@Jean Dugenêt
La loi martiale de l’opinion publique
L’opinion publique est la valeur absolue pour l’homme et la femme bourgeoise parce qu’ils savent qu’ils vivent dans un troupeau : un troupeau d’animaux effrayés, qui se tournera contre n’importe qui n’est reconnu comme sien. Ils frissonnent de peur quand ils se demandent ce que « les voisins » vont penser de la nouvelle coiffure de leur fils. Ils s’emploient à trouver des moyens pour paraître plus normal que leurs amis et collègues. Ils ne manqueront jamais de tourner leurs tuyaux d’arrosage le samedi ou de porter une robe appropriée pour les « vendredis décontractés » du bureau. Tout ce qui peut les faire glisser hors de leur routine est considéré comme suspect au mieux. L’Amour devient, potentiellement mortelle, comme le sont toutes les autres passions qui pourraient signifier l’expulsion du troupeau. Parquez-les en quarantaine, comme des affaires secrètes et autres dates adolescentes, dans des boîtes de nuit et clubs de rencontres - pour l’amour de Dieu, ne contaminez pas le reste d’entre nous. Devenez sauvage quand « votre » équipe de foot gagne un match, Saoulez-vous à mort dans l’oubli quand le week-end arrive, louez des films obscènes si vous voulez , mais ne vous avisez pas de chanter ou faire l’amour ici. En aucun cas, admettez des sentiments qui n’ont pas leurs places dans la salle du personnel ou au dîner mondain. N’admettez en aucun cas vouloir quelque chose de plus ou de différent de ce que « tout le monde » veut, quoi que ce soit et quel qu’il soit.
Et bien sûr, leurs enfants ont appris cela, aussi, même parmi les plus rebelles et radicaux des non-conformistes, les mêmes règles sont en place : ne mettez pas en doute votre place dans le groupe, n’utilisez pas de mauvais signes extérieur et ne souscrivez pas aux mauvais codes. Ne dansez pas quand vous êtes censé être tranquille, ne parlez pas quand vous êtes censé danser, n’oubliez pas vous êtes surveillé. Assurez-vous que vous avez assez de fric pour participer aux différents rituels. Pour garder votre identité intacte, identifiez-vous aux sous-cultures et styles, alignez vous à des bandes et des modes et à la politique qui en sont associées. Vous n’oseriez pas risquer votre identité, n’est-ce pas ? C’est votre seule protection contre une mort certaine aux mains de vos amis. Sans identité, sans frontières pour vous définir, vous devenez du vide, dans le néant . . . n’est-ce pas ?