L’Humain
- moi, toi, lui, nous – est vraiment un drôle d’animal. Une sale
bête…
Il
fait chaud. Très chaud. A las cinco de la tarde…
Les
vieux gradins de pierres blondes des arènes de Nîmes sont garnis
jusqu’au sommet d’une foule aux couleurs excessives. Sous un
soleil excessif. Pour trembler, hurler, s’enthousiasmer, applaudir,
haïr de manière excessive devant un spectacle excessif.
Un
rituel ancestral codifiant le combat de l’homme et du dieu Mithra.
La
corrida.
Transcendée
ou honnie.
A
las cinco de la tarde…
Symboliquement,
c’est le combat de l’homme et de la femme. Combat toujours perdu
par l’homme.
L’homme,
ici, c’est le toro, sa puissance brute, son courage insensé, ses
charges désordonnée. La beauté de la force.
La
femme, c’est le torero. Léger, aérien, si féminin dans son
allure et ses attitudes. Opposant à la force l’intelligence,
l’esquive, le leurre. La beauté.
Au
centre du cirque, sous dix mille paires d’yeux, il y a un homme.
Une
« danseuse » dit Cabrel qui n’a manifestement jamais vu
l’œil d’un toro de près. Et un monstre mythique. Six cents
kilos de force brute, de bravoure, de volonté de détruire tout ce
qui s’oppose à lui.
Des
deux, un seul sortira vivant. Et ce sera, presque toujours, l’homme.
L’animal n’a jamais sa chance. C’est vrai. Combat inégal,
certes, mais où l’homme risque toujours sa vie. Où son existence
est suspendue à une erreur, une inattention. Où il frôle
constamment la cogida, la blessure, le désastre, la mort.
On
est là. Assis. Pétrifié par une attention insupportable. Tous nos
sens tendus vers le ballet de mort qui se déroule à quelques
dizaines de mètres.
Ambigüité
de l’homme : on tremble pour le torero mais on sent pourtant
monter, malgré tous les barrages de la civilisation, depuis les
tréfonds cachés de notre personnalité, l’angoisse mais aussi
quelque chose de moche, de sale : l’espoir honteux de la
victoire du toro, de la défaite et du massacre de l’homme. Le
dompteur mangé par le lion…
La
corrida, c’est du sang, de la peur, de la violence.
C’est
la mort toujours présente. Fascinante et répugnante. Appelée et
rejetée.
La
corrida, c’est beau et obscène. Grandiose et pervers.
Comme
la vie. Comme la mort.
Picasso
disait : « Un bon dimanche, c’est le matin à la
messe, l’après-midi à la corrida, le soir au bordel ! ».
Je
suis aussi sanguinaire que Picasso : j’aime la corrida.
Je
suis aussi nul que Montherlant : j’aime la corrida.
Je
suis aussi débile qu’Hemingway : j’aime la corrida.
Je
suis aussi crétin que Cocteau : j’aime la corrida.Je suis
aussi con que la majorité des habitants natifs de la Méditerranée,
de Fréjus à Perpignan : j’aime la corrida.
Et
alors ?