Alors que la question est intéressante, nous voilà avec un paquet de commentaires de trolls de l’extrême droite et de complotistes qui en profitent pour déverser leur haine de ce qui n’est pas de l’extrême droite. On en est presque à cracher sur les victimes sans la moindre preuve qu’elles n’en sont pas parce que cela concerne un catholique. On imagine leur réaction si un imam était accusé du centième des accusations portées contre l’abbé Pierre.

Certes, si l’abbé Pierre n’a pas été jugé, et s’il était encore en vie, il bénéficierait de la présomption d’innocence. Mais il est mort. Pour autant, même s’il n’a pas été jugé, l’Eglise a jugé nécessaire d’ouvrir ses archives. Peut-on en déduire que c’est « parce qu’il y a quelque chose » ? Non. L’enquête doit être faite pour la vérité et pour les victimes.

Le sujet n’est donc pas celui-ci puisqu’il n’y a aucune conclusion sinon que la Fondation va vite en besogne. Peut-être est-ce là le signe que « tout le monde savait » effectivement. Sinon, pourquoi la Fondation se couperait-elle d’une figure aussi emblématique alors que la conséquence sera forcément une forte diminution des dons.

Cela rappelle une autre histoire : celle des personnages de l’histoire de France qui ont été esclavagiste, tel que Colbert, par exemple. Faut-il déboulonner ses statues, débaptiser les rues et les places ?

Le problème est qu’on veut sans cesse célébrer ou bannir, comme si une personne pouvait être pure et sans tâche tandis que l’autre ne pouvait être qu’un sale type. Vision manichéenne de ce qu’est la personne humaine.

Qui peut se prévaloir ou se déchoir dans le secret de son âme d’être pur et sans tâche ou qu’un sale type ?

Cette vision manichéenne permet de se constituer des mythes plutôt que d’assumer la réalité, seule manière d’affronter les démons et d’avancer vers la perfection humaine. Si toute personne est faillible, la société est faillible.

Reconnaître sa faute est le premier pas qui permet d’aller vers la demande de pardon et la reconstruction des victimes comme des agresseurs. Une société organisée se doit d’organiser les structures collectives qui puissent aider chacun à s’élever socialement, politiquement, mais aussi éducativement. D’autres diraient de permettre à chacun d’élever son âme.

L’abbé Pierre comme Colbert sont des personnes comme tout le monde. Malheureusement pour eux, ils tiennent une place qui permet de construire un mythe. Alors on leur jette la pierre ou on dénie toute faute.

Mais on ne pourra jamais retirer à Colbert et à l’abbé Pierre ce qu’ils ont fait de bon et de mal. Le reconnaître, c’est mieux coller à la réalité, arrêter de se mentir et s’élever ensemble. Malheureusement tout bon parent doit se résoudre à élever un enfant qui ne pourra jamais être pur et parfait. Il s’agit de l’accepter et que chacun reconnaisse cela en lui pour prévenir les gros accidents. Et cette disposition humaine peut aussi développer l’empathie à même de s’accompagner les uns, les autres plutôt que d’exclure.

S’il y a des victimes, elles doivent être reconnues comme telles. S’il n’y en a pas, l’image de l’abbé Pierre devra être restaurée. Mais pourquoi serait-il plus parfait qu’un autre ?

Quand l’Église reconnaîtra-t-elle qu’elle ne peut pas exiger la plus parfaite chasteté de quiconque qui en fait la promesse ?