@Mervis Nocteau
Cher
Monsieur,
Merci
pour votre commentaire, qui donne à réfléchir.
En
retour, voici quelques remarques.
- Les « notions
anachroniques » de « mode » et « totalitarisme ».
La « mode » n’est pas un concept clé de mon analyse, je pense
que vous l’aviez vu. J’ai seulement écrit qu’un certain marxisme était démodé.
Est-ce si idiot ? La dictature du prolétariat est-elle encore un concept
politique puissant aujourd’hui ? Quant au « totalitarisme »,
je vous accorde que l’idée est anachronique. Le totalitarisme est une notion de
politique moderne, née au XXème siècle. J’ai utilisé le mot au sens large, en
citant l’historien Michel Rouche. Il voulait seulement dire qu’en régime arien
les pouvoirs spirituel et temporel tendaient à se confondre.
- Les « rois
thaumaturges » participaient du sacré, vous avez raison. Leur pouvoir
n’était pas indépendant du pouvoir religieux. Mais ils ne captaient pas à leur
profit toute la puissance du religieux. Le pouvoir religieux les dépassait et
ils y étaient (plus ou moins) soumis, tout en ayant dans le temporel leur
autonomie. Ils étaient, en effet, « lieutenants de Dieu sur la Terre »,
au sens notamment où ils devaient lutter contre les hérésies et gouverner selon
une anthropologie compatible avec la vision chrétienne. C’est exactement ce que
font les pouvoirs démocratiques actuels, sauf que leur trinité à eux s’appelle
les Droits de l’Homme, la Démocratie, la Laïcité. Et gare à eux s’ils s’écartent
de ses dogmes et de sa morale !
Quant à « l’Histoire au siècle dernier »,
elle ne doit rien aux rois catholiques, mais tout aux idéologies modernes. Pour
la « colonisation », il conviendrait de la distinguer de l’évangélisation,
même si, dans les faits, les missionnaires arrivaient souvent sur les mêmes bateaux
que les colons et les soldats. Ceci dit, je vous concède que le pape, par une
bulle du 4 mai 1493, accorda aux rois d’Espagne et du Portugal chacun la moitié
du monde à dominer. Pour votre information : la foi catholique n’oblige
pas à approuver ce geste papal et autorise tout à fait à penser que c’était un
abus de pouvoir. Ce dont je ne me prive pas, personnellement.
- L’enracinement que
vous évoquez de l’arianisme dans les rapports de forces militaires et
politiques de l’époque est intéressant. Je ne vois pas en quoi il constitue un
argument contre l’orthodoxie catholique. Au contraire, expliquer une religion
par la politique ou les rapports de force, introduirait plutôt le doute sur son
origine divine.
- L’ « égalité
du Père et du Fils contient quelque chose de rebelle et d’incestuel, ainsi que
quelque chose d’antitraditionnel et d’anti-intellectuel ». Que de
choses en une ligne ! « Rebelle » : contre qui ?
« incestuel » : la Trinité catholique n’est pas du tout
une « fusion », mais une distinction parfaite au contraire,
bien plus grande que toutes les distinctions crées, entre les trois personnes. « Antitraditionnel » :
pourquoi Dieu devrait-il être « traditionnel » et non pas créateur de
surprise ? « Antimétaphysique, anti-suprarationnel » : je
crois comprendre – peut être à tort - que vous visez là la tendance du catholicisme
à pousser le plus loin possible l’usage de la raison, jusque dans science de
Dieu, et par là, dit-on, à réduire le mystère ; contrairement peut-être à l’arianisme
qui situerait le Père très au-dessus du Fils et donc le rendrait inaccessible à
la raison. Je dirai qu’introduire la raison dans la théologie ce n’est pas lui accorder
une toute puissance, ni réduire Dieu à ce qu’elle peut comprendre. Qu’un
discours soit possible sur Dieu, ne signifie pas que Dieu se réduise à ce que l’on
peut en dire.
- La notion d’hérésie
est évidemment relative. Il s’agit ici des hérésies par rapport à l’Eglise
catholique. Mais l’on pourrait tout à fait se situer du côté de l’arianisme,
par exemple, et dire que le catholicisme est une hérésie par rapport à la vérité
arienne. Une idée d’article pour vous peut-être ?
- Vous supposez que
je suis catholique et que, donc, je ne peux pas être objective, ayant nécessairement
un « biais d’interprétation ». Tout auteur - catholique, musulman, païen,
communiste, libéral ou adepte du dieu Râ - a des biais. Pensez-vous être le seul à ne pas
en avoir ? En tout cas, j’avoue avoir des biais. J’ai une sympathie pour l’analyse
de Belloc, c’est vrai. Une fois cela admis, il reste possible - entre gens de bonne compagnie - de discuter
sur la base des arguments présentés, en créditant l’interlocuteur de sa bonne foi,
si je puis dire.
C’est d’ailleurs parce que je vous prends au sérieux, Cher Monsieur, que je prends la peine (et aussi le plaisir) de vous répondre,
Avec toute ma considération,