Le fascisme - Ses origines - Volet N° 7
Armée grecque contre armée italienne.
Les Grecs protégés par le Pinde1, massif infranchissable, sont à l’abri d’un encerclement par les troupes italiennes qui comptent bien s’en emparer, lors de leur projet de marche sur Athènes. 3 divisions sont prévues pour débarquer de nuit du Port d’Arta.
L’affaire ne se présente pas sous les meilleurs auspices pour Mussolini.
R. Battaglia relate le dialogue engagé entre Mussolini et Prasca (dialogues que le Duce retranscrira lors de la " République de Salo"). Et qui ne manque pas de sel, prenant parfois des tournures très comedia dell’ arte.
« - Mussolini à Prasca : De l’Epire à Athènes, quelle distance y-a-t-il ? »
« - P : 250 kms avec des routes médiocres. »
« - M : Et le terrain, comment est-il ? »
« - P : Des collines élevées, raides et pelées. »
« - M : Et la direction des vallées ? »
« - P : Est-Ouest, exactement en direction d’ Athènes »
« - M : C’est très important. »
« - G.Roatta : C’est vrai jusqu’à un certain point, puisqu’il faut traverser une chaîne de 2000 mètres d’altitude. »
« - P : Il y a partout des chemins muletiers.
« - M : Les avez-vous parcourus ?
« - P : Oui bien des fois.
« - M : Maintenant, autre chose. Une fois la date fixée, il s’agit de savoir comment on pourra donner une apparence de nécessité à l’opération. La justification générale est facile : la Grèce est alliée à nos ennemis, qui se servent de nos bases...Il nous faudrait un incident qui nous permette de dire que nous entrons en Grèce pour y rétablir l’ordre. Si vous provoquez un incident de ce genre, tant mieux, sinon, nous nous en passerons.
« - Jacomini : Je peux faire quelque-chose aux frontières, des incidents entre les Tchamouriotes et les autorités grecques. »
« - P : Nous avons préparé des armes et des bombes françaises pour simuler une agression. »
« - M : Tout cela n’a pas d’importance, c’est juste pour faire un peu de fumée. Cependant, il serait bon d’allumer l’étincelle qui mettra le feu aux poudres. »
« - Ciano : Quand voulez-vous que l’incident ait lieu ?
« - M : Le 24. »
« - C : Il aura lieu le 24. »
« - M : Personne ne croira à une fatalité de ce genre, mais on donnera une justification d’ordre métaphysique, en disant qu’il était nécessaire d’en finir. »
Badoglio appuyé par les chefs d’Etat-major remet l’attaque au 28 octobre 1940. L’ambassadeur d’Italie remet au Général grec Metaxas, un ultimatum : « Les Italiens réclament la cession immédiate de quelques bases stratégiques ».
Question à laquelle l’ambassadeur Grazzi est bien incapable de répondre.
A 6 heures du matin, le 28 octobre 1940, les troupes du Duce franchissent la frontière.
Mussolini déclare un tantinet fanfaron : « Nous briserons les reins à la Grèce ». Le Duce qui considère la Méditerranée comme « sa mère », selon l’expression« Mare Nostrum » dont il parsème ses discours , ou bien l’expression « le lac italien », peut annoncer au Fürher, que « l’Italie est en marche » et que ses troupes ont franchi la frontière !
Les 3 divisions Ferrara, Centauro, Siena font route vers Yannino. Pluies, fleuves en crue, les troupes italiennes atteignent le Kalamas dans les pires difficultés. La division Julia se dirige vers Metsavon pour couper les communications grecques entre l’Épire et la Macédoine, lorsqu’au Nord, les divisions Parma et Piemonte défendent le bassin de Korcï. Les forces grecques concentrées à Klabi attaquent les Italiens qui répliquent. Les assauts répétés des Italiens ne parviennent pas à venir à bout de la résistance des Grecs qui s’avèrent de redoutables combattants. La division Julia est stoppée au col de Metsovon, sous le choc des contre-attaques grecques. Les Italiens découvrent à leurs dépens que « loin de rester immobile sur le front macédonien, l’armée grecque s’engage presque immédiatement avec 7 divisions en direction de Julia, attaquant le flanc gauche de celle-ci par derrière et se dirigeant tout droit vers le bassin de Korcï où la résistance des divisions Parma et Piemonte...Venezia et Arozzo...cèdera finalement après une série d’attaques violentes. Menaçant l’armée italienne, le Grecs atteignirent la route Korcï-Pera. Et ce fut le commencement du désastre. »
Le 8 Novembre 1940, les troupes italiennes sont coupées de leur QG.
Ordre est donné de se replier. Les prévisions de V. Prasca à savoir une avancée foudroyante, une guerre éclair, s’avèrent une déroute totale.
La division Julia, durement touchée, échappe à grand peine à l’encerclement. Les troupes perdent le contact avec leur commandement, et, livrées à elles-mêmes, Radio-Londres les avertit qu’elles seraient d’ici 3 jours, « écrasées » par l’armée grecque.
Sul Ponto Perati… bandiera Nera
La division Julia, défaite, repasse le « pont de Perati ». De cet événement, est née une chanson devenue aussi célèbre en Italie que la Bella Ciao, (dans un autre registre), symbolisant l’envoi au sacrifice des soldats italiens « dans une guerre infernale, mal préparée, mal dirigée ».
Extrait des premiers couplets.
« Sul Ponte Perati, bandera niera à il lutto della Julia che va alla guerra »
(Sur le pont de Perati, drapeau noir, c’est le deuil de la Julia qui va en guerre.)
« E il lutto degli Alpini che va alla guerra la miglior gioventù che va sotto terra ».
(C’est le deuil des Alpins qui va-en-guerre, la meilleure jeunesse qui va sous terre).
« Sui monte della Grecia c’e la Voiussa col sangrue degli Alpini s’e fatte rossa ».
(Avec le sang des Alpins s’est faite rouge).
Etc.
L’armée italienne se retire en Albanie puis établit une ligne de défense allant du littoral d’Himare au lac d’Ohrid. Il s’agit d’une position clé de Këleyrë-Tepelenï. Les Italiens ne peuvent se permettre de perdre cette position-clé. Le but ? Empêcher les Grecs d’accéder à la route de Berat et Valona. Les Italiens soutiennent le « choc continu et incessant des troupes grecques ». En effet, les mortiers grecs de 81 sont plus efficaces que les mortiers italiens : ils tirent mieux.
Les pertes sont terribles.
De toute l’Italie, les renforts accourent. Ce sont de petits contingents amenés à Valona, Durazzo ou à Tirana, en Albanie par voie aérienne. De là, ils sont envoyés sur le front. Pour accéder au front, les contingents italiens doivent effectuer des marches exténuantes dans la neige et la boue. Au fur et à mesure de leur avancée, les divisions sous le feu grec se fragmentent, abandonnent peu à peu l’artillerie, les chevaux, l’intendance. A l’intérieur des terres, dans les zones montagneuses glaciales, la vallée de la Vojuissa, aux côtes 731 de Monastir, le Gojlak, les soldats italiens « chaussés de souliers à semelles de carton, dépourvus de vêtements d’hiver et dormant sous des tentes par une température de – 25 °, se révèlent « inefficaces » selon le terme employé du général Prasca. Un terme bien léger pour évoquer la réalité dramatique de la situation.
Prasca est remplacé par le général Cavallero. La souffrance des soldats italiens est totale, car rajouté au feu de l’ennemi, s’en mêlent d’épouvantables tempêtes de neigne, c’est un véritable cauchemar, un carnage, une hécatombe.
Témoignage poignant d’un officier italien, sur la misère du soldat abandonné par le pouvoir.
« 17 décembre 1940. Depuis plus d’un mois, on nous parle de renforts, de remplacement de telle ou telle unité, mais rien de sérieux, ni de concret, n’apparaît à l’horizon. Et pourtant nos moyens de lutte s’épuisent de jour en jour et ne sont pas renouvelés ; les troupes, décimées et exténuées, sont désormais incapables d’exécuter les ordres donnés… On parle de 40 soldats gelés par jour dans les régions où il y a de la neige… 31ème corps d’infanterie… 20 morts sont ensevelis sous la neige… Ce n’est pas le combat qui tue ici, mais c’est l’épuisement qui vous fait peur et vous abat… Pas moyen d’obtenir l’équipement indispensable contre le froid rigoureux qui règne dans ces régions, tel que vêtements de laine, grosses chaussures, sacs de couchage imperméables. Même les secours absolument nécessaires en temps normal nous font défaut… Soldats atteints de gelures… C’est une vision déprimante et lamentable… Le spectacle de ces malheureux couchés à même le sol, à la lueur d’une misérable chandelle, dans la puanteur de la gangrène serre le cœur. L’un d’eux, les pieds gelés, enveloppés dans des chiffes, sanglote et gratte sa vermine, laissant voir sa peau nue sous ses loques maculées de boue ».
Témoignage édifiant…
Pendant qu’à Rome, le Duce s’emporte contre les troupes et les défaites italiennes en Grèce. Mussolini contemple par la fenêtre la Piazza Venezia, à cette heure déserte. Tel Néron regardait brûler Rome.
Il ose écrire :
« Il neige… Cette neige et ce froid sont les bienvenus, dit-il ; ainsi les petites natures mourront, et cette médiocre race italienne n’en sera qu’améliorée.
Mussolini raisonne en Eugéniste, en grand sacrificateur de son peuple, pour satisfaire à son goût démentiel, immodéré de puissance.
.../...
1Pinde : massif montagneurxde L’Épire.
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