Cher
Luc-Laurent,
Comme d’autres ici, j’apprécie la fougue candide
de vos point vues et reflexions, j’aime beaucoup cette phrase que je
fais mienne tout les jours :
« Tout comme les
poissons qui ne connaissent pas l’eau dans laquelle ils vivent,
nous ne voyons pas que nous baignons dans une logique perverse ».
Oui, mais qui trop embrasse mal
étreint. Le thème ici de l’échec scolaire est trop vaste, général
et complexe et pipé pour ne pas s’y noyer, y noyer le poisson !
donc finalement trop passionnel, encombré et subjectif.
Voyons juste votre proposition finale
jusque là peu commentée :
« Il s’agirait
d’imposer à l’école une obligation de résultat
et pas seulement de moyen comme s’est
actuellement le cas. Il s’agirait en somme d’abolir
l’échec scolaire. » lancez-vous.
Dangereux çà, non ? !
J’ai l’impression qu’il y a grave confusion dans la formulation et
inversion du sens de votre propre pensée :
Je crois que vous pensez plutôt à une
obligation de méthode, de méthode auto-différenciée selon
le commun d’un groupe d’enfants donné, auto-différenciable
selon leurs singularités.
Parce que d’évidence une
obligation générale ou même locale de résultat posée a priori (réussite) impose une axiomatique et une métrique, une évaluation
quantitative, en l’espèce au détriment d’une appréciation
qualitative du parcours pédagogique (= la méthode), serait donc un
retour aggravé à la norme, à la statistique, donc à la dictature
de la « note » encore et toujours plus
étouffante.
Appelons cela l’horreur d’une pédagogie pilotée sur
Excel !
On voit là, avec le duel
problématique qualité / quantité, méthode / résultat, qu’on
revient toujours à notion trompeuse de valeur, qui en
dernière analyse est toujours réduction quantitative de
l’inquantifiable, c’est à dire quantification abusive du qualitatif
pédagogique, c’est à dire in fine donner prise à l’imposture de l’argent,
de la valeur d’échange ! Du fétiche monétaire ! Tout
simplement !
Il n’y a pas d’autre valeur dans ce bas monde
techno-social !
Une obligation de résultat serait donc
mécaniquement une valorisation économique du parcourt évolutif de
l’enfant (et de l’éducateur par contre-coup), voir de l’enfant lui-même, qui en
termes crus, serait le réduire à son prix ! ou à son coût, à
une valeur monétaire.
Donc ce serait redonner tout son sens caché
au mot « réussite scolaire » comme « accumulation
primitive » d’un capital de valeur négociable sur les marchés post-scolaire du système marchand.
Autre chose : vous posez le
« jeu » (en maternelle mais pas que) comme terrain et
relation d’expérience axiologiquement neutre et indolore pour
l’enfant, c’est à dire non sanctionné par un critère de valeur
abstraite (jeu gagnant ou perdant). Oui, mais là vous êtes très ambigü !
Le jeu, c’est bien plus compliqué que cela ! Et la neutralité
que vous attribuez à l’ordinateur comme terrain de jeu impersonnel
indolore m’inquiète au plus haut point : car en abolissant la
valeur-jugement on y abolit aussi la sensorialité, la corporalité !
C’est à dire le rapport au réel !
On va pas développer çà
ici, je suis déjà trop bavard.