@Francis, agnotologue
Bien vu.
La double pensée est une rupture avec le principe de
non-contradiction qui se traduit parfois par la formule : « en même
temps » et par la double injonction, le tout ayant pour objectif et pour résultat
de mettre en veilleuse tout esprit critique. Cette attitude s’appuie sur ce que
la psychanalyse appelle le clivage du moi. Dans 1984, l’individu maîtrisant la
double-pensée peut effacer de son esprit un élément de réalité — il persuade «
consciemment l’inconscient » — puis même oublier qu’il a procédé à un acte
d’autohypnose.
Réunir chez la même personne des propositions
contradictoires en les juxtaposant, sans créer de lien entre elles empêche tout
jugement sur les différents éléments de réalité en les indifférenciant
Le but n’est plus seulement d’imposer une certaine
représentation de la réalité comme le la propagande, mais d’empêcher la
possibilité même de pouvoir créer une représentation.
Illustration par Orwell :
« Winston laissa
tomber ses bras et remplit lentement d’air ses poumons. Son esprit s’échappa
vers le labyrinthe de la double-pensée. Connaître et ne pas connaître. En
pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges
soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors
qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique
contre la logique. Répudier la morale
alors qu’on se réclame d’elle. Croire en même temps que la démocratie est
impossible et que le Parti est gardien de la démocratie. Oublier tout ce qu’il
est nécessaire d’oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin,
pour l’oublier plus rapidement encore. Surtout, appliquer le même processus au
processus lui-même. Là était l’ultime subtilité. Persuader consciemment
l’inconscient, puis devenir ensuite inconscient de l’acte d’hypnose que l’on
vient de perpétrer. La compréhension même du mot « double pensée » impliquait
l’emploi de la double pensée. » — George Orwell, 1984, Première Partie,
Chapitre III
C’est à ça que servent tous les fariboles made in USA allant
du « wokisme » à la « scientologie » et au « créationnisme ».