Du secret de la réussite scolaire à l’abolition de l’échec scolaire !
L’échec, s’il ne tue pas l’élève le rend-il plus fort ? Il y a quelques sérieuses raisons d’en douter ! Il est temps de songer à l’abolir, au moins dans le cadre scolaire, car le savoir-faire existe. Je l'ai rencontré. Le voici formulé.
La réussite scolaire n’est-elle pas l’objectif le plus désirable qui soit pour tous les acteurs du monde de l’éducation, de l’élève au ministre ? Qu’est-ce qui pourrait avoir davantage d’importance dès lors qu’elle est ce à quoi tous les efforts et toutes les compétences doivent concourir ?
Toutefois, nous savons bien que tout ne va pas pour le mieux dans notre meilleur des mondes scolaires. Il se pourrait que les choses soient plus compliquées qu’il n’y paraît. La persistance de l’échec scolaire que connaît une large part de la population — grosso modo un jeune sur cinq — comme l’échec systématique de toutes les tentatives de l’institution pour y remédier nous obligent à considérer la possibilité que nous ayons entretenu une vision simpliste de la réalité pédagogique. La réussite scolaire n'y a peut-être pas le statut qu’une approche naïve lui attribue. Elle n’est pas seule en haut de l’affiche. L’échec a lui aussi un rôle de premier plan.
Je suis venu à ce constat lorsque, il y a quelques années déjà, je me suis trouvé fortement sollicité en tant que psychologue scolaire par une enseignante de CP qui voyait bon nombre de ses élèves en grande difficulté et souhaitait mettre tout en œuvre pour les tirer de là. Elle était très énergique mais plutôt nerveuse, un peu comme si sa vie en dépendait. Tout en me trouvant bien aise, je l’avoue, que tous les enseignants ne soient pas comme elle — car je n’y aurais pas résisté — un tel niveau d’engagement professionnel me semblait et me semble toujours respectable, voire même admirable.
Mais un jour, alors qu’elle attirait mon attention sur un nouveau « cas » d’élève en difficulté, je l’ai entendue se plaindre qu’elle prenait la peine de faire tous les jours une dictée à cet élève et, qu’à chaque fois, il obtenait zéro. Elle s’en affligeait car, depuis le temps qu’elle s’y consacrait, elle ne voyait aucun progrès, ses efforts lui apparaissaient vains et elle se demandait ce qui n’allait pas avec cet élève.
Il pourrait sembler qu’il y avait là un constat banal comme on peut en entendre régulièrement dans le milieu scolaire mais la « monstruosité » de ce tableau m’a instantanément sauté aux yeux tant le contraste était grand entre les intentions parfaitement louables de cette enseignante et la cruauté épouvantable de sa tentative.
Comment pouvait-on infliger cela à un enfant innocent, jour après jour, semaine après semaine, peut-être mois après mois ? Echouer complètement, indéfiniment : qui peut résister à une telle violence psychologique, à un tel harcèlement ? Dans un contexte adulte, un tel scénario l’aurait assez vite menée en prison. Mais quand il s’agit d’un enfant nous trouvons cela normal. Nous ne voyons pas la violence des pratiques pédagogiques qui mettent en échec parce que nous les pensons utiles ou même nécessaires. C’est cette croyance qui est anormale.
Tout comme les poissons qui ne connaissent pas l’eau dans laquelle ils vivent, nous ne voyons pas que nous baignons dans une logique perverse et même assez folle que les Shadocks ont fort bien résumé avec l’idée qu’« en essayant continuellement on finit par réussir. Donc : plus ça rate et plus on a de chances que ça marche ! ».
Sans le savoir l’enseignante a appliqué consciencieusement ce principe et n’a vu aucun mal en soi à faire « rater » continuellement son élève. Heureusement, elle a eu la présence d’esprit de me questionner. Mais pour une enseignante avec une vive conscience professionnelle, combien se satisfont de marcher dans les ornières de l’Education Nationale sans se poser de questions ? Combien conservent dans leur inconscient pédagogique cette « division par zéro » que constitue le principe selon lequel « plus ça fait du mal, plus ça fait du bien » ?
Appréhendé sous cet angle presque incroyable, le statut de la réussite scolaire dans l’éducation en général, l’Education Nationale en particulier, pourrait bel et bien poser le problème le plus grave, le plus urgent et, sans doute faudrait-il ajouter, le plus accablant pour la dignité d’une espèce qui se prétend intelligente.
Nul ne peut en douter : tous les enseignants veulent la réussite de leurs élèves mais tout se passe comme s’ils la concevaient avant tout comme un (noble) but que l’on se donne dans l’espoir d’y amener le plus d’élèves possible tout en sachant d’emblée qu’il y aura beaucoup d’appelés et toujours trop peu d’élus. Les médiocres et les mauvais élèves seront légion. Il y a là une fatalité parfaitement identifiée qui s’appelle la « constante macabre », c’est-à-dire, un classement des élèves faisant systématiquement apparaître une bonne part d’entre eux comme étant en difficulté. Si tel n’était pas le cas, si l’évaluation donnait à voir des élèves rassemblés dans un peloton avec sensiblement le même niveau de réussite, celle-ci deviendrait immédiatement suspecte en laissant supposer une trop grande facilité et donc une incapacité à « classer » les élèves. Tout se passe comme si, afin de consacrer les meilleurs élèves, il était indispensable d’en sacrifier quelques-uns, les « mauvais ».
Quand la réussite est ainsi perçue comme un Graal qui vaut largement toutes les épreuves que l’on pourrait endurer pour l’atteindre, on s’imagine volontiers qu’il n’y a qu’à serrer les dents et un peu de courage pour continuer d’avancer... vers une réussite qui viendra en son temps. Quand on met zéro ou tout autre note misérable à un élève, c’est toujours pour la « bonne cause ». Cela semble même n’être que justice et équité pour les autres. N’ont-ils pas été notés avec les mêmes critères ? Où serait le mal dès lors que c’est pour son bien que l’on dit la vérité à l’élève ? Ses tourments ne sont-ils pas supposés l’« aiguillonner » ? Ne vont-ils pas le motiver dans ses apprentissages et se révéler formateurs ? Voilà à peu près à quoi ressemble le mythe fondateur de la non pensée éducative qui préside actuellement à la destinée de nos élèves.
Rien ne le résume mieux que cette blague de l’enfant qui demande à son père : « Dis Papa, c’est encore loin l’Amérique ? » et qui s’entend répondre : « Tais-toi et nage ! ». Il semblerait que, dans l’Education Nationale, la satisfaction, qui vient quand le but est atteint, puisse pareillement être différée à volonté, au moins jusqu’au terme de l’exercice, durant lequel il faudrait supporter ET l’effort sans répit ET l’incertitude sans nom — car pour l’élève rien ne garantit que la réussite sera au bout de ses efforts. C’est précisément cela une épreuve.
L’incroyable tolérance des adultes à la misère psychologique qu’engendre la difficulté ou l’échec scolaire chez nos chères têtes blondes, brunes, noires ou rousses, est ainsi basée sur une méprise tragique consistant à voir la réussite scolaire seulement comme un but à atteindre en négligeant complètement le fait qu’elle peut aussi être non pas seulement un mais LE moyen d’amener... la réussite scolaire.
Se cantonner à la seule idée d’un but distant est proprement délétère car entretemps l’échec conserve son statut de moyen. Cela peut avoir des effets ravageurs sur le positionnement de l’élève dans le cadre scolaire car il a vitalement besoin de réussite « ici et maintenant » afin persévérer dans l’effort. La réussite est l’aliment de ce dernier, c’est pourquoi, ainsi qu’il est bien connu, la réussite dynamise. C’est presque une banalité de le rappeler car tout le monde en est plus ou moins conscient mais la réussite fait entrer dans un cercle vertueux : plus nous avons de réussites, plus nous sommes confiants, engagés et donc enclins à réussir nos challenges à venir. Nous faisons alors de la réussite une habitude.
Quand celle-ci est bien installée, c’est-à-dire, expérimentée au point d’être experte dans un domaine particulier, nous l’appelons une compétence. Or, quand nous comprenons ce que signifie d’avoir acquis une compétence, nous brûlons d’impatience pour nous en servir puis pour en acquérir d’autres et même un maximum car tout être aspire à augmenter son pouvoir d’agir sur le monde. Aucun élève, même complètement rincé par le système, ne perd cela de vue. Comme une plante desséchée ou un escargot qui survit dans le désert de la réussite, l’élève revient à la vie avec le plus minuscule succès qu’il se voit attribuer.
Mettre un élève en réussite c’est l’inscrire dans un cercle vertueux exactement comme, à l’inverse, l’échec inscrit dans un cercle vicieux. Dans les deux cas, il s’agit toujours du cycle ô combien banal de l’habitude qui, dans un cas, engendre l’épanouissement de l’élève alors que, dans l’autre, c’est le découragement, la dépression, la phobie ou pire.
Nous découvrons ici ce cercle aux deux visages que Thomas Merton, sociologue, spécialiste des prophéties auto-réalisatrices, a appelé l’effet Mathieu ainsi nommé car tiré de l’Evangile éponyme qui stipule qu’« on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas on ôtera même ce qu'il a » (Mat. 25:29).
En contexte éducatif ceci signifie que celui qui a de la réussite en aura toujours davantage alors que celui qui est en échec ne verra même pas ses petites réussites reconnues. Le stéréotype de l’échec qui lui colle à la peau rendra ces dernières invisibles.
On peut affirmer, en y mettant, bien sûr, toutes les nuances utiles, que telle est bien la situation faite aux élèves dans le système scolaire. La chose est d’autant plus assurée qu’elle se vérifie déjà dans le système familial. En effet, il a été constaté que ce sont les enfants qui ont réussi avec leurs parents — en cela qu’ils se sentent protégés, ils leur font confiance, ils ressentent de l’amour, etc. — qui savent prendre le risque de s’éloigner de ces derniers afin d’explorer un monde qui leur promet toutes les réussites qu’ils désirent. Ces enfants veulent grandir et vont à l’école avec allant. A l’inverse, ceux qu’à la rentrée scolaire on voit pleurant, criant, bavant, trop attachés à leurs parents pour s’en séparer, sont depuis longtemps en échec. Ils se comportent ainsi car ils n’ont pas obtenu l’attention et la sécurité souhaitées de la part de leurs parents. Ils vont à l’école à reculons.
Comme chacun s’improvise parent sans y avoir été formé, c’est à l’école — à ces professionnels que sont les enseignants — de changer la donne éducative en éradiquant le cercle vicieux de l’échec par la mise en réussite immédiate et continuelle de l’élève, de manière à l’installer dans le cercle vertueux de la réussite.
L’école maternelle a longtemps très bien réussi ce challenge, grâce à la place importante qu’y tient normalement le jeu. Il s’agit, en effet, d’une des rares activités scolaires qui garantissent sinon la réussite du moins l’absence d’échec puisque, par définition, les jeux ne sont pas évalués. A l’opposé des situations pédagogiques qui, traditionnellement, pèchent par le caporalisme tatillon de l’adulte, les jeux favorisent le sentiment de réussite notamment dans la dimension du contrôle et/ou du sentiment d’agence puisque, par exemple avec la pâte à modeler, l’élève perçoit immédiatement le résultat des actions dont il a pris l’initiative et il peut de suite s’en attribuer tout le mérite. En jouant un élève peut, bien sûr, connaître des moments de frustrations mais, dès lors que l’adulte ne vient pas sanctionner par un jugement l’inaboutissement des objectifs qu’il s’était fixé, cette situation est grosso modo indolore. Elle n’entame pas son envie d’en découdre avec la « réalité » parfaitement sécurisante du jeu ; il reste tout disposé à relever les challenges qui se présentent et, cela, d’abord, parce que c’est lui-même qui les a choisis. Notons qu’il en va de même pour les apprentissages réalisés sur un ordinateur : celui-ci signale infailliblement toute erreur mais comme il n’est personne, son jugement n’est qu’une information indolore, elle ne sanctionne pas, il n’y a pas faute, de sorte que l’élève conserve intacts son énergie et son engagement.
Malheureusement l’école maternelle d’antan disparaît pour laisser la place à une école étouffant sous la pression de pratiques managériales imbéciles qui demandent du résultat chiffré et, donc, des évaluations quantitatives à tous les niveaux ou presque. L’échec scolaire est alors d’autant plus patent qu’il est engendré par ces pratiques.
Il y a là quelque chose d’intolérable parce que nous savons depuis longtemps comment faire réussir un enfant. Les « pédagogies nouvelles » sont centenaires ! Mais, allez savoir pourquoi — n’en déplaise au sieur Brighelli — elles restent terriblement « nouvelles » dans l’Education Nationale alors qu’avec la méthode Montessori en particulier, elles excellent à mettre non seulement l’élève mais tous les élèves en réussite.
C’est cela que l’Education Nationale ne parvient pas à réaliser alors que, il faut y insister, le savoir faire réussir un élève et donc tout élève existe, au sein même de l’institution. Mais il s’agit d’un des secrets les mieux gardés du monde car il est caché en pleine vue. Il se trouve directement sous le regard de ceux qui font profession de ne pas le voir et de ne vouloir rien en savoir : j’ai nommé les ci-devant enseignants, adossés à toute la hiérarchie, des inspecteurs jusqu’aux ministres.
Ceux qui, dans l’école, détiennent ce secret sont ceux qu’on appelle encore les maîtres G et E. Ce sont les enseignants spécialisés que l’on sollicite pour aider les élèves en difficultés persistantes. Pour donner une image facilitatrice, on pourrait considérer l’école comme un chemin qui traverse la grande forêt des mystères du monde et mène vers l’état d’adulte. Le maître G travaille avec les enfants qui l’ont perdu ou ne l’ont pas encore trouvé de sorte qu’ils sont égarés dans la forêt et ne sont donc pas élèves. Il les ramène vers le chemin en leur (re)donnant le désir d’apprendre, le plaisir d’accomplir leur métier d’élève et, donc, l’envie de se tenir debout sur le chemin de l’école. Le maître E travaille avec ceux qui sont sur ce chemin mais n’avancent pas, ou trop lentement, car ils peinent à surmonter les obstacles placés dessus par leur enseignant afin, justement, de les amener à réaliser des apprentissages, en dépassant ces difficultés.
Toute la perversion du système scolaire et tout l’art de (re)mettre l’élève en réussite tournent autour de ces difficultés. Comme il n’est pas ici possible de développer cet aspect disons, pour faire simple, que l’école fonctionnant comme une usine avec des normes imposées par les programmes scolaires afin de produire de « bons petits soldats » [1], les enseignants proposent à leurs élèves des difficultés standards ou « normales » autant qu’on voudra au sens où elles correspondent à ce qu’une bonne majorité des élèves sont censés réussir au stade « normé » — CP, CE1, CE2, etc. — où ils se trouvent. Ceux qui ne réussissent pas sont le rebut de ce système industriel, ce sont les « mauvais élèves », en « difficultés persistantes ». Idéalement, dans une perspective fordiste qui s’assume, ils devraient être mis à l’écart plutôt que maintenus dans un système qu’ils perturbent et empêchent d’atteindre à l’idéal façon Gattaca.
C’est cette situation « industrielle », normée, qui engendre le besoin irrépressible chez la plupart des enseignants de « ne voir qu’une seule tête ». C’est ce qu’ils disent à chaque fois : « vous comprenez, j’ai vingt-sept élèves, je n’ai pas le temps de faire un cas avec lui ».
Le caractère massif de l’échec scolaire dans l’Education Nationale vient de là et de nulle part ailleurs : l’exposition des élèves à des difficultés « standards » non ajustées à leurs compétences. Et la technique de remédiation employées par les maîtres G et E ou le grand secret que les enseignants s’attachent à ne pas voir car ils en pressentent le coup exorbitant en temps de préparation consiste simplement à :
- Identifier les compétences de l’élève, ce qu’il sait faire afin de partir de là.
- Proposer ensuite de réaliser quelque chose qu’il sait faire = le remettre en réussite = le remobiliser = le rendre disponible pour affronter de nouvelles difficultés.
- Lui proposer quelque chose juste un cran au-dessus de ce qu’il sait faire et qu’il a donc toutes chances de réussir, etc.
Il s’agit d’aller en somme de la réussite précédente de l’enfant vers une nouvelle réussite exactement comme lorsque bébé se met debout (réussite initiale) puis fait un pas (nouvelle réussite). Ce dernier consistant en un bref temps de déséquilibre auquel il faut accepter de se risquer pour avancer. De ce point de vue, l’erreur tragique du monde de l’éducation consiste à penser que la réussite scolaire est comme une victoire que l’élève fait sienne au terme d’une longue série d’épreuves, après avoir essuyé des échecs supposément formateurs mais foncièrement paralysants. Or, le fait est qu’un parcours scolaire réussi est vraiment comme une marche à pied : une succession volontaire de déséquilibres rattrapés qui font avancer. Du premier pas au dernier, l’objectif est que chacun soit une réussite. Tomber ne fait pas avancer. Tomber est un échec que l’on doit éviter autant que possible. Lorsque les enseignants auront compris cela, il n’y aura plus d’échec scolaire. La question est donc de savoir pourquoi ne le comprennent-ils pas ?
La clef du désastre actuel tient à la granularité « normée » des obstacles « didactiques » placés sur le chemin de l’élève. Les enseignants croient bien faire en proposant des difficultés « standards » qui conviennent seulement au gros de la troupe. Les élèves précoces et ceux en retard d’acquisition vont avoir des problèmes. Les premiers s’ennuient, les derniers bloquent.
La solution officielle à ce problème a pour nom « différenciation pédagogique ». Le problème est qu’il n’y a pas et, à ma connaissance, il n’y a jamais eu de formation initiale sérieuse sous ce rapport de sorte que la plupart des enseignants s’en tiennent tout naturellement à l’attitude « normative » et renâclent dès qu’on leur demande d’adapter leur pratique aux compétences modestes de tel ou tel élève. Cette propension est telle que les AESH [2] sont généralement assimilés à des sortes de « patch » de normalité qui dispenseraient les enseignants d’une quelconque adaptation de leur pédagogie au handicap des élèves concernés. L’élève handicapé est alors superbement « invisibilisé ».
Les maîtres G et E bénéficient normalement d’une formation qui les rend capables d’une analyse fine des compétences des élèves ET qui les met en donc en capacité de proposer à ces derniers des activités qu’ils vont pouvoir réussir. Ils les redynamisent, leur font acquérir quelques compétences clés et ils accompagnent leur retour en classe en s’assurant que l’enseignant est « aware » quant à la nécessité d’avoir une pédagogie adaptée, c’est-à-dire, différenciée de manière à satisfaire les besoins éducatifs particuliers de l’élève. C’est rien de dire que c’est pas gagné. Mais disons que le principe est là. Encore une fois, il est supposé être connu et la question est de savoir pourquoi non seulement il n’est pas généralisé mais pourquoi, de plus, il est sur le point d’être proprement effacé, les RASED actuels n’étant plus, pour la plupart, que des structures zombies ou éclatées tant la population des enseignants spécialisées a été décimées, l’Outremer offrant une notable exception ?
Je laisse cette question ouverte. Je me contenterai d’observer que la disparition programmée des RASED ne s’est nullement accompagnée d’un approfondissement de la formation initiale des enseignants de sorte que les compétences spécialisées des premiers vont tomber dans l’oubli [3]et plus personne dans l’école ne sera capable de réguler les difficultés « persistantes » des élèves. Celles-ci seront de plus en plus externalisées vers le médical qui, depuis deux ou trois décennies, se fait un plaisir de les transformer en « troubles » divers et autres qui lui permettent d’étendre son emprise grandissante sur l’éducatif.
La libéralisation de ce secteur actuellement prônée par nos élites, gouvernementales ou autres, ne fera qu’aggraver la tendance « normative » et dé-individualisante. On voudra toujours plus de résultat et les enseignants seront encore moins disponibles pour des pratiques différenciées de la pédagogie.
Pour résister à ce scénario cousu de fil blanc, je ne vois qu’une alternative. Elle est logique mais je ne sais pas si elle est réaliste. Il s’agirait d’imposer à l’école une obligation de résultat et pas seulement de moyen comme s’est actuellement le cas. Il s’agirait en somme d’abolir l’échec scolaire en rendant obligatoire la stratégie consistant à partir des réussites de l’élève pour l’amener de manière finement graduée à de nouvelles réussites et ainsi de suite à l’infini, car le processus est « no limit ». Il demande juste un savoir-faire et du temps. Ce sera peut-être plus coûteux sur le papier mais s’il n’y avait plus d’échec scolaire, ce serait une formidable économie de souffrances et nos enfants le valent bien. Le « quoi qu’il en coûte » ne doit pas être réservé aux seuls groupes pharmaceutiques.
L’Education Nationale a (encore) les moyens de réussir. Il est temps qu’elle s’en saisisse en faisant de la réussite un moyen et non une fin. Autrement dit, chaque heure, chaque jour, chaque année, la réussite doit être dans le premier pas de l’élève, pas le dernier.
[1] Destinés, comme chacun sait, aux boucheries organisées par l’élite mondiale à l’occasion de guerres qui ne le sont pas moins ou, accessoirement, aux entreprises en guerre économique et nécessitant pour ce faire un personnel formaté, discipliné et docile.
[2] Accompagnants d'Elèves en Situation de Handicap
[3] Malheureusement, avec les évolutions récentes qui amènent à la fourniture de ces compétences en vrac, ils semblent que les impétrants soient de moins en moins capables de remettre les élèves en réussite, que ce soit au plan des apprentissages ou du comportement. Ils se trouvent alors souvent en échec et migrent d’un poste à l’autre en illustrant magnifiquement le principe de Peter : chacun s’élève jusqu’à son plus haut niveau d’incompétence.
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