FASCISMe : FASCIO. FASCINUS (phallus). On a souvent souligné la forte érotisation de la vie politique sous le fascisme1 : usage massif des métaphores sexuelles dans les discours et l’iconographie, attachement émotionnel intense au chef... Le plus sidérant était la passion avec laquelle les masses désiraient ce qui les asservissait. Mussolini n’hésitait pas à jouer de son physique avantageux. La propagande pouvait le représenter torse nu et participant aux travaux des champs devant un public de femmes admiratives, à moins qu’il ne se livre à quelque sport dangereux. Chaque apparition était susceptible de déclencher l’hystérie collective. Le corps du Duce devait incarner le modèle du nouvel homme italien2. L’association de l’érotisation du politique et du fascisme est devenue si familière qu’on considère parfois toute forme de recours politique aux affects comme étant potentiellement d’extrême droite. C’est en tout cas ce qui a fait peser le soupçon sur D.H. Lawrence (1885-1930) et Georges Bataille (1897-1962)3. Ce sont de grands écrivains « érotiques » dans la mesure où ils ont déployé deux vastes œuvres où le désir, les impulsions instinctives et les fantasmes ont été explorés à travers les genres et les champs disciplinaires les plus variés. Ils estimaient que les impulsions libidinales constituaient la véritable infrastructure des sociétés. D’autres qu’eux ont fourni des explications psychosociales au fascisme : Wilhelm Reich pensait qu’il résultait du refoulement de la libido ; pour Sartre, le collaborateur ne pouvait favoriser son oppresseur aux dépens de ses propres intérêts sans souffrir d’un « curieux mélange de masochisme et d’homosexualité »4. Mais si Lawrence et Bataille se sont rendus suspects, c’est à cause de l’antidémocratisme de certains propos, de leur intérêt pour les héros charismatiques et de la reprise de certains thèmes phallocentriques5.