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Commentaire de Estelle Floriani

sur Les ariens, les cathares et nous


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Estelle Floriani 30 novembre 2022 00:32

@Mervis Nocteau

Cher Monsieur,

 

Merci pour votre commentaire, qui donne à réfléchir.

En retour, voici quelques remarques.

  1. Les « notions anachroniques » de « mode » et « totalitarisme ». La « mode » n’est pas un concept clé de mon analyse, je pense que vous l’aviez vu. J’ai seulement écrit qu’un certain marxisme était démodé. Est-ce si idiot ? La dictature du prolétariat est-elle encore un concept politique puissant aujourd’hui ? Quant au « totalitarisme », je vous accorde que l’idée est anachronique. Le totalitarisme est une notion de politique moderne, née au XXème siècle. J’ai utilisé le mot au sens large, en citant l’historien Michel Rouche. Il voulait seulement dire qu’en régime arien les pouvoirs spirituel et temporel tendaient à se confondre.
  2. Les « rois thaumaturges » participaient du sacré, vous avez raison. Leur pouvoir n’était pas indépendant du pouvoir religieux. Mais ils ne captaient pas à leur profit toute la puissance du religieux. Le pouvoir religieux les dépassait et ils y étaient (plus ou moins) soumis, tout en ayant dans le temporel leur autonomie. Ils étaient, en effet, « lieutenants de Dieu sur la Terre », au sens notamment où ils devaient lutter contre les hérésies et gouverner selon une anthropologie compatible avec la vision chrétienne. C’est exactement ce que font les pouvoirs démocratiques actuels, sauf que leur trinité à eux s’appelle les Droits de l’Homme, la Démocratie, la Laïcité. Et gare à eux s’ils s’écartent de ses dogmes et de sa morale !

Quant à « l’Histoire au siècle dernier », elle ne doit rien aux rois catholiques, mais tout aux idéologies modernes. Pour la « colonisation », il conviendrait de la distinguer de l’évangélisation, même si, dans les faits, les missionnaires arrivaient souvent sur les mêmes bateaux que les colons et les soldats. Ceci dit, je vous concède que le pape, par une bulle du 4 mai 1493, accorda aux rois d’Espagne et du Portugal chacun la moitié du monde à dominer. Pour votre information : la foi catholique n’oblige pas à approuver ce geste papal et autorise tout à fait à penser que c’était un abus de pouvoir. Ce dont je ne me prive pas, personnellement.

  1. L’enracinement que vous évoquez de l’arianisme dans les rapports de forces militaires et politiques de l’époque est intéressant. Je ne vois pas en quoi il constitue un argument contre l’orthodoxie catholique. Au contraire, expliquer une religion par la politique ou les rapports de force, introduirait plutôt le doute sur son origine divine. 
  2. L’ « égalité du Père et du Fils contient quelque chose de rebelle et d’incestuel, ainsi que quelque chose d’antitraditionnel et d’anti-intellectuel ». Que de choses en une ligne ! « Rebelle » : contre qui ? « incestuel » : la Trinité catholique n’est pas du tout une « fusion », mais une distinction parfaite au contraire, bien plus grande que toutes les distinctions crées, entre les trois personnes. « Antitraditionnel » : pourquoi Dieu devrait-il être « traditionnel » et non pas créateur de surprise ? « Antimétaphysique, anti-suprarationnel » : je crois comprendre – peut être à tort - que vous visez là la tendance du catholicisme à pousser le plus loin possible l’usage de la raison, jusque dans science de Dieu, et par là, dit-on, à réduire le mystère ; contrairement peut-être à l’arianisme qui situerait le Père très au-dessus du Fils et donc le rendrait inaccessible à la raison. Je dirai qu’introduire la raison dans la théologie ce n’est pas lui accorder une toute puissance, ni réduire Dieu à ce qu’elle peut comprendre. Qu’un discours soit possible sur Dieu, ne signifie pas que Dieu se réduise à ce que l’on peut en dire.
  3. La notion d’hérésie est évidemment relative. Il s’agit ici des hérésies par rapport à l’Eglise catholique. Mais l’on pourrait tout à fait se situer du côté de l’arianisme, par exemple, et dire que le catholicisme est une hérésie par rapport à la vérité arienne. Une idée d’article pour vous peut-être ?
  4. Vous supposez que je suis catholique et que, donc, je ne peux pas être objective, ayant nécessairement un « biais d’interprétation ». Tout auteur - catholique, musulman, païen, communiste, libéral ou adepte du dieu Râ - a des biais. Pensez-vous être le seul à ne pas en avoir ? En tout cas, j’avoue avoir des biais. J’ai une sympathie pour l’analyse de Belloc, c’est vrai. Une fois cela admis, il reste possible - entre gens de bonne compagnie - de discuter sur la base des arguments présentés, en créditant l’interlocuteur de sa bonne foi, si je puis dire.

C’est d’ailleurs parce que je vous prends au sérieux, Cher Monsieur, que je prends la peine (et aussi le plaisir) de vous répondre,


Avec toute ma considération,



 

 

 


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