de
désertion. Le récit en est hallucinant,
ponctué par la hardiesse de Murat, la prise de la redoute qui tourne à
la boucherie, la panique des Turcs qui se jettent à la mer, alors que
leurs propres chaloupes tirent au canon pour les forcer à retourner au
combat. Aboukir se fait « bataille d’extermination, en une sorte de
Waterloo à l’envers » (p.170).Avant d’embarquer, Bonaparte confie à
Menou : « J’arriverai à Paris, je chasserai ce tas d’avocats qui se
moquent de nous. » A l’analyse de la place de l’expédition d’Egypte dans
l’itinéraire de Bonaparte, succède le tableau de l’agonie du
Directoire. A l’extérieur, l’aggravation de la situation militaire
entraîne l’effondrement des régimes frères mis en place par les
Français. A l’intérieur, les élections de 1799 mobilisent à peine 10%
des électeurs. Le tableau des principaux acteurs de ce « chant du cygne »
est dressé : Sieyès, nommé au poste de directeur, alors qu’il ne
cessait de proclamer son hostilité aux institutions de l’an III ;
Bernadotte, chef de fil des Jacobins, dont les manières cordiales
n’empêchent nullement une insouciance qui le frappe d’irrésolution aux
moments décisifs ; Lucien Bonaparte, promu défenseur du gouvernement
après avoir soutenu les Jacobins dans leur campagne de harcèlement
contre le pouvoir ; Fouché, appelé au ministère de la police, se fait,
sous des manières onctueuses, « l’homme fort d’un gouvernement faible »
(p.209). Régime vermoulu, en attente de l’homme providentiel ? Ou
institutions capables de sursauts imprévus, présageant l’esquisse d’une
stabilité gouvernementale ? Patrice Gueniffey se penche sur ces pistes,
tout en soulignant l’érosion de la croyance politique des Français. La
Révolution avait « accrédité l’idée que tout peut être défait et refait
par la seule volonté » (p.213) ; la fin du Directoire sanctionne le
repli sur la sphère privée, l’indifférence pour les luttes politiques.
Face à cette torpeur de l’opinion, le retour triomphal de Bonaparte
sonne le ralliement des tendances, en un rare moment de communion
capable de transcender les clivages anciens. C’est le soubassement de la
légende.
Le tout Paris politique, militaire, intellectuel frappe à l’hôtel de la
rue de la Victoire. Encore s’agissait-il d’entourer le coup d’Etat de
formes légales. Ce paradoxe peut étonner. En fait, les recours à la
force avaient, depuis le 10 août 1792, endossé l’apparence d’un retour à
la puissance constituante du peuple (p.248). Sans position officielle,
Bonaparte peut d’autant moins prendre le risque d’apparaître en général
factieux que l’imagerie révolutionnaire tenait l’« usurpation militaire »
pour la forme suprême de l’illégitimité. Il ne pouvait se risquer à
passer pour un nouveau Dumouriez ou Pichegru. D’où l’attentive
préparation des 18 et 19 Brumaire, afin d’obtenir l’agrément d’une
partie des dirigeants : « La préparation du coup d’État , certes rapide,
ne fut pas aussi désinvolte que l’affirment ceux qui, depuis
Tocqueville, brocardent les « civils » et les « intellectuels » qui en
prirent l’initiative » (p.262). Ce souci formel de respect des règles
parlementaires présentait le danger d’étaler le changement de régime sur
deux jours.
Afin d’isoler les Conseils, l’hypothèse d’un complot fut
agitée, le Conseil des Anciens décidant le transfert du Corps
législatif à Saint-Cloud. A la différence du premier acte, le second
faillit mal tourner. Le décor est posé, de la difficile arrivée des
députés, au milieu de l’encombrement des voitures, jusqu’à
l’improvisation des salles de séances. Les débats multiplient les
retournements de situation. Les soutiens de Bonaparte aux Anciens se
dérobent, les Cinq-Cents jurent fidélité à la Constitution, que tous
prétendaient moribonde la veille. Comment juger de l’intervention
personnelle de Bonaparte aux Anciens ? Irruption qualifiée
d’intempestive, elle n’en était pas moins nécessaire, afin d’inverser le
rapport de force. Sorti sous les huées, il se précipite au Conseil des
Cinq-Cents, décidé à brusquer par la force le dénouement. Scène fameuse,
qui tourne au « vulgaire pugilat » (p.290). Le recours à l’armée, qui
cerne le château de Saint-Cloud, sauve la situation. Menacé d’être
déclaré hors la loi, Bonaparte cède à la confusion ; c’est Lucien qui
parvient à maintenir un semblant de légalité, en appelant la troupe à
intervenir contre les « factieux ». A dix-huit heures, spectateurs et
députés sont dispersés. « La farce est jouée », selon le mot de Réal.Un
nouveau chapitre de l’histoire nationale s’ouvre alors. Les valeurs
dominantes basculent de la vertu à la gloire, de la croyance envers la
toute-puissance de la volonté en un certain pessimisme sur les actions
humaines.
Lire la suite ci-après.
25/10 17:32 - Renaud Bouchard
Suite : La Révolution avait placé au cœur de son action des abstractions, le Peuple, la (...)
25/10 17:31 - Renaud Bouchard
@ETTORE Merci pour votre commentaire.Il arrive pourtant que les choses changent... Voyez ce (...)
25/10 15:39 - ETTORE
Renaud Bouchard Plusieurs parlementaires absents suscitent déjà un autre type (...)
25/10 15:18 - ETTORE
@Renaud Bouchard OUFF ! A un moment, je ne vous cache pas, que j’ai eu peur que vous ne (...)
25/10 14:47 - Renaud Bouchard
Aux lecteurs Aux Lecteurs. Nul doute que le titre comme le texte de cet article ont été lus (...)
25/10 14:40 - Renaud Bouchard
Aux Lecteurs. Nul doute que le titre comme le texte de cet article ont été lus. Nul doute (...)
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération