@ l’auteur, André Lafrenaie
Toujours pour contextualiser...bien avant ww2
QUAND LA HAINE DU COMMUNISME ALIMENTAIT L’ANTISÉMITISME
En Ukraine, des pogroms dont l’Occident se lavait les mains
par Jean-Jacques Marie, Le Monde Diplomatique, décembre 2019
Le 21 janvier 2019, à Kiev, le vice-premier ministre et le ministre de la culture ont inauguré, devant le n° 2-4 de la rue qui porte son nom, un bas-relief représentant Simon Petlioura, commandant en chef, en 1918-1920, des troupes nationalistes ukrainiennes. Considéré par les autorités comme un héros national, Petlioura, déjà honoré par une statue inaugurée en octobre 2017 à Vinnytsia, au sud-ouest de Kiev, porte pourtant la responsabilité de pogroms dans lesquels périrent des dizaines de milliers de Juifs.
Ces massacres ont eu lieu au cours de la guerre civile qui opposa principalement les bolcheviks aux armées « blanches » (contre-révolutionnaires) sur les terres de l’ancien empire tsariste. Aux yeux de ses ennemis, la révolution bolchevique était un complot juif ; par extension, derrière tout Juif se dissimulait un communiste. Au total, quelque 1 500 pogroms dévastèrent la Russie, la Biélorussie et surtout l’Ukraine (1), où ce stéréotype exprimait toute sa puissance dévastatrice, alors que la dislocation de l’empire russe avivait les aspirations à l’indépendance.
Ces affrontements débridèrent un antisémitisme séculaire. Au milieu des tirs croisés, les pogroms firent en Ukraine cent mille morts et autant de blessés. Ils saccagèrent les demeures d’un demi-million de personnes, transformées en mendiants et en vagabonds. La majorité d’entre eux ressemblèrent à celui qui, les 15 et 16 février 1919, ravagea la bourgade de Proskourov (aujourd’hui Khmelnytsky). Selon le responsable du département d’aide aux victimes des pogroms de la Croix-Rouge russe en Ukraine, les soldats d’une unité de l’armée nationaliste de Petlioura « forçaient les portes des maisons, sortaient leur sabre et commençaient à tuer tous les Juifs qui leur tombaient sous la main, sans distinction d’âge ou de sexe. Ils tuaient les vieillards, les hommes, les femmes et les enfants. (…) Ceux qui étaient dans les caves étaient tués à la grenade (2) ». La veille, rapporte le journaliste Albert Londres, leur chef avait menacé les habitants par voie d’affichage : « J’engage la population à cesser ses manifestations anarchiques. J’attire là-dessus l’attention des youpins (3). »
Bientôt, les pogroms gagnent Kiev.(...)
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https://www.monde-diplomatique.fr/2019/12/MARIE/61095