Pérséphone (qui tue la voix) :
Dieu appelle Moïse et ce dernier immédiatement bifurque. Oui, je le sens : souvent notre chemin ainsi se déroute. Une voix, en nous, ou là-bas au loin, nous appelle, nous intime de nous approcher. Alors, d’abandonnés que nous crûmes être, de malheureux que nous nous sentions, ou de simplement englués dans la morne répétition de nos affaires ; d’empêtrés en ce monde saturé de bruits et de clameurs, subitement nous puisons en cet écho qui ressemble tellement à un mirage, du courage, oui, parfois, celui de nous éloigner pour sacrifier enfin à cette autonomie qui demeure notre unique respiration. L’espace d’une angoisse, nous réalisons que par paresse ou peur, nous nous étions seulement lovés dans les emmitouflures des autres et efforcé de croire que leurs rêves étaient les nôtres.
Il nous faudra bien, à notre tour, nous dérouter, anxieux de trouver sur l’autre rive ce que nous avons désappris d’entendre. Je sais ce que cette course éperdue a d’erratique ; de nécessaire pourtant. Toujours. Nous courrons, impatients de nouveautés, ivres d’aventures : reste cette voix, ce chant, ce rythme que sais-je, qui nous pétrit et nous étreint.
Cette voix, ce chant, ce cri qui nous fait hurler sitôt que nous cessons de l’entendre.
A l’aube de tout commencement, cette prosodie si régulièrement scandée : je ne détesterais pas que mes rêves et mes craintes, mes espérances et désolations eussent l’intonation de la première palpitation perçue : le cœur d’une mère. Revenir sur ses pas, réécrire l’histoire, retrouver cette croisée qui fut fatale, que l’on aurait pu éviter avec si peu de prudence. A l’instar d’Orphée qui le rata ou de Perséphone qui le réussit à moitié, qui n’en rêva ?
Impossible ? je ne sais ! inutile, assurément. Précieuse pour cette raison même. Cette voix inexorablement monte qui nous rappelle à nous-mêmes et finalement nous libère ... Réapprendre à l’écouter, simplement.
Cette voix simplement … qui nous rappelle à la vie.