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Commentaire de Reinette

sur Quand l'Etat fait le choix du chômage pour la France


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Reinette (---.---.103.130) 22 mars 2007 16:19

PETITE HISTOIRE DU REVENU GARANTI

Le revenu garanti est la mauvaise conscience du capitalisme autant que son renversement.

Avec les poor laws, l’Angleterre du XVIIIe siècle, ne sachant que faire des paysans expulsés de leurs terres et déboulant en masse dans les villes, invente un contrôle social fondé sur le triptyque « assister, surveiller, punir ».

En échange d’un maigre pécule, le chômeur est tenu à n’importe quel labeur proposé par la paroisse. L’enjeu est clair : faire accepter le salariat comme une contrainte naturelle et éviter que ces rudes gaillards ne secouent le joug. Comme le RMI, non ?

Thomas Paine est lui le précurseur d’un revenu garanti s’appuyant sur le droit naturel : puisque la civilisation corrompt l’état primitif d’égalité qui régnait entre les hommes, la société doit les indemniser de ce qu’ils ont perdu. Mais, bien que proche de ceux pour qui la propriété c’est le vol, il ne propose qu’une réforme permettant au prince de dormir tranquille.

Le système utopique de Fourier est l’échappée belle de cette histoire. Les membres de ses phalanstères (1) recevraient un revenu suffisant pour vivre peinards, et libre à chacun d’exercer une activité suivant son goût et ses aptitudes. Cette vision de microéconomie socialiste sera balayée par Marx.

Venons-en au XXe siècle, riche en relectures du Capital. Comme celle d’un certain Duboin, lançant dans les années 30 l’idée d’un revenu universel du type maximum vital qui, dans une société d’abondance, serait disjoint du travail. Pour lui et ses épigones, tout est soluble dans la réforme économique.

Concernant le délire antisémite de l’époque, voilà leur raisonnement : « Si les juifs capitalistes sont nocifs, la suppression du capitalisme ne peut que les rendre inoffensifs. » Les Duboinistes du groupe Collaboration (!) auront pu défendre leurs thèses jusqu’en juillet 44...

Bizarrement, la notion de revenu garanti tombe ensuite aux oubliettes jusque dans les années 70.

Le mouvement autonome italien la ressuscite avec le salario soziale, repris en France par la revue Camarades : « La garantie des ressources pour tous veut dire nous voulons vivre, nous avons besoin de fric, aux patrons et à l’État de se débrouiller pour nous trouver en plus du boulot s’ils tiennent à contrôler ce fric par une contrainte au travail. »

L’idée perdure avec les mouvements de précaires des années 80-90. Ils prennent acte de la marchandisation totale de la vie dans l’économie immatérielle (et de l’homme moderne comme entrepreneur-créateur de sa propre vie, producteur permanent de richesses) dont la juste contrepartie serait un revenu garanti optimum.

Il s’agit d’un bon conseil adressé au capitalisme mondial intégré pour minimiser le risque d’insurrection... Claude Guillon ironise : « Ce raisonnement pourrait figurer le summum de l’esprit marchand, d’autant qu’il n’y a pas de raison sérieuse de ne pas l’étendre au foetus qui lui aussi consomme des examens médicaux et des actes chirurgicaux. [2] »

[1]Dans le système Fourier, vaste association de production, au sein de laquelle les travailleurs vivent en communauté.

[2] Claude Guillon, Économie de la misère, La Digitale, 1999.


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