@alinea
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Politiquement, j’ignore ce que ça va donner. Et sans développer ici, la révolution de couleurs, je n’en vois pas : oui, il y des influences diverses, mais ce n’est pas significatif. Les Ricains ont besoin de la N.C., donc de la France, pour tenir le Pacifique contre la Chine (barrières du Commonwealth, de l’AUKUS et du QUAD).
La bonne intelligence était le modus vivendi, laisser le temps au temps pour que prennent place les communautés entre elles et voir venir le bon fonctionnement à force de pratiques. Même Sarko l’impatient s’était calmé, mais pas Macron.
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J’ai été surpris de me faire facilement des amis kanaks et pas caldoches. J’imaginais l’inverse. Il y a sans doute mon tempérament. Mais c’est pareil avec les autres « zoreilles » (métropolitains), pour ceux qui ne contentent pas de vivre entre eux.
Les caldoches viennent des anciens bagnes à qui des terrains de plus de 100 ha ont été donnés, surtout dans l’étendue centre Ouest de l’île principale, les plaines, prises aux kanaks qui étaient en régime d’indigénat. Ce sont des descendants de vrais criminels qui ont fait leur peine de bagne.
D’autres sont arrivés aussi via des programmes de peuplements, Français ou Anglais (les kanaks ont été pas loin de disparaître à cause de la grippe dont ils n’avaient pas l’immunité).
Il y a aussi des marins qui ont fait commerce avec des kanaks (santal, coprah, charbon de bois, pêche …) et qui se sont installés.
Enfin, mais on les appelle plutôt « calédoniens » des bourgeois venus faire fortune ici qui ont fait une baronnie, des dynasties locales : ils tiennent presque tous les restos du centre de Nouméa, toutes les franchises commerciales dans les ZAC, + les mines.
La figure du caldoche, c’est le stockman, le cow-boy qui vit sur ses terres, avec ses foires agricoles, ses rodéos… Leurs terres, c’est leurs vies et ils sont durs au mal. Les caldoches ont aussi les commerces de proximités, en tout cas en brousse qu’ils partagent avec les asiatiques, qui eux, tiennent tous ceux de Nouméa (comme dans Lucky Luke).
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Les kanaks sont aussi très attachés à leurs terres, bien plus que le paysan français, même que le wallisien, même que le polynésien, qui peuvent les vendre. Chez le mélanésien (ça ne concerne pas que la NC), cet attachement est très particulier, vendre leurs terres, ce serait comme vendre leurs corps. Elles sont de toutes façon coutumières, elles appartiennent à la tribu, pas à un individu en propre. Combien de fois j’ai entendu : « Si tu ne sais pas d’où tu viens, tu ne sais pas où tu vas et tu ne sais pas qui tu es ».
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Donc entre kanaks et caldoches… Ils peuvent quand même très bien s’entendre, même s’inviter pour dîner et partager des sorties de loisirs, être très bons amis. A condition de ne pas mélanger torchons et serviettes. Les caldoches sont loyalistes, ne veulent pas être seuls avec les kanaks. Ils sont méfiants des zoreilles, des naïfs, des gens compliqués quand ils parlent, en tout cas depuis les années 80 et les concessions faites aux kanaks, le statut coutumier accordé en 1999.
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Le chemin kanak. L’homme tient le tertre, la terre coutumière de la tribu, et ne peut pas en changer dans sa vie, sinon la quitter. La chefferie est masculine. La femme se marie (librement) dans une autre tribu, (en tout cas, c’est un mieux). Les enfants du couple ont accès à la tribu de la mère. Les enfants peuvent traiter les tontons et tatas patrilinéaires comme des potes, pas ceux matrilinéaires, qui bénéficient d’une relation de déférence, parce que ce sont eux qui font le carnet d’adresses.
Si j’habite une tribu A, je ne peux pas aller librement dans la tribu D que je vise. Je dois aller dans une tribu B (de ma mère, de ma tante maternelle…), pour, avec sa cousine, aller dans la tribu C, faire coutume avec par exemple la nièce de cette dernière. Alors, avec cette nièce, je peux aller chez sa sœur qui est dans la tribu D, pour faire coutume et ça y est : j’ai accès libre dans cette tribu.
Les femmes sont nécessaires à la santé relationnelle (et sociale, économique…) entre tribus. Plus elles ont de liens, plus elles sont riches socialement.
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Les tribus sont ouvertes aux zoreilles (et autres) si ils font aussi coutume (avec un ami kanak ou pour raison professionnelle). Elle ne se fait qu’une fois, après on peut y retourner comme on veut.
Il faut faire le geste (une pièce de tissu, de l’argent, 10 euros suffisent, entre kanaks des aliments), qui sera retourné à son départ (don/contre-don). Et il faut un discours. Pas besoin de mots compliqués, mais il faut avoir quelque chose à dire et surtout, si c’est sincère : ils ont un sixième sens hyper développé pour ça. Après on est accueilli.
Et là on comprend : si le discours a été sincère, tout se passe hyper bien, tout est ouvert, très sympa, l’envie d’y retourner. Si on ne l’a pas été, rien ne se passe bien, même sans animosité manifeste et pas du tout l’envie d’y retourner. Et j’avoue que j’adore ces moments, de discours de demande d’accueil et de remerciements. Ils sont solennels, pas avec un décorum, mais avec les émotions : les kanaks les prennent au sérieux, c’est le premier tissage, raison pour laquelle ils se font toujours les yeux baissés.
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Le gros centre minier du Nord « Koniambo », le premier construit par les kanaks il y a 10 ans, tourne essentiellement avec cette population qui habite les tribus, y compris les techniciens et cadres qui ont été chercher les qualifications en métropole.
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Voilà, c’était un focus, plutôt qu’une synthèse, mais c’est parfois plus éclairant qu’un bloubi boulga.