Article intéressant qui pose de bonnes questions.
Notamment la dénazification de l’Allemagne qui a été un mythe : l’Allemagne n’a pas été dénazifiée.
Un exemple parmis tant d’autres fut celui de la réception par l’Allemagne du film d’Alain Resnais « Nuit et brouillard » sur les camps. La réhabilitation rapide de Heidegger, bien entendu le recyclage des scientifiques nazis au service des USA, et aujourd’hui la direction de l’EU confiée à une femme issue d’une des hautes familles de la bourgeoisie nazie.
Quelques hauts responsables ont été sacrifiés sur l’autel d’un simulacre, mais rien de plus.
Il faut voir le film de Claude Lanzmann, Shoah, pour le constater. Les bourreaux sont assis confortablement dans leurs fauteuils, tranquilles, blaguant sur le passé, tandis que les victimes ont encore en elles le poids énorme de ce qu’elles ont vécu. La justice n’a pas été faite, et je pense sincèrement que c’est une tragédie qui se renouvelle, car la situation se retourne avec Israël qui recommence la même barbarie sur les Palestiniens. Lorsque la justice n’a pas été faite, l’histoire se retourne comme un ruban de Möbius.
Quant à l’esthétique, c’est une esthétique de la force, de la manipulation, de la certitude, de la musique qui accompagne et renforce l’immage, de l’identification avec le héros, à l’opposé de la distanciation brechtienne, de la demi-teinte, de la poésie de l’incertain. C’est une esthétique, que l’on peut décrire comme fasciste, et qui a plu à Hollywood, et pour ma part j’y vois un signe, parmi d’autres, de la solution de continuité entre le régime nazi de l’Allemagne et le régime planétaire hégémonique des USA. Il n’y a donc pas de hasard de la collusion de cette réalisatrice avec ce régime.
C’est comme avec Heidegger. Je n’avais aucun préalable entre l’hypothèse d’une erreur de sa part et une adhésion consciente. Je me posait la question de l’aveuglement venant d’un intellectuel qui sa philosophie devrait éclairer. Mais lorsque j’ai lu Être et temps, j’ai découvert une philosophie élitiste, qui cherche la pureté, basée sur l’angoisse de la mort et considère impurs eux qui sont dans le dévalement du nous-on, qui ne portent pas le flambeau de leurs ancêtres et ne sont pas résolus par la conscience de la mort. Ceux qui n’ont pas de sol fixe, autrement dit dans son vocabulaire, les juifs et ceux qui ne sont pas porteurs d’un destin. Il ne s’était pas tourné vers Hitler par erreur, mais c’était Hitler qui portait l’utopie en réalisation de sa philosophie (Des « Carnets noirs » ont été publiés où ces affirmations sont écrites bien après l’effondrement du régime).
Hannah Arendt a aidé à sa réhabilitation, mais avait peut-être été éblouie par son aura et partageait avec lui un certain élitisme.
Tout cela pour dire que la version « personne innocente qui a colaboré par erreur » me semble rapide. Il me paraît invraissemblable d’être aux côtés d’un tel monstre sans en partager la monstruosité.
On peut se poser la même question entre Franco et Salvador Dali, sauf que pour le coup son esthétique n’était justement pas celle de la certitude, mais du surréalisme. C’est une autre énigme (Avida Dollars ?).
Cela ne remet pas en cause la qualité de votre article, qui ouvre un débat.