@Durand - @Legestr
glaz
"Quel rapport à l’Europe fixe la
Constitution ?
Tout en
demeurant la norme suprême dans l’ordre juridique interne, la Constitution
reconnaît une place singulière au droit de l’Union européenne.
I. La
suprématie de la Constitution dans l’ordre juridique interne
Dans
l’ordre juridique français, la primauté du droit de l’Union européenne ne vaut
pas à l’égard de la Constitution. En ce sens, et de façon
unanime, le Conseil constitutionnel (décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004,
Traité établissant une Constitution pour l’Europe), le Conseil d’État (CE,
Ass., 30 octobre 1998, M. Sarran, M. Levacher et autres) et la
Cour de cassation (Cass., Ass. plén., 2 juin 2000, Mlle Fraisse) jugent dans des termes
similaires que c’est la Constitution qui se situe « au sommet de l’ordre
juridique interne » (décision n° 2004-505 DC précitée).
II. La reconnaissance d’un ordre juridique de l’Union européenne intégré à
l’ordre juridique interne
Au sein
du titre XV de la Constitution du 4 octobre 1958 intitulé « De l’Union
européenne », l’article 88-1 prévoit que « la République
participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées
d’États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées,
d’exercer en commun certaines de leurs compétences ». C’est dire que
« le constituant a ainsi consacré l’existence d’un ordre juridique
de l’Union européenne intégré à l’ordre juridique interne et distinct de
l’ordre juridique international » (décisions n° 2004-505 DC
précitée et n° 2017-749 DC du 31 juillet 2017). En particulier, cette spécificité
constitutionnelle du droit de l’Union européenne a pour
conséquence :
- la participation de la France à la création et au
développement d’une organisation européenne permanente, dotée de la
personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l’effet de
transferts de compétences consentis par les États membres. Toutefois,
lorsque des engagements souscrits à cette fin ou en étroite coordination
avec cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution,
remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis
ou portent atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la
souveraineté nationale, l’autorisation de les ratifier appelle une
révision constitutionnelle (voir, notamment, les décisions nos 2004-505 DC et 2007-560 DC précitées. S’agissant d’un
accord mixte, c’est-à-dire d’un accord qui doit être signé et conclu tant
par l’Union européenne que par chacun des États membres de celle-ci, le
Conseil constitutionnel a précisé les modalités de son contrôle dans
sa décision n° 2017-749 DC du 31 juillet
2017).
- une double exigence constitutionnelle :
transposer en droit interne les directives de l’Union européenne et
respecter les règlements de l’Union européenne, lorsque des lois ont pour
objet d’y adapter le droit interne. Afin d’éviter que plusieurs juges exercent
des contrôles concurrents tout en garantissant la protection par le juge
constitutionnel de certaines normes spécifiques à l’ordre juridique
français, le Conseil constitutionnel limite son contrôle de
constitutionnalité des lois de transposition des directives et des lois
adaptant le droit interne à des règlements de l’Union européenne. En
premier lieu, la transposition d’une directive ou l’adaptation du droit
interne à un règlement ne sauraient aller à l’encontre d’une règle ou d’un
principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, sauf à ce
que le constituant y ait consenti. En l’absence de mise en cause d’une
telle règle ou d’un tel principe, le Conseil constitutionnel n’est pas
compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions
législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de
dispositions inconditionnelles et précises d’une directive ou des
dispositions d’un règlement de l’Union européenne. En second lieu, devant
statuer avant la promulgation de la loi dans le délai prévu par l’article
61 de la Constitution (un mois, sauf urgence), le Conseil constitutionnel
ne peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur le
fondement de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
En conséquence, il ne saurait déclarer non conforme à l’article 88-1 de la
Constitution qu’une disposition législative manifestement incompatible
avec la directive qu’elle a pour objet de transposer ou le règlement
auquel elle adapte le droit interne. En tout état de cause, il appartient
aux juridictions administratives et judiciaires d’exercer le contrôle de
compatibilité de la loi au regard des engagements européens de la France
et, le cas échéant, de saisir la CJUE à titre préjudiciel (décision n° 2018-765 DC du 12 juin
2018).