Suite :
La Révolution avait placé au cœur de son action des
abstractions, le Peuple, la Souveraineté nationale. Après Brumaire, la
France est habitée par un nom, Bonaparte. A rebours du dogme de la
souveraineté collective, admettant la seule représentation
parlementaire, une nouvelle figure de la légitimité est inaugurée. C’est
une forme personnelle de la représentation démocratique, que la
mystique républicaine allait associer jusqu’en 1958 à l’idée
d’usurpation.Patrice Gueniffey insiste pourtant sur la base
démocratique du régime consulaire : la nomination de Bonaparte a été
consacrée par référendum, confirmé en 1802, puis 1804 (p.847). La
confiance populaire, son lien avec le héros charismatique demeuraient le
ressort indispensable. Absent de la Constitution, le peuple conservait
le pouvoir de maintenir ou renverser le régime : « Sous ce régime
dépourvu de système électif, Bonaparte fut mieux élu et plus souvent
réélu qu’aucun de ses prédécesseurs sous les régimes représentatifs de
la Révolution. » L’opinion le fit roi, alors que le nouveau consul
s’engage à restaurer l’Etat, en consolidant le gouvernement,rétablissant l’ordre,réconciliant la société déchirée, au prix de la
suspension des libertés d’expression. La puissance publique n’admet
plus que des serviteurs, dans le mépris des partis. Trois mois après
Brumaire, Bonaparte emménage dans le palais des rois, au terme d’une
cérémonie toute militaire. Le matin même, il déclare à Bourrienne : «
Nous voilà donc aux Tuileries !... Maintenant il faut y
rester. »
Source :
Le 18 Brumaire marque bien le terme du « roman de la
Révolution ».Patrice GUENIFFEY, Le Dix-huit Brumaire. L’épilogue de la Révolution française, Gallimard, 2008.
Comptes rendus et chroniques », Napoleonica. La Revue,
2008/2 (N° 2), p. 137-154. DOI : 10.3917/napo.082.0008. URL :
https://www.cairn.info/revue-napoleonica-la-revue-2008-2-page-137.htm