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Commentaire de DuponTerrien

sur Tourisme : quid des droits de l'homme ?


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DuponTerrien (---.---.61.226) 20 mars 2007 15:44

Je comprends parfaitement votre position benjeanfred. C’est certainement le résultat d’une indignation légitime, qui est la mienne également. Et cela nous honore car elle fait de nous des personnes soucieuses de l’humanisme mondial avant tout.

Personnellement, je suis même favorable à entreprendre sans plus attendre l’établissement de modalités d’applications rigoureuses du devoir d’ingérence international, prôné chez nous par Bernard Kouchner.

Malheureusement rien n’est simple. On peut même dire que tout est extrêmement complexe. Et de plus en plus. L’enfer est pavé de bonnes intentions, et l’on sait les abus et les atrocités qui ont été commis en son titre, alors même qu’on ne l’appelait encore que « l’intervention d’humanité ». (cf : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ing%C3%A9rence_humanitaire).

Couper les vivres et les relations avec les pays à tendances totalitaires serait il un moyen d’améliorer les choses ? Je me suis interrogé des années à ce sujet ; mais au final je ne le crois pas. J’ai acquis peu à peu la conviction que ce serait pire encore.

On assisterait de nouveau, par exemple, à des manipulations et aides occultes complètement intéressées, comme cela a été le cas (et l’est encore à moindre échelle) de la part des USA et de l’URSS dans leur perpétuelle recherche d’hégémonie et d’influences politiques et commerciales internationales. L’Europe, dont la France en particulier, y a aussi sa responsabilité. Au regard de l’Afrique par exemple, dont on a si souvent « acheté le vote » à l’ONU, ou dans quelque autre organisation internationale, ou traité, ou arrangement, sans se soucier de savoir dans quelles poches resteraient les « subventions », provenant pourtant de *nos* portefeuilles, via *nos* impôts.

A ce petit jeu occulte (et bien d’autres encore) nous autres, pays riches, avons grandement participé à la paupérisation des peuples de moult pays. Nous aurions beau jeu de nous contenter de leur dire de s’en sortir tout seul à présent, après avoir brouillé leurs cartes de multiples façons durant des siècles, et alors que les moyens des pouvoirs en place pour maintenir l’ordre établi se sont considérablement modernisés, eux, quand ils ne se sont pas carrément assurés de pactes « d’assistances » étrangères, comme avec la France en Côte d’Ivoire pour ne citer que cet exemple.

J’ai travaillé dans certains de ces pays, comme à Cuba que vous citez en exemple. Oui les dires des cubains y sont surveillés, contrôlés, et peuvent être réprimés... Oui, hormis les hôtels d’état, la télévision, la radio, et les médias étrangers y sont interdits. Mais ça n’est pas si simple. Là aussi j’ai finalement acquis la conviction que les bonnes intentions étaient malgré tout à l’origine de l’état infernal dont ce pays est souvent qualifié. Il suffit d’écouter les anciens cubains dans le récit de leur vie avant et après Fidel Castro. Trancher dans le vif en concluant rapidement à la tyrannie procèderait d’un raccourci qui ignorerait l’histoire des tentatives de déstabilisation secrètes et incessantes du pouvoir castriste. Ce qui n’empêche évidemment pas qu’on puisse regretter que Fidel Castro ait finalement tourné le dos à ses résolutions démocratiques initiales, succombant à son goût du pouvoir, à la paranoïa et au totalitarisme. Mais on ne peut pas non plus ne pas reconnaître à Castro des circonstances atténuantes. On ne peut nier les manoeuvres souterraines. J’ai pu juger par moi même de l’action discrète, souterraine mais permanente, à Cuba, des membres des groupes de pressions cubains de Miami par exemple. Fort complaisamment, les douaniers américains ne posaient jamais le tampon des USA sur leur passeport, de manière que cette opposition au pouvoir puisse entrer, sortir et circuler tout à loisir à Cuba, en passant par le Mexique...

D’ailleurs, entre nous, pensez vous qu’un pays tel que les USA dont on apprend hier encore, aux informations de France Inter, que sa CIA cache, depuis des décennies semble t’il, des dizaines de prisons secrètes de par le monde, où l’on torture, où l’on fait « disparaître » probablement aussi, avec les complicités de moult pays « démocratiques » qui, au nom d’intérêts bassement économiques, se taisent et feignent d’ignorer à la fois les prisons et les avions secrets qui s’y posent, pensez-vous que ce pays là (ces pays là) puisse (nt) continuer prétendre diffuser en toute honnêteté ce « modèle » de démocratie ?

Peut on soi même prétendre juger et donner des leçons aux autres quand on enfreint aussi gravement ses propres règles démocratiques ? Certains oseront dirent que oui, au nom de la démocratie justement ... Mais quelle est donc cette curieuse schizophrénie qui nous permettrait des dérogations à nos propres fondamentaux au prétexte de les promouvoir dans le reste du monde ?! Les vraies guerres se déroulent encore dans l’ombre, sont toujours aussi discrètes, et se gardent bien de tout spectateur.

Un peu cyniquement certes, je pense qu’il s’agit encore et toujours, avant tout, d’imposer un modèle économique. Je partage l’avis de Woody Allen quand il disait : « le communisme c’est ferme ta gueule, et le capitalisme c’est cause toujours ».

Mais au final les plus couillonnés sont toujours les mêmes. D’une manière ou d’une autre. Même si j’ai bien conscience d’être ici beaucoup trop rapide dans cette affirmation qui mériterait à elle seule beaucoup de nuances et de précautions ! Ce serait un autre développement.

Ma conviction justement c’est qu’il ne faut jamais laisser s’enfermer qui que ce soit dans ses positions, fusse t’il l’entité que représente le pouvoir d’un pays. L’ouverture, la discussion, sont les portes ouvertes au progrès. Il faut toujours favoriser la discussion, quels que soient les reproches qu’on puisse avoir à se faire de part et d’autre. Et quand bien même il s’agirait de terrorisme (d’ailleurs le terrorisme n’est il pas lui même le fruit de l’absence durable de discussion et d’échanges équilibrés ?)

Permettre à un pays de se refermer sur lui-même, c’est d’abord enfermer ses habitants. C’est leur retirer la moindre chance de se faire une idée par eux mêmes de ce peut être le reste du monde. Et même à Cuba où l’information est surveillée, où la délation a cours, le peuple cubain sait de mieux en mieux malgré tout à quoi ressemble le reste du monde. Plus seulement au travers les discours de Fidel Castro. Pas non plus seulement au travers les discours des cubains de Miami. Mais d’une certaine façon grâce à ce tourisme de masse, et malgré les germes nauséabonds qu’il porte aussi en lui (ceux que vous dénoncez certes, mais aussi : les prostitution, injustice, inflation, frustration, etc...). Si l’on bloque l’accès à l’économie à un pays, pensez-vous que ce pays va permettre aux journalistes de continuer à y aller aussi ? Non ! Même si l’on sait le courage et la détermination de quantité de journalistes qui continueront de s’infiltrer, les effets ne seront plus les mêmes car nos pays respectifs seront ouvertement en opposition.

Je ne peux donc pas être d’accord avec vous quand vous réclamez cette sorte d’embargo qui laisserait ces pays se refermer sur eux même, laissant alors leurs peuples totalement prisonniers des discours idéologiques de leurs pouvoirs. Quand bien même cela serait au nom de la cessation du « financement » de tels comportements ou idéologies.

Même si cette idée part d’une bonne intention, elle reste quand même à mes yeux une idée de riches. Une idée de personnes qui mangent tous les jours à leur faim, qui ne manquent de rien d’essentiel, qui arrosent leur jardin à l’eau potable du robinet de leur coquette maison moderne, et qui s’indignent depuis leur fauteuil derrière le clavier de leur ordinateur connecté au monde libre...

Il faut avoir vécu au quotidien avec ses peuples pour savoir vraiment ce que peuvent être réellement leurs misères quotidiennes. Et quand vous laissez un pays totalitaire se refermer sur lui-même, ce n’est jamais son pouvoir qui en souffre vraiment. C’est d’abord et toujours son peuple précisément. Et il en meurt aussi, ne l’oublions pas, même s’il ne s’agit pour nous que de choses lointaines.

Alors même si vous pensez que ces souffrances et ces morts permettraient aux peuples de rompre plus rapidement les maillons de leurs chaînes (ce à quoi je ne crois pas personnellement, voyez aussi ce qui se passe chez Pyong Yang en Corée du nord, pensez vous que le peuple Coréen puisse avoir le moindre espoir de mener à terme une révolte contre une armée aussi bien nourrie et équipée !) je ne crois pas que nous soyons en position de leur imposer ce surcroît de sacrifices en coupant tout contact. Et pour un résultat de plus en plus incertain encore une fois. Il n’y a qu’eux qui puissent en décider.

Mais en revanche je pense qu’il nous appartient, qu’il est de notre responsabilité d’être humain, à nous, ici, peuples libres, qui pouvons nous exprimer et manifester, d’exercer toutes les pressions démocratiques à notre portée pour que soit enfin démarré la mise au point de règles modernes et humanistes du « devoir d’ingérence international », et exiger que tous les pays du monde finissent par les signer un jour (ne plus assister à des décisions unilatérales aussi désastreuses que celle qui concerne l’Irak par la « première démocratie mondiale »). Et il nous appartient aussi de faire pression ensuite, en permanence, pour qu’elles ne restent pas des vœux pieux.

Voici, à mon humble avis, la voie la plus juste et humaine que nous, peuples libres et riches, devons absolument imposer à nos dirigeants « démocrates » du monde entier.

Malheureusement là aussi j’ai peur que nos égoïsmes l’emportent encore longtemps sur notre humanisme. Tant que nous n’aurons pas largement prit conscience que nos avenirs sont liés au reste du monde, et que nous laisserons se construire des murs...

Cela tient de la même prise de conscience que pour l’environnement et l’écologie, dont quelques « illuminés » avaient pourtant commencés à s’inquiéter publiquement... il y a une bonne trentaine d’années déjà... et dont on pressent seulement les premières vraies prises de conscience politiques suivies d’effets (encore que...).

Il y a donc encore beaucoup de chemin à faire ! Mais certainement pas en isolant et affamant davantage des peuples qui souffrent déjà bien assez.

Pour en finir avec l’exemple de Cuba, l’embargo américain quincagénaire est de mon point de vue une démonstration parfaite de ce que peut être la bétise d’une idéologie poussée à l’extrème. Le capitalisme et la démocratie ne protègent pas non plus de la bétise et de l’absence d’humanisme d’un état, fût il le plus puissant du monde et rempli de femmes et d’hommes intelligents ! Il y a là quelque chose qui ne tient plus que de la vieille rancune, de l’orgueil.

La preuve : Observez la Chine s’ouvrir et commercer librement avec le monde. Même s’il lui reste énormément de progrès à faire concernant les droits de l’homme, pensez-vous qu’elle puisse un jour faire machine arrière ? Personnellement je suis convaincu que non. Précisément parce que son économie sera de plus en plus dépendante de celles du monde libre, dont elle pourra de moins en moins se passer, s’obligeant ainsi à des adaptations régulières que l’on observe déjà, et des concessions .

Regardez : nous sommes déjà envahis de touristes chinois pour qui la France est une destination de rêve. Et nous savons que les chinois seront prochainement les premiers à visiter notre pays, quantitativement parlant. Pensez-vous qu’il faille les en empêcher au prétexte qu’ils sont communistes et que leurs dirigeants ne respectent pas encore les droits de l’homme qui nous sont si chers ?

Je suis persuadé du contraire ! Car même dans un pays totalitaire, l’opinion publique peut finir par faire changer les choses. Encore faut il lui permettre de s’alimenter en découvrant que d’autres choses sont non seulement possibles, mais existent déjà ailleurs, et sont bonnes, contrairement à ce que leurs dirigeants ont pu leur faire croire si longtemps.

Après cela, peu à peu tout devient possible.

Cordialement.


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