Écoutons Robespierre : « Le principe du gouvernement républicain, c’est la vertu,
et son moyen, pendant qu’il s’établit, la terreur.
Nous voulons substituer, dans notre pays,
la morale à l’égoïsme,
la probité à l’honneur,
les principes aux usages,
les devoirs aux bienséances,
l’empire de la raison à la tyrannie de la mode,
le mépris du vice au mépris du malheur,
la fierté à l’insolence,
la grandeur d’âme à la vanité,
l’amour de la gloire à l’amour de l’argent,
les bonnes gens à la bonne compagnie,
le mérite à l’intrigue,
le génie au bel esprit,
la vérité à l’éclat,
le charme du bonheur aux ennuis de la volupté,
la grandeur de l’homme à la petitesse des grands,
un peuple magnanime, puissant, heureux,
à un peuple aimable, frivole, misérable ;
c’est-à-dire toutes les vertus et tous les miracles de la République
à tous les vices et à tous les ridicules de la monarchie. »
À quelle hauteur au-dessus du reste de l’humanité
se place ici Robespierre !
Et remarquez la circonstance dans laquelle il parle.
Il ne se borne pas à exprimer le vœu
d’une grande rénovation du cœur humain ;
il ne s’attend même pas à ce qu’elle résultera d’un gouvernement régulier.
Non, il veut l’opérer lui-même et par la terreur.
Le discours d’où est extrait ce puéril et laborieux amas d’antithèses
avait pour objet d’exposer
les principes de morale qui doivent diriger
un gouvernement révolutionnaire.
Remarquez que, lorsque Robespierre vient demander la dictature,
ce n’est pas seulement pour repousser l’étranger
et combattre les factions ;
c’est bien pour faire prévaloir par la terreur,
et préalablement au jeu de la Constitution,
ses propres principes de morale.
Sa prétention ne va à rien moins que d’extirper du pays, par la terreur,
l’égoïsme,
l’honneur,
les usages,
les bienséances,
la mode,
la vanité,
l’amour de l’argent,
la bonne compagnie,
l’intrigue,
le bel esprit,
la volupté et
la misère.
Ce n’est qu’après que lui, Robespierre,
aura accompli ces miracles,
— comme il les appelle avec raison, —
qu’il permettra aux lois de reprendre leur empire.
— Eh ! misérables, qui vous croyez si grands,
qui jugez l’humanité si petite,
qui voulez tout réformer,
réformez-vous vous-mêmes, cette tâche vous suffit.
Frédéric BASTIAT (« La Loi ») http://bastiat.org/fr/la_loi.html