Je poursuis mes recherches sur le
Festin des dieux, revendiqué par Thomas Jolly. Contrairement à ce que je
suggérais dans mon article (on écrit toujours trop vite…), il peu vraisemblable
qu’il se soit inspiré de la version de Bellini. Cette dernière met en scène les
dieux dans une sorte de pique-nique, et non derrière une longue table rectangulaire
comme c’est le cas, en revanche, du tableau de Jan Harmensz van Biljert, peint
vers 1635-1640. Et chacun pourra constater que cette dernière version ressemble
effectivement fort à la scène (sans jeu de mot) créée par Thomas Jolly.
Or, il est intéressant de lire les
explications que propose le musée Magnin de Dijon où l’œuvre est exposée :
« Dans le
contexte de la Réforme, dans lequel la commande pour les temples avait disparu,
l’artiste trouva un stratagème pour peindre une Cène christique sous le couvert
d’un sujet mythologique. » "Le
Festin des Dieux", audioguide Explication d’autant plus parlante
que la table de repas, la position des convives, le satyre dansant, de dos
comme est figuré traditionnellement Judas dans les représentations de la Cène,
et jusqu’à l’auréole d’or qui encadre le visage d’Apollon au centre, à la place
du Christ, évoquent irrésistiblement la fameuse Cène de Léonard de Vinci.
Nous entrons là dans des
subtilités à double tiroirs. Premier degré : le festin des dieux païens, l’apologie
de la jouissance sans limites... Second degré : … qui remplace le repas
de l’amour où le divin se donne à l’humain. Les éléments patrimoniaux utilisés
ne sont donc pas des matériaux bruts, pas plus qu’ils ne sont admirés pour
eux-mêmes. Leur fonction est de faire signe - à ceux du moins qui savent
décrypter, ou au moins aux concepteurs du spectacle eux-mêmes, pas si incultes,
au fond. Vers où ? Vers l’évidence que la signification de la Cène a été absorbée
par une nouvelle religion. Ô Pas le vénérable et sublime paganisme de Platon, de
Sénèque et de Caton, mais le néopaganisme de l’individu-dieu, fier de lui-même
et de son autocélébration sans bornes.
« J’ai
voulu faire une cérémonie qui répare, qui réconcilie", https://www.marieclaire.fr/l-histoire-du-festin-des-dieux-le-tableau-qui-a-inspire-thomas-jolly-pour-cette-sequence-culte-des-jo,1478977.asp
affirme Thomas Jolly. Il dit vrai. L’effacement de la tension
antagonique entre l’affirmation de l’humain et sa soumission au divin - qui
fait toute la fécondité de notre culture - nous rend à l’apaisement lâche de la
déculpabilisation satisfaite.