@Gollum
Pfff… Il y aurait tellement
de choses à dire… C’est toute l’éducation biblique qui est à reprendre à zéro à
ce niveau… Vous en restez à la surface, au niveau de lecture le plus immédiat
et le plus littéral, et comme d’habitude vous isolez des versets de l’Écriture
et vous les absolutisez, ce qu’il ne faut jamais faire (c’est la méthode de
Satan pour faire tomber Jésus lors des tentations au désert). Il faut avoir une
vision globale de l’Écriture, car le moindre verset doit se lire à la lumière
de tout le reste.
Bien sûr que les œuvres comptent ! « La foi sans les œuvres est morte » (Jc 2, 26). Mais la
réciproque est vraie : les œuvres à elles seules, isolées de la foi, ne
suffisent absolument pas à assurer le salut, bien au contraire, ça c’est la
vision spontanée de l’homme naturel qui veut faire son salut par ses propres
forces. Et c’est ce que Jésus reproche aux pharisiens, bien plus qu’une éventuelle
duplicité, vous en restez au niveau le plus superficiel. Je cite Jacques Ellul
dans Le Vouloir et le Faire, p. 238 :
« Plus la morale édifiée par l’homme
sera proche de la volonté de Dieu, plus elle est suspecte, plus elle est preuve
de l’absence d’amour de la part de cet homme, plus elle sera attaquée durement
par Dieu. C’est pourquoi nous assistons dans l’Évangile à cette attaque si dure
de Jésus-Christ contre les Scribes et les Pharisiens. N’oublions jamais qu’ils
n’étaient pas des « hypocrites »... au sens simpliste que nous
entendons aujourd’hui. Ils étaient des hommes sérieux, soucieux de la
connaissance et de l’application de la loi, cherchant vraiment à accomplir le
mieux possible ce qui avait été révélé aux Pères, et de ce fait à se mettre en
règle avec Dieu. Ils étaient de très authentiques hommes de bien. Or, dans leur
intention et leur souci de vivre selon la loi, il y avait bien sûr une vérité,
mais leur volonté d’être en règle avec Dieu et par conséquent de ne rien lui
demander, comme mendiants, et de ne rien lui devoir, là était le mal radical de
leur vie. Et de ce fait, parce qu’ils accomplissaient la loi
de Dieu pour ne rien devoir à Dieu, alors Jésus-Christ les
condamne beaucoup plus durement, et accueille au contraire ceux qui n’avaient
pas la prétention d’accomplir la loi, les païens, les prostituées... ceux
justement qui sont immoraux. »
On ne saurait mieux dire !
La morale est la prétention de
l’homme d’accomplir par lui-même ce qui est bien. C’est la tendance spontanée
et universelle de l’homme (il n’y a qu’à voir sur ce site). Or ceci est en
contradiction complète avec la Bible qui soutient que personne ne peut
réaliser le bien par lui-même, et se passer ainsi de la grâce de
Dieu. Je cite Ellul, Le Vouloir et le Faire, p. 50 : «
Il fallait que le Fils de Dieu accomplisse lui-même la
plénitude de ce bien. Car l’homme ne peut jamais y arriver. L’enseignement
biblique est clair est cruel. « Il n’en est aucun qui fasse le bien. »
Je cite le psaume 14 : « Des cieux Yahvé se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un
de sensé, un qui cherche Dieu. Tous ils sont dévoyés, ensemble pervertis. Non,
personne n’agit bien, non, pas un seul. »
Je cite Romains 3, 22 : «
Il n’y a pas de différence : tous ont péché et sont privés de la gloire de
Dieu – et ils sont justifiés par la faveur de sa grâce en vertu de la
rédemption accomplie dans le Christ Jésus. »
Sur l’insuffisance radicale des œuvres, de la
morale, je cite Romains 4, 2 : «
Si Abraham était
devenu un homme juste par la pratique des œuvres, il aurait pu en tirer fierté,
mais pas devant Dieu. Or, que dit l’Écriture ? Abraham eut foi en
Dieu, et il lui fut accordé d’être juste. Si quelqu’un accomplit un
travail, son salaire ne lui est pas accordé comme un don gratuit, mais comme un
dû. Au contraire, si quelqu’un, sans rien accomplir, a foi en Celui qui rend
juste l’homme impie, il lui est accordé d’être juste par sa foi. C’est ainsi
que le psaume de David proclame heureux l’homme à qui Dieu accorde d’être
juste, indépendamment de la pratique des œuvres. »
Voir aussi la parabole du serviteur inutile, Luc
17, 10 : « De même vous aussi, quand vous aurez exécuté tout
ce qui vous a été ordonné, dites : Nous sommes de simples serviteurs : nous
n’avons fait que notre devoir. »
Sur le fait que ce n’est pas en raison de sa « justice »
que la peuple d’Israël a été choisi, je cite Deutéronome 9, 4 : « Lorsque
le Seigneur ton Dieu les aura chassés devant toi, ne dis pas en ton cœur : «
C’est à cause de ma justice que le Seigneur m’a fait entrer dans ce pays pour
en prendre possession. » Car c’est à cause de la méchanceté de ces nations, que
le Seigneur les dépossède devant toi. Ce
n’est pas en raison de ta justice ni à cause de la droiture de ton cœur que tu
entreras dans leur pays pour en prendre possession ; c’est en raison de leur
méchanceté que le Seigneur ton Dieu dépossède ces nations devant toi, et pour
tenir la parole qu’il a jurée à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob. »
Etc., etc. La Bible est limpide sur l’inutilité
complète de la morale à elle seule. Bien sûr, c’est dur à accepter si on se
place au niveau des morales ascétiques grecques ou indiennes qui prétendent que
l’homme, par ses propres forces, peut accéder au séjour des Bienheureux. Et c’est
ce qui explique votre crispation sur ce point, et celle de L.-L. Salvador, qui
est au fond sur le même paradigme que vous. On touche là quelque chose d’essentiel,
à savoir l’estime de soi-même, la foi en l’auto-suffisance de l’homme. Je cite
Ellul, La Subversion du christianisme, p. 244 : « La
grâce. Vous croyez que c’est agréable ? Apprendre ainsi que l’on est
gracié. C’est-à-dire que cela ne dépend pas de moi, que je n’y peux
rien. « Cela ne dépend ni de celui qui veut ni de celui qui court… »
La grâce est odieuse pour l’homme. Il n’a aucun plaisir à se savoir comme un
condamné par nature à qui un bon prince vient généreusement accorder la vie,
comme ça, sans raison apparente, sans motivation réaliste que nous pourrions
comprendre. »
Ellul touche juste, et c’est
là la vraie motivation des morales ascétiques, bien plus que celle exposée par
Nietzsche dans La Généalogie de la morale : l’homme
veut être responsable de son salut, il y tient mordicus. C’est là la
justification des morales ascétiques dont vous êtes le promoteur (à défaut d’en
être pratiquant je suppose), c’est là la cause de l’incompréhension foncière du
message biblique, chez vous comme chez L.-L. Salvador.