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Commentaire de Jean-Luc Picard-Bachelerie

sur Discours de Macron nous invitant sans coercition à la sobriété


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Jean-Luc Picard-Bachelerie 8 octobre 2022 20:05

@Soucougnan
Puisque vous y tenez.

Quand on est libéral, contrairement à ce que vous croyez, cela ne concerne pas toutes les libertés individuelles lorsque le libéralisme est couplé au capitalisme. Pourquoi ? Parce que le capitalisme est une course au profit qui met les gens et les entreprises en concurrence. Par définition, cela donne des gagnants et des perdants. Les perdants aujourd’hui sont confrontés à des prix élevés de l’énergie. Macron nous demande la sobriété sans coercition. OK. Mais croyez-vous qu’une personne qui ne boucle pas ses fins de mois a le choix et donc la liberté de se chauffer ? Il n’a pas le choix. Le capitalisme forme des classes de dominants libres et de dominés contraints. Notez que je n’ai rien contre le libéralisme lorsqu’il est bordé. Or, le capitalisme permet de faire de l’argent avec n’importe quoi. D’où l’état de notre monde.

Le principe du capitalisme est de faire croître le PIB. Pour cela, il ne peut pas se contenter de vendre des objets qui durent sur plusieurs générations. D’où l’obsolescence programmée et les multiples gadgets inutiles dont on a l’impression qu’ils nous sont fort utiles. Vous n’êtes pas sans savoir que la publicité existe et qu’elle emploie tous les moyens pour nous conduire à l’achat. Intéressez-vous à Bernays, l’inventeur de la propagande et comment il a fait pour que les Américaines se mettent à fumer en croyant que leur mouvement était féministe. Comment Edward Bernays a fait fumer les femmes ?

Vous dites : « Sur cette planète en effet, mais comme M. Musk vous le montre avec brio, le marché est parfaitement capable de susciter des solutions pour se soustraire à cette limitation et aller chercher au-delà de notre Terre les ressources qui pourraient nous manquer. Car s’il y a bien une chose dont les humains ne manqueront jamais c’est d’imagination. »

Franchement, restons sérieux. On prend commande 10 ans avant pour avoir sa livraison de charbon. Et à quel prix ? Et même si cela était possible, croyez-vous que tout le monde y aurait droit ?

Et lorsque vous voyez le monde s’écrouler, vous voyez une source de richesse qui va entraîner imagination et solutions de profit. Quand vous dites qu’il y a une solution à tout y compris à la pollution, vous n’avez pas compris que le système capitaliste actuel est incapable de mettre fin à ce problème qui tue l’eau, la terre et l’air. Combien de fausses solutions qui ont généré un maximum de profits ont été mises sur le marché sous le prétexte écologique ? Oui, dans le système actuel il y aura toujours des profiteurs comme on les a vus à l’oeuvre lors de la crise sanitaire, et comme on le voit avec la guerre. Le prix du baril de pétrole est celui de 2014. Dans les stations essence, ça n’est pas exactement cela. Évolution du prix du pétrole


Concernant le modèle économique actuel que vous défendez qui est le système néolibéral, voici un rapide historique. À partir de la fin du XIXe siècle, le modèle capitaliste libéral a montré ses limites en enchaînant des crises financières graves jusqu’à celle de 1929. Des gens, dont un certain Walter Lippmann, ont commencé à se dire qu’il fallait réformer le libéralisme, car ça ne fonctionnait pas bien. La faute, il l’a mise sur le dos des gens. Les marchés étaient devenus trop complexes pour que les gens aient le comportement adapté qui n’enraye pas le système. Il en a conçu un État qui devait intervenir sur les marchés, mais pas à la manière du keynésianisme (l’État qui nationalise et crée des emplois). La manière dont l’État doit intervenir pour rendre le marché « libre et non faussé », c’est évidemment de faire les réformes lorsque c’est nécessaire, mais aussi d’éduquer les gens. Et cela se fait à l’insu des gens par le biais de nombreux stratagèmes qui agissent sur le cerveau lui-même. Cela s’appelle le nudge. Pour mettre au point ces stratagèmes, il faut un gouvernement invisible (les cabinets d’experts en psychologie comportementale – Mc Kinsey par exemple) qui fabrique le consentement. L’échec du néolibéralisme pur jus, c’est que tout doit se passer en douceur. En cela, l’autoritarisme de Macron est un échec au regard du néolibéralisme. Dans ce projet néolibéral, la souveraineté est retirée au peuple pour être confiée au gouvernement. Le peuple se contentera d’élire ses représentants et tout sera fait pour qu’il participe de moins en moins puisqu’il est ignorant. Et pour qu’il consente sans s’en apercevoir, on lui fait croire qu’il est libre en multipliant les situations dans lesquelles il a à choisir (tout est bon même les cookies), ce faisant il exerce à longueur de journée sa liberté de choisir ce qui l’anesthésie totalement. Par ailleurs on le conduit à accepter le principe de la méritocratie, de la mise en concurrence avec ses semblables, on le responsabilise sur des actes qui exonèrent l’État de prendre ses responsabilités (les fameux petits gestes pour le Covid, maintenant pour la température), on le désolidarise avec des cotisations à points, et on l’individualise totalement en le faisant un individu ubérisé entrepreneur de lui-même.

Moi j’appelle cela un complot, mais les néolibéraux nous disent que c’est la solution pour que tout baigne dans l’huile. Le problème est qu’on a de plus en plus de pauvres, que les classes moyennes tendent à disparaître pour donner bientôt un classisme en 2 camps : 1 % d’un côté et 99 % de l’autre, ces derniers subissant la liberté du marché et des 1 %. Le problème du capitalisme (le néolibéralisme est toujours farouchement capitaliste) c’est qu’il part du principe que les populations doivent s’adapter à un monde qui défie l’ordre naturel, c’est-à-dire l’environnement, les autres formes de vie sur terre et le lien social base d’une démocratie vivante.

C’est très vite dit, mais vous pouvez vérifier si vous voulez vous donner la peine. Un lien pour une conférence de Barbara Stiegler vous mettra sur la voie.


Je n’ai pas ma solution, mais le bon sens veut que le nouveau système doive être adapté aux besoins de l’humain (et non l’inverse) limités par les possibilités qu’offre la planète et non les autres planètes. Cela veut dire une économie des communs, sociale, culturelle et dans un régime de démocratie réelle.


Cela veut dire :

- une impossibilité de faire des profits avec des ressources naturelles, celles-ci étant contrôlées par le commun.

- une propriété privée limitée à celle de l’usage avec la responsabilité de rendre son patrimoine naturel dans un état enrichi naturellement.

- La démocratie à tous les niveaux du pays : national, régional, communal, quartier, entreprise, éducatif

- une planification de la production / consommation et de la réparation écologique

- une liberté d’entreprendre dans le cadre de la planification


Quant à l’hypothèse de la destruction du vivant, je préfère ne pas la vérifier bien qu’elle soit largement entamée : 80 % des espèces ont disparu depuis que l’humain sévit sur cette terre. L’effondrement est malheureusement commencé depuis plusieurs années : 6 des 9 limites planétaires ont été dépassées. Nous sommes désormais livrés aux enchaînements des catastrophes.


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